La guerre en Irak, dix ans après : les retombées

Dessin de Niyaz Karim

Dessin de Niyaz Karim

Dix ans de cela, les Etats-Unis ont entamé leur campagne contre l’Irak, une guerre d’envergure sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette invasion, devant prouver au monde entier leur aptitude à contrôler et diriger les processus mondiaux, a abouti à des résultats diamétralement opposés.

Des milliers de soldats américains sont morts, non pas lors de cette guerre éclair mais durant les années suivantes, pendant  la « reconstruction nationale » (sans parler des pertes irakiennes qui se comptent par dizaines de milliers). Le renversement de Saddam Hussein s’est soldé par une influence croissante sur Bagdad de l’Iran, le pire ennemi des Etats-Unis.

Les centaines de milliards de dollars dépensés n’ont fait qu’aggraver une situation économique déjà délicate. Que les autorités américaines aient menti ou qu’elles aient vraiment cru (à force de se convaincre) que Hussein était en possession de l’arme nucléaire, cette histoire a entraîné une perte de confiance de la communauté internationale.

Il en est de même pour la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive : l’effet a été inverse. Ceux qui songeaient à s’en munir sont dorénavant convaincus de devoir le faire au plus vite. Seule la « bombe » pourrait les sauver de la potence.

La démocratisation du Proche Orient, imposée de force en Irak et ayant donné le « printemps arabe », laisse perplexe. La politique des nouveaux régimes est clairement anti-occidentale, dictée par les tendances religieuses de la majorité de la population.

Tous ces faits sont établis et restent incontestés, même par ceux qui voulaient à tout prix être « débarrassés du tyran le plus violent du monde ». Mais, à la regarder sous un autre angle, quels ont été les bénéfices de cette guerre pour le système mondial ?

Elle a fait vasciller les prétentions des Etats-Unis, qui à la veille de la guerre en Irak et suite à la forte mobilisation en réaction aux attentats du 11 septembre, se voyaient en véritable Empire mondial. La retenue d’Obama (relative mais déjà exceptionnelle pour un président américain) est le fruit de l’expérience irakienne.

La guerre en Irak a également permis au Conseil de sécurité de l’ONU de reprendre sa place en politique internationale. La décision des Etats-Unis d’agir sans la résolution de l’organe suprême semblait avoir sonné le glas du rôle politique de l’ONU. Il semblait qu’à partir de ce moment, les grandes puissances n’auront plus à la prendre en considération et lui prêter attention.

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Mais très rapidement, il s’est avéré que l’absence de légitimité, garantie par le Conseil de sécurité, est un facteur insurmontable. Il est possible bien sûr de former une « Coalition de volontaires », comme l’a fait le ministre de la Défense américain Donald Rumsfeld, mais le vide juridique paralyse toute action. Sans cette résolution de l’ONU, il est facile d’abattre le régime mais pas de le remplacer par un autre plus stable. Déjà du temps de Bush, Washington avait dû revoir cette vision de l’ONU comme une contrainte inutile.

Aujourd’hui, le Conseil de sécurité des Nations Unies, certes, n’est pas un mécanisme idéal, souvent critiqué, et à raison. Toutefois, on n’a toujours rien trouvé à ce jour pour le remplacer. En revanche, ces dix dernières années, nous avons pu observer à plusieurs reprises comment les procédures onusiennes ont pu contribuer à résoudre des situations de crise.

La guerre en Irak a souligné les divergences des deux côtés de l’Atlantique. Les principales puissances européenes ont refusé d’y participer. Dix ans plus tard, l’alliance transatlantique existe toujours, le pic de conflit est maintenant passé (rappelons tout de même la campagne anti française et le boycott des produits français par les américains).

Toutefois, l’OTAN n’est plus capable de devenir un gendarme mondial, la plupart des pays membres n’étant pas prêts ou se limitant à une participation purement symbolique. La recherche d’une nouvelle mission pour l’alliance se poursuit et commence, semble-t-il, à se dessiner sous la forme d’une organisation militaire régionale, concentrée sur les problèmes d’une zone de proximité.

Pour la Russie, ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle, la zone de proximité se trouvant bien plus au Sud, avec tout de même un rayonnement vers l’Est. Heureusement, les forces militaires européennes sont en déclin et les Etats-Unis se tournent de plus en plus vers l’Asie et non vers le Vieux Continent.

Pour les autorités russes, la guerre en Irak a eu deux conséquences positives. D’une part, en discréditant la politique occidentale. Remettant en doute sa capacité à projeter à long terme, son côté pondéré et rationnel. Moscou a toujours affirmé que cette aventure ne mènerait à rien de bon et elle a eu raison, mais la Maison Blanche a voulu n’en faire qu’à sa tête.

D’autre part, la Russie a été forcée de développer ses propres moyens, pour se préparer à tous les cas de figure. Les puissants font ce qu’il veulent, le droit international ne les arrête pas, tout est donc possible. Il faut rester sur ses gardes et être au point militairement. Ce n’est pas une position stratégique, mais tactique, et cette approche devrait fonctionner encore un certain temps.

Fiodor Loukianov, président du Conseil fédéral pour la politique étrangère et de la défense.

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