Dessin de Konstantin Maler
Dessin de Konstantin Maler
Les relations entre la Russie et la Géorgie ont connu une amélioration notable en 2013, qui est principalement due au changement du pouvoir ayant eu lieu à Tbilissi en octobre 2012. Toutefois, la normalisation réelle est encore loin. En cause, des facteurs objectifs comme subjectifs.
Pour le moment, Moscou et Tbilissi évitent les sujets sensibles et se limitent au rapprochement commercial et économique. La Russie a ouvert son marché aux produits géorgiens, notamment le vin, l’eau minérale et les fruits. Les négociations sur la restauration de la liaison aérienne régulière sont en cours. Les négociateurs des deux côtés disent que l’objectif pour 2013 a été atteint à 80% environ.
Saakachvili, considéré par Moscou comme le principal obstacle au rapprochement, est parti, alors qu’est-ce qui empêche les Géorgiens et les Russes de renouer leurs liens d’amitié ?
Une discussion avec les représentants de l’administration géorgienne permet de comprendre pourquoi la prudence est toujours de mise. L’occasion d’une telle discussion s’est présentée au groupe de politologues russes qui, en novembre dernier, ont pu se rendre en Géorgie sur invitation de la Fondation Gortchakov et de l’ONG La Maison du Caucase.
Dès qu’il s’agit de questions politiques, même les diplomates géorgiens les plus modérés deviennent des interlocuteurs très durs et émotifs.
Géorgie : un nouveau président et une réconciliation ?
La position officielle de Tbilissi se résume au fait que la Russie a attaqué la Géorgie en 2008. Le rapport de la commission Tagliavini est peu convaincant, estiment les interlocuteurs géorgiens, alors que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont des formations pseudo-étatiques non-viables. En outre, la Russie conserve un important contingent militaire en Ossétie du Sud et en Abkhazie et menace la Géorgie. Aucun rétablissement de relations diplomatiques n’est envisageable tant que la Russie conserve ses ambassades à Tskhinvali et à Soukhoumi.
Les milieux politiques géorgiens s’obstinent à qualifier la guerre de 2008 de conflit russo-géorgien. Ils admettent que la réaction de Saakachvili n’était pas très sage, mais insistent sur le fait que la Russie est à l’origine de l’agression dans ce conflit.
Moscou, pour sa part, affirme que les événements de 2008 sont irréversibles, et que les autorités géorgiennes devraient accepter le statut quo plutôt qu’ignorer les gouvernements de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
Aussi, les parties ne parviennent même pas à s’accorder sur le format des négociations : pour Tbilissi, elles impliquent la Russie et la Géorgie, pour Moscou : la Géorgie, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Les négociations se trouvent tout simplement dans une impasse quand la Géorgie se met à insister que la Russie est l’une des parties du conflit, puisque Moscou souligne que la Russie avait agi en vertu des accords de Dagomys dont elle est garant.
En toute justice, il faut reconnaître que la Russie n’a pas toujours un comportement irréprochable. L’exemple en est la construction de clôtures le long de la frontière de facto entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud. D’un côté, elle a causé de nombreux désagréments aux riverains, car la clôture passe parfois au beau milieu des champs, d’un autre, elle provoque la nervosité de Tbilissi. Toutefois, la construction a été récemment gelée.
Les ambitions se joignent aux émotions. Le sentiment général est le suivant : d’ici 7 à 8 ans, la Géorgie deviendra un pays européen, aussi Moscou devrait assoir son amitié avec le pays maintenant, pour obtenir des relations préférentielles au moment venu. Car, sans la Géorgie, la Russie ne pourra réaliser de nombreux projets économiques et politiques. Toutefois, la seule proposition concrète que la Géorgie puisse faire à la Russie est de lui apporter une aide abstraite dans la normalisation de la situation dans le Caucase du Nord.
Concernant l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, la classe politique géorgienne considère que la question se résorbera d’elle-même : quand la Géorgie deviendra un pays européen pacifique et démocratique, les séparatistes choisiront la civilisation. Notons que si auparavant, l’on demandait à Moscou de cesser de soutenir les Abkhazes et les Ossètes et de les inciter à retourner au sein de la Géorgie, désormais l’on peut entendre dire « on n’a pas besoin des Russes ».
Parallèlement, les autorités géorgiennes placent de grands espoirs dans les Jeux Olympiques de Sotchi. Après les Jeux, disent-ils, la question de la sécurité ne sera plus d’actualité. L’Abkhazie n’aura plus d’utilité, et la Russie adoptera une position plus souple.
Nous avons l’impression que la société et l’establishment géorgiens ne sont pas encore prêts à évaluer le statut quo de manière impartiale et à résoudre la question des relations avec l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud dans le calme. Alors que les dirigeants à sang froid se rendent compte que la coalition Rêve géorgien n’a pas encore assis son pouvoir et ne peut prendre le risque d’un rapprochement hâtif avec la Russie.
Aussi, les pragmatiques estiment que la question du statut de l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie doit être remise à plus tard, quand les passions se seront calmées, et que la coopération économique et commerciale vient en premier.
Cette approche semble convenir à Moscou. La Russie n’a aucun intérêt à promouvoir le processus de réunification. On peut aider un état-ami, mais la Géorgie, avec sa rhétorique agressive à l’égard de la Russie et ses projets de rejoindre l’OTAN, n’en est pas un pour le moment.
Les Russes doutent que la coopération avec l’UE et l’OTAN transforme la Géorgie en un poids lourd régional et sont prêts à attendre que ces illusions se dissipent. Entretemps, Moscou appelle la Géorgie au dialogue avec les autorités ossètes et abkhazes et promet de soutenir toute formule de cohabitation qu’ils pourraient trouver.
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