Image par Alena Repkina
Depuis plusieurs années les pouvoirs russes ne se soucient pas de leur image auprès des opinions publiques d’Europe occidentale. De toute évidence, c’est une erreur car cela va à l’encontre des intérêts de la Russie à long terme.
Le traitement médiatique de la vie politique russe par les médias d’Europe occidentale fonctionne en pilote automatique selon un canevas qui permet, à la fois, de développer un storytelling facile à comprendre, et de traiter facilement, donc rapidement, les sujets d’actualité russe. Ce canevas peut être résumé en trois points :
1.Vladimir Poutine est un dictateur à la tête d’un Etat policier.
2. Tout mouvement d’opposition à Vladimir Poutine est un courant démocratique, et la Russie gagnerait à ce qu’il soit porté au pouvoir.
3. Toute action policière ou judiciaire contre un tel mouvement d’opposition est une persécution et le dit opposant est un parangon de vertu.
Conséquence directe de ce storytelling, l’opinion publique européenne a une perception de la Russie fondée sur des informations souvent incomplètes, et même fréquemment fausses. Par exemple, l’opposition antisystème est présentée par la plupart des médias d’Europe occidentale comme une alternative politique réelle au pouvoir de Vladimir Poutine, dotée d’une plateforme idéologique commune.
De fait, ils ignorent que les mouvements coalisés dans cette plateforme n’ont pas de programme de gouvernement et que, du fait de leur diversité qui s’étend de l’extrême droite à l’extrême gauche, ils ne sont pas en mesure de produire un tel programme.
Un des principaux sujets suscitant l’intérêt des médias d’Europe occidentale, indépendamment de l’agenda médiatique, est la politique des pouvoirs russes en Tchétchénie. Elle est perçue comme relevant purement et simplement de l’accumulation de crimes de guerre, venant d’un régime ne connaissant que la brutalité face aux revendications d’une nation opprimée.
Ils ignorent donc, notamment, que les combattants armés de Tchétchénie relèvent davantage de bandes armées criminelles que de combattants de la liberté.
Autre exemple de ce storytelling : un documentaire consacré aux prisons russes diffusé récemment en France par la chaîne LCP. Ce documentaire compare les conditions de détention actuelles en Russie à celles en vigueur du temps du Goulag et, par amalgame, compare la présidence de Vladimir Poutine au régime de Staline.
Puisqu’il est admis dans les médias d’Europe occidentale que Vladimir Poutine est un dictateur à la tête d’un Etat policier, ce documentaire peut être diffusé auprès du public français alors qu’objectivement, il relève de la propagande.
Pour autant, les médias d’Europe occidentale obéissent simplement à deux règles de base du journalisme contemporain : le canevas simplificateur (pouvant inclure une simplification abusive des faits), et la priorité à l’actualité nationale. Le canevas simplificateur, on l’a vu, consiste à adopter une thèse en pilote automatique pour l’appliquer systématiquement au thème traité.
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La priorité à l’actualité nationale, quant à elle, veut que les journalistes accordent une importance disproportionnée à l’actualité de leur propre pays, et donc, traitent de façon relativement expéditive les sujets d’actualité étrangère. Ainsi, Vladimir Poutine et les pouvoirs russes sont systématiquement présentés comme « le côté obscur de la force », le mal absolu.
Sans doute, Vladimir Poutine et par extension le gouvernement russe commettent une erreur en n’accordant aucune importance à ce lourd problème d’image auprès des opinions publiques d’Europe occidentale, car le dit problème a des conséquences politiques bien réelles.
Par exemple, lorsque le chef d’un gouvernement d’Europe occidentale reçoit le président russe ou lui rend visite à Moscou, il sait avec certitude que les médias de son pays vont le sommer d’aborder avec Vladimir Poutine les questions des droits humains, de la situation en Tchétchénie, des manifestations de l’opposition, du sort des prisonniers politiques russes, et ainsi de suite.
Souvent, la position de Moscou et ses arguments restent totalement inconnus des opinions publiques européennes. Corollairement, le chef d’un gouvernement d’Europe occidentale sait avec certitude que tout accord commercial passé avec la Russie est un accord signé avec un président russe qui, pour l’opinion publique de son propre pays, est le dictateur d’un Etat policier. Cette collaboration nuit donc à l’image de ce chef de gouvernement auprès des Européens et auprès de son électorat.
La méthode la plus efficace serait d’établir une stratégie de communication affirmée et cohérente, qui limite le caractère considérablement négatif de l’image de la Russie et de ses autorités.
En aucun cas il ne s’agirait d’essayer de diffuser de la propagande chantant en tous points les louanges du Kremlin. Le remède tenté serait, en l’occurrence, pire que le mal, et traité par les médias d’Europe occidentale, au mieux, avec une cinglante ironie.
Il s’agirait en revanche de porter à la connaissance des opinions publiques d’Europe occidentale, par tous moyens appropriés, des éléments qui présentent la situation actuelle en Russie sans idées reçues et qui expliquent d’une manière claire le positionnement officiel des pouvoirs russes sur les problématiques clés de sa politique intérieure et extérieure.
Le gouvernement russe peut, au contraire, choisir de continuer à ne pas se soucier du fait que son image auprès des opinions publiques d’Europe occidentale se dégrade. Mais dans ce cas, que le président russe ne soit pas surpris d’avoir été reçu à Paris en catimini, presque avec honte, par le président français François Hollande.
Et que l’hôte du Kremlin ne s’étonne pas si, dans leur traitement de tout conflit politique russe, les médias d’Europe occidentale donnent d’abord voire exclusivement la parole à des représentants de l’opposition antisystème.
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