L’économie russe face à la baisse du pétrole

Image par Tatiana Perelyguina

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La chute actuelle des prix du pétrole, est-ce un complot contre la Russie? Le pays est-il désespérément adonné au pétrole? Selon Bryan MacDonald, la réalité est beaucoup plus prosaïque.

La dernière fois que la Russie a été confrontée à une faillite financière remonte à août 1998. Le rouble s’était effondré face au dollar après que le gouvernement de Boris Eltsine eut fait défaut sur la dette intérieure et gelé les remboursements dus aux créanciers étrangers. En l’espace de quelques semaines, le taux de change du rouble par rapport au dollar était passé de 6 à 21. Les Russes ordinaires, qui gardaient leurs économies en roubles et avaient emprunté en dollars, s’étaient retrouvés au bord de la ruine. Et pourtant, quelques années plus tard, l’économie d’un pays habitué aux crises décollait comme jamais auparavant, affichant une croissance à deux chiffres.

Quand Vladimir Poutine arriva au pouvoir en 1999, il trouva un État échappant à tout contrôle, asphyxié sous le poids d’une expérience économique néo-libérale ratée. Il mit fin à la spirale en instaurant un impôt sur le revenu fixe de 13% qui permit de s’attaquer à ce qui était une véritable culture de l’évasion fiscale. Puis il renationalisa les principales industries et mit fin à la domination des oligarques des années 90. 

La grimpée des prix du pétrole, due à des facteurs externes, arriva au bon moment et le Phénix russe put redéployer ses ailes. Alors que tout semblait perdu, le pays put soudain s’éloigner du gouffre. Le culte que voue Kremlin au miracle de l’or noir pourrait-il aujourd’hui causer sa perte ? 

Un taux de change pénalisant

Les relations entre Moscou et Washington sont au plus bas depuis les années 1970. La fuite des capitaux russes a atteint un niveau record et devrait s’élever à 102 milliards d’euros cette année. La croissance économique est proche de zéro. Cela donne à réfléchir dans ce pays qui, récemment, affichait encore une croissance stable de 4% environ, alors que ses rivaux faisaient du sur-place ou reculaient. Et le rouble est en chute libre par rapport aux principales devises étrangères.

L’Europe souffre également et devra sans doute se résigner à la levée des sanctions qui ont peu d’effet sur les États-Unis, mais nuisent aux économies européennes presque autant qu’à la Russie. 

L’effondrement du rouble effraie les Russes. La nouvelle classe moyenne s’est habituée aux vacances annuelles à l’étranger – un privilège encore impensable il n’y a pas si longtemps. Les estivants russes se désolent de devoir renoncer à Alicante en Espagne, et se rabattre sur Alouchta en Crimée. Mais la « punition » est partagée : les stations balnéaires européennes s’inquiètent de perdre leur clientèle russe. 

Des raisons de s’alarmer

Quant aux prix du pétrole, y voir un vil complot des États-Unis et de l’Arabie saoudite contre le Kremlin de Poutine est absurde. La chute des prix du brut est la conséquence de l’essor du pétrole de schiste aux États-Unis et de la baisse de la demande en Chine et en Europe. 

Le problème de la Russie est que le baril de brut produit en Oural a vu son prix plonger, passant de 115 à 83 dollars depuis juin. 

La Deutsche Bank affirme qu’en raison de la forte hausse des dépenses ces dernières années, Moscou doit vendre son pétrole à 80 euros pour équilibrer son budget. L’incapacité du Kremlin à diversifier l’économie russe pourrait bientôt se retourner contre lui. 

Des raisons de ne pas désespérer

La chute du rouble pourrait être un désastre pour les ménages ordinaires, mais elle a un impact positif sur le budget de l’État, car les revenus du pétrole sont perçus en dollars alors que les dépenses domestiques se font en roubles. Les producteurs pétroliers du Proche-Orient ne pourront pas supporter une baisse prolongée du rendement de leur activité. La Russie dispose de solides réserves de liquidités susceptibles de rendre la souffrance économique supportable encore un moment. Quant au boum du schiste qui aide à maîtriser le chômage américain, des prix inférieurs à 90 dollars le baril ne seront pas viables à terme.

Bryan MacDonald est journaliste irlandais spécialisé dans les affaires russes et la géopolitique 

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