Iran : après la présidentielle

Image par Aliona Repkina

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A deux mois de la présidentielle iranienne, la communauté internationale est assez optimiste : qui que soit le vainqueur, ce ne sera pas Mahmoud Ahmadinejad. Le président iranien, célèbre par sa rhétorique belliqueuse anti-américaine et anti-israélienne, achève son deuxième mandat non renouvelable.

Cependant, la majorité des analystes estiment qu’il serait inutile de s'attendre à un changement considérable dans la politique iranienne, notamment au niveau des problèmes clés aux yeux de la communauté internationale, dont le programme nucléaire de Téhéran et sa position sur le régime syrien de Bachar El-Assad.

En d'autres termes, même si un candidat modéré remporte le scrutin, le « problème iranien » ne sera pas prochainement résolu, notamment en ce qui concerne la décision finale des États-Unis, des monarchies du Golfe et d’Israël : ces derniers seront obligés de décider s’ils sont prêts à accepter le statut de facto nucléaire de l’Iran ou s’ils doivent l’empêcher à tout prix de poursuivre son programme atomique.

Étoile de la démocratie islamique

Paradoxalement, avant les événements du « printemps arabe », l’Iran était peut-être l’État le plus démocratique du Proche-Orient (la Turquie, Israël et l’Irak occupé exclus).

Par rapport aux États arabes,  l'Iran se distinguait par une culture politique vivante, pleine de pluralisme. Le pays organisait des élections tout à fait libres et réelles, dont le résultat était souvent très inattendu.

L’Iran était le pionnier des changements qui ont été lancés dans de nombreux pays de la région au début des années 2010. Ce n’était donc pas par hasard que Téhéran avait salué les événements en Tunisie, en Égypte et en Libye, d’autant plus que tous les régimes dictatoriaux étaient clairement anti-islamiques, sinon pro-occidentaux.

Mais quand le « printemps arabe » a touché la Syrie, l’enthousiasme de l’Iran était déjà épuisé. Bien que le régime syrien, séculaire en esprit et auparavant prosoviétique, soit loin du bon système politique aux yeux de la République islamique de l’Iran, l’opposition des deux pays à la domination sunnite était plus forte que les différences idéologiques.

Le bon côté de l’Histoire

L’Iran, il y a 35 ans, et le « printemps arabe », actuellement, montrent dans des circonstances très différentes le même processus : le réveil des peuples de l’Orient islamique provoque des changements géopolitiques globaux, tandis que les grandes puissances mondiales ne savent pas comment y réagir.

À la fin des années 1970, l’Iran faisait face à une montée de tensions internes. Sous la pression de Jimmy Carter, président américain de l’époque qui parlait beaucoup des droits de l’homme, le Shah d’Iran a fait plusieurs concessions, ce qui n’a fait que provoquer les manifestants.

Très vite, M. Carter a été forcé non seulement d’accorder l’asile au souverain iranien, mais aussi de payer un prix politique énorme. La prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran, la publication scandaleuse de la correspondance diplomatique, l’échec catastrophique de la tentative de libération des otages par force, la négociation humiliante avec l’Iran : tout cela a privé Jimmy Carter d’un second mandat.

Barack Obama, un autre président démocrate, était dans la même situation en 2011 : Hosni Moubarak, partisan fidèle de Washington, a dû faire face à des protestations de masse. Cette fois-ci, Washington a préféré abandonner son partenaire et se ranger du côté du peuple.

On peut dire que Washigton a tiré une leçon de la révolution iranienne : les Américains ont peur de se trouver « du mauvais côté de l’Histoire ».

Le poids du passé

L’impasse en Iran, l’incapacité de trouver un moyen de coopérer sont principalement dus aux événements des années 1979 et 1980. Washington sent apparemment que les USA ne se sont pas alors vengés pour la gifle de la part de Téhéran, si bien que la rigidité est désormais devenue la seule approche possible pour les États-Unis.

Certains croient que la chance de redresser les relations avec Téhéran a été manquée à l’époque du président Mohammad Khatami (fin des années 1990 – début des années 2000), qui était considéré comme relativement libéral.

Pourtant, personne ne se fait d’illusion avant la prochaine présidentielle : qui que soit le vainqueur, l’Iran rejettera la pression extérieure. On espère juste entendre moins d’affirmations ouvertement provocatrices et politiquement incorrectes après que Mahmoud Ahmadinejad quitte son poste.

Cependant, la démocratie iranienne, très particulière, pourrait bien donner naissance à un personnage politique aussi coloré, d’autant plus que le peuple est de moins en moins satisfait de la situation économique et ressent l’impact des sanctions occidentales.

Au cœur de l’action

Quel que soit le cours des événements au Proche-Orient, une chose est certaine : l’Iran restera au premier plan de l’actualité. En tant que pôle d’attraction pour les chiites, insatisfaits de leur situation dans la plupart des pays voisins ; en tant que grande puissance avec des ambitions au moins régionales ; en tant que certain modèle politique;  et finalement, en tant qu’État qui serait capable, après avoir obtenu le statut nucléaire, non seulement de changer l’équilibre de pouvoir, mais aussi de mettre fin au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui lutte actuellement pour sa survie.

Le prochain président iranien recevra sans aucun doute une place dans l’Histoire : même s’il ne fait rien d’important par lui-même, un tel événement surviendra très probablement contre sa volonté.

Fedor Loukianov, président  du Conseil pour la politique étrangère et la politique de défense de la Russie

Paru sur le site de Kommersant le 15 avril 2013.

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