Teatr.doc

à l’école et à la maison

La classe est en émoi, tout le monde est impatient de participer. Crédit : PhotoXPress

La classe est en émoi, tout le monde est impatient de participer. Crédit : PhotoXPress

L’école n°957 dans le nord de Moscou accueille des enfants qui souffrent de problèmes de développement intellectuel. Aujourd’hui, le cours de littérature ne se déroule pas comme d’habitude, il est assuré par les comédiens du « Teatr.doc », un théâtre documentaire. Aucune discipline pendant ce cours : on a le droit de parler tout fort, de s’exclamer, de venir au tableau sans la permission de l’enseignant, et de couper la parole aux autres.

  Alexeï Bogatchouk-Petoukhov et Konstantin Kojevnikov vont raconter, ou plutôt montrer, un chapitre de la nouvelle de l’écrivain soviétique Nikolaï Nossov Vitya Maleev à l’école et à la maison.

Ce qu’est une nouvelle, en quoi elle se distingue du roman et pourquoi les héros se comportent de telle ou telle façon – autant de questions qui seront résolues par les enfants pendant que se déroule le spectacle. Alexeï et Konstantin ne se contentent pas de rapporter le contenu du texte, ils attirent l’attention sur l’essentiel, expliquent le sens des mots inconnus, tout en assurant le rôle des enseignants en séparant ceux qui n’aiment pas être assis côte à côte.

Près du tableau, à la place de l’enseignante, trône un lit improvisé fabriqué avec des chaises. Un « acteur » est choisi pour le rôle principal. Muni d’une couette, il se couche docilement sur le lit-chaises. Tous les participants de la scène ont été sélectionnés. Certains sont terriblement embarrassés, d’autres indifférents, le rôle principal est un comédien né, reconnaissent en chœur Konstantin et Alexeï.

La classe est en émoi, tout le monde est impatient de participer. Le trépignement de la « salle » est le même que lors d’une avant-première au Bolchoï.

Après le spectacle, les acteurs organisent un quiz pour comprendre pourquoi le héros Chichkine ne voulait pas aller à l’école. Les enfants racontent avec enthousiasme leurs propres histoires, partagent les combines pour rester à la maison : mettre de l’iode sur du sucre, se verser de la colle dans le nez, etc.

Alexeï et Konstantin se réjouissent de ce projet avec les écoles, le seul inconvénient étant qu’il faut se lever tôt, car les cours commencent à huit heures. Et le soir, ils doivent encore jouer au théâtre. Mais ce qui compte, ce sont les enfants.

Affaires urgentes

De manière générale, les acteurs du Teatr.doc sont des gens très responsables. Ils ont une page Facebook de leur projet, « Les chef-d’œuvres de la littérature pour les écoliers », sur laquelle ils annoncent leur programme, partagent des conseils de mise-en-scène, racontent le déroulement des dernières représentations. Plusieurs spectacles sont en cours en ce moment.

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Pour l’école qui accueille des enfants de migrants, ils ont préparé La nuit avant Noël de Gogol. Irina Vilkova, l’une des comédiennes, raconte : « Ce été nous travaillions dans une colonie organisée par cette école. Nous mettions en scène Roméo et Juliette avec les enfants. La fillette qui jouait Juliette a véritablement fondu en larmes dans la scène de la déclaration d’amour. C’est alors que j’ai compris que nous faisions tout bien. C’est plus qu’un projet, c’est toute une recherche, prenant en compte les groupes d’enfants pour lesquels nous faisons tout ça. Nous les étudions eux, et eux nous étudient nous et le théâtre, et la littérature ».  

La troupe a déjà effectué quatre voyages dans la prison pour mineurs de Mojaïsk, pour y organiser des master-classes, un training d’acteurs, et avec l’aide d’un cascadeur, ils ont joué des études avec les gamins. Ces derniers ont réagi de bon chœur, ont participé avec plaisir dans la mise-en-scène et ont même accepté de prendre des devoirs à la maison, lire la pièce comique de Gogol, Le Revizor.

Le début

Les cours dans les écoles font partie d’un grand projet lancé cet été par le Teatr.doc. L’idée est d’aider les écoliers à se familiariser avec les œuvres au programme. Le projet « Les chef-d’œuvres de la littérature mondiale sur scène pour les écoliers » a été approuvé par le Département de la culture de la ville de Moscou. Avant de commencer l’année scolaire, les acteurs ont visité deux colonies de vacances pour mettre en scène plusieurs spectacles avec les enfants. L’idéologue du projet est Elena Gremina, qui est aussi la directrice artistique du Teatr.doc. Elle espère que grâce à cette méthode, à l’aide du visuel, de l’interactif, du contact avec le théâtre et la littérature, les enfants vont s’éveiller à la lecture, détrônée aujourd’hui par les ordinateurs et les réseaux sociaux, chez les enfants comme chez les adultes.

Le genre dans lequel toutes les histoires sont racontées s’appelle le « sotry-telling », la narration. Il s’agit de raconter les histoires avec ses propres mots, avec des mots accessibles aux enfants.

La mission

L’objectif principal des comédiens n’est pas seulement de raconter les œuvres au programme, mais également de placer les accents sur les valeurs fondamentales : la beauté spirituelle, la famille, le respect des traditions, l’amour de la patrie et de la ville. Au même titre que la littérature, ces concepts font l’objet d’explications en langage simple et compréhensible. Mais le plus important reste d’éveiller l’intérêt des enfants pour le mot imprimé.

Teatr.doc

Ce théâtre moscovite de la pièce documentaire a été fondé en 2002. En tant que projet collectif indépendant, le théâtre travaille surtout avec des textes originaux, des interviews, des témoignages. Il n’y a pas vraiment de scène dans le théâtre, les spectateurs sont aussi des acteurs. C’est un théâtre de l’improvisation. L’un des derniers projets s’intitule « Le théâtre des urgences et Moi », un training destiné à aider l’individu à s’intégrer dans la réalité contestataire. 

 

Article original (en russe) disponible sur le site de Moskovskie Novosti.

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