La Russie, un acteur majeur aux Nations Unies

Dessin d'Alexeï Iorch

Dessin d'Alexeï Iorch

L’attitude de la Russie vis-à-vis des Nations Unies obéit à deux préoccupations fondamentales : le statut et l’influence. La détention d’un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU s’avère cruciale dans les deux cas. Plus que tout autre chose, cela permet de justifier les aspirations de Moscou au statut de grande puissance, dont l’avis sur les principaux problèmes mondiaux doit impérativement être pris en compte par les Etats-Unis, l’Union européenne et le reste de la communauté internationale. Mais cette position permet également d’exercer une influence réelle : il est par exemple évident que la situation en Syrie aurait évolué dans une toute autre direction si la Russie et la Chine n’avait pas disposé d’un droit de veto au Conseil de Sécurité. Dans la mesure où le pouvoir relatif de Moscou s’est significativement affaibli suite à l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie est soucieuse d’utiliser au mieux les ressources dont elle dispose encore.

Le rôle des Nations Unies, et en particulier de sa charte devant permettre de garantir le respect des principes de base du droit international, constitue un point encore plus fondamental de la position russe. Moscou adhère à l’interprétation la plus conservatrice de la charte, laquelle fait de la souveraineté des Etats la pierre angulaire du système international. La Russie interprète ce concept comme une interdiction formelle de toute ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats.

Une fois encore, cette position s’explique par le déclin relatif de la puissance russe au cours des dernières décennies. Le Kremlin est profondément préoccupé par ce qu’il perçoit comme une hégémonie écrasante de l’Occident dans les affaires internationales, en particulier lorsque il s’agit de définir les normes et principes fondamentaux de la société internationale. Les dirigeants russes accusent régulièrement l’Ouest d’imposer à d’autres peuples et cultures ses propres interprétations de valeurs universelles telles que la démocratie et les droits de l’homme.  

Les principes de souveraineté et de non-intervention consacrés par la Charte des Nations Unies constituent dans ce contexte la principale ligne de défense contre ce qui est perçu comme une nouvelle manifestation de l’interventionnisme occidental. En Russie, nombreux sont ceux à être convaincus que si ses principes devaient être abandonnés, leur pays connaîtrait alors le même sort que la Libye. Cette défense de la souveraineté contre de nouvelles normes telles que le devoir de protéger les populations civiles prend encore davantage d’importance à la lumière des récents événements en Russie. La consolidation du mouvement d’opposition apparu dans le sillage des élections législatives de 2011, ainsi que les désaccords de plus en plus fréquents avec l’Occident sur la question des droits de l’homme et des libertés fondamentales rendent les autorités du pays encore plus convaincues du bien-fondé de cette position non-interventionniste.

L’importance de cette position ne réside pas tant dans sa fonction de rempart dans l’éventualité où le scénario du pire devait se concrétiser, mais dans son utilité en tant qu’instrument permettant de délégitimer le soutien apporté par l’Occident aux mouvements démocratiques de Russie.

Plusieurs autres instruments de la gouvernance mondiale sont également interprétés par Moscou à travers le prisme de la confrontation avec l’occident. La Russie suspecte en conséquence des institutions telles que le G8, le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale d’être inféodées aux puissances occidentales. L’appartenance au G8 permettait par le passé de confirmer le statut de puissance globale de la Russie, mais cet aspect a récemment perdu de son importance, du fait notamment de la marginalisation de la Russie au cours des différents sommets du G8. De la même manière, Moscou fait régulièrement pression pour inscrire à l’ordre du jour une réforme du FMI, dans l’espoir de parvenir à réduire le poids de l’Occident au sein de cette institution. 

A l’inverse, le G20, les BRICS et des institutions régionales comme l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC) sont considérées par le Kremlin comme des alternatives bienvenues à cette domination de l’Occident sur les affaires mondiales, ou à tout le moins, comme des forums au sein desquels l’influence Occidentale peut être contrebalancée par les puissances émergentes et d’autres acteurs n’appartenant pas à l’Occident. La Russie est pour cette raison bien disposée à l’égard de ces structures et investit des ressources significatives pour en assurer le développement. Ces institutions sont considérées par Moscou comme des blocs permettant de soutenir les éléments les plus importants du système international fondé sur la primauté des Nations Unies et non pas comme des alternatives à ce système.

Alors qu’en Occident on a souvent tendance à juger les structures Onusiennes obsolètes et inefficaces, la Russie entend justement préserver ces éléments considérés comme « démodés » et «sous-optimaux ».  Cela n’est qu’une question de point de vue : pour Moscou, ces éléments font partie d’un héritage précieux constituant les fondations de l’ordre international et de la stabilité et devant pour cette raison même, être célébrés et préservés.    

Viatcheslav Morozov est professeur d’études UE-Russie à l’Université de Tartu, Estonie.

 

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