« Il est beaucoup plus intéressant pour les entrepreneurs de travailler en Russie »

Johan Vanderplaetse. Crédit photo : www2.emersonprocess.com

Johan Vanderplaetse. Crédit photo : www2.emersonprocess.com

Johan Vanderplaetse a passé plus de 20 ans en Russie. Il parle le russe, est marié à une Russe, a un compte dans la plus grande banque russe Sberbank et ne donne pas de pots-de-vin. Né en Flandre, près de Bruges, il est arrivé en Russie en 1990, alors qu’il étudiait le droit à l’Université de Gand. Un an plus tard, il s’est installé à Moscou pour de bon.

Actuellement, M. Vanderplaetse est directeur général du département russe de la société américaine Emerson, réalisant un chiffre d’affaires annuel d’environ 382,7 millions d’euros et président du Belgian Russian Business Club.

Après avoir résidé en Russie pendant plusieurs années, l’entrepreneur belge a constaté les deux principaux problèmes du pays : ce sont, selon lui, le personnel et l’infrastructure. Ainsi, le Belge a de nouveau confirmé le célèbre adage russe : « En Russie, il y a deux problèmes : les idiots et les routes ».

Johan, vous avez passé en Russie 20 ans. Vous sentez vous russe ?

Oui, je crois que je suis actuellement plus russe que belge. La patrie, c’est toujours la patrie, mais ici je me sens très à l’aise. J’aime la Russie.

La bière belge ne vous manque pas ?

On trouve de la bière belge ici. Quand je suis arrivé en Russie, le pays était en pleine crise, mais si tu avais quelques dollars, tu pouvais y vivre. Je me rappelle que j’achetais à l’époque du vin mousseux Sovietskoïe pour un dollar, et le caviar était également abordable.

Ma maman s’inquiétait beaucoup pour moi. Je la rassurais : « Maman, à Moscou, je bois tous les jours du champagne et je mange du caviar ».

Actuellement, il est beaucoup plus difficile pour un étudiant de débuter à Moscou : la vie y est devenue beaucoup plus chère qu’en Belgique. Certaines choses sont moins chères, bien évidemment, notamment les tickets de métro, l’électricité, l’eau et le chauffage.

Mais l’immobilier ! Il est très difficile d’y louer un appartement, et encore plus d’en acheter un, même dans la région de Moscou, les prix sont incroyables.

À Anvers ou à Bruxelles, on peut facilement trouver un bon appartement pour 100 000 ou 150 000 dollars. Le prix de location d’un appartement rénové au centre de Moscou est égal au prix de location d’un petit palais en Belgique.

L’acteur français Gérard Depardieu, lui aussi, aime la Russie, et a réussi à résoudre son problème de logement. Pour cela, il est devenu un citoyen russe. L’avez-vous compris ?

Bien sûr ! Mais son appartement à Grozny a récemment brûlé.

Peu probable qu’il soit trop bouleversé : après avoir obtenu la citoyenneté russe, il s’est vu offrir plusieurs appartements en Russie. Et vous, avez-vous obtenu un passeport russe ?

Non. Pour le faire, je serai obligé de renoncer à la nationalité belge, car la Belgique n’accepte pas la double nationalité. Je serais donc forcé de recevoir un visa pour visiter ma patrie. Et c’est bizarre, bien évidemment.

Quant à l’appartement, j’ai acheté le mien en 1998, suite à la crise financière, lorsque les prix ont chuté. C’était mon investissement le plus sage en Russie. Actuellement, je n’aurais jamais pu acheter un appartement pareil.

Et quel est le meilleur endroit pour fonder une entreprise? 

Actuellement, il est beaucoup plus intéressant pour les entrepreneurs de travailler en Russie. Mes collègues occidentaux m’envient. Il y a juste 15 ans, après la crise financière, tout le monde pensait que le pays ne réussirait pas à reprendre le dessus. L’Europe représentait à l’époque un havre de stabilité.

Mais la situation évolue : d’un point de vue économique, la Russie semble faire mieux que l’Occident. Bien sûr, il y a certains problèmes. Mais ici nous nous développons, nous embauchons des gens, nous construisons une nouvelle usine dans l’Oural.

En Occident, cependant, on y réduit les dépenses. Emerson Russie emploie actuellement 1 600 personnes dont 1 000 travaillent à l’usine Metran à Tcheliabinsk. La plupart des équipements que nous vendons en Russie et dans le pays de la CEI, sont produits ici, et non pas importés.

En outre, nous employons à Tcheliabinsk 150 ingénieurs engagés dans des recherches ; ils développent en outre des logiciels pour le monde entier. Grâce à ces gens, nous avons déjà réussi à obtenir 70 brevets.

Parlons corruption. Donnez-vous souvent des pots de vin ?

Nous n’en donnons jamais, c’est un principe. J’aurais pu vendre 25% ou 30% de plus si je m’étais engagé dans des affaires non éthiques. Emerson préfère vendre moins, mais honnêtement. Nous ne voulons pas avoir des problèmes dans l’avenir.

Vous dirigez le Belgian-Russian Business Club. Quel est l’objectif de cette organisation ?

Le club n’a été fondé qu’il y a deux ans. L’ambassadeur belge en Russie m’a demandé de devenir son président. Il y avait plusieurs raisons pour la création du club.

Premièrement, la Russie a une mauvaise réputation en Occident. C’est un problème. La presse occidentale ne couvre que vos problèmes, ce qui fait peur aux entreprises étrangères. Bien évidemment, c’est assez difficile de faire peur aux grandes entreprises : nous comprenons bien que la situation réelle est tout à fait différente.

Mais toute économie dépend fortement des PME, qui ne connaissent pas le marché russe. J’ai été vraiment surpris du nombre énorme des entreprises qui ont voulu ouvrir des petits bureaux en Russie via notre club.

Le club constitue une plate-forme pour l’échange d’expériences entre les entreprises russes et belges. Nous comptons actuellement de 80 à 100 membres. Le club organise des présentations consacrées à l’adhésion de la Russie à l’OMC et à l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan.

Nous envisageons d’organiser prochainement une visite à la brasserie belge Interbrew. Ses dirigeants nous feront visiter l’entreprise et nous parleront de leur expérience en Russie. Tout cela donnera sans aucun doute un élan au développement  du commerce entre nos deux pays.

Article abrégé. Texte original (en russe) disponible sur le site de Argoumenty Nedeli.

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