Image par Niyaz Karim
Barack Obama a prononcé son discours annuel sur l’état du pays devant le Congrès américain - pour la première fois non pas en tant que rassembleur, mais en tant que progressiste et adversaire inflexible de la majorité conservatrice du Parti républicain. M. Obama a précisé que l’Amérique n’avait plus besoin d’une nouvelle intervention militaire visant à prévenir la menace terroriste. Il est allé assez loin pour mériter la haine des néo-conservateurs et de ceux qui, en dehors du pays, espéraient tant une aide extérieure.
Veut-il le prix Nobel ou sont-ce ses convictions profondes ? Obama mérite le titre de « Gorbatchev américain ». Les analogies sont étonnantes. Gorbatchev a retiré les troupes d’Afghanistan durant sa cinquième année au pouvoir ; Obama se prépare à en faire de même cinq ans après sa première investiture.
Gorbatchev a procédé à une réduction des arsenaux nucléaires, en faisant une série de concessions unilatérales aux États-Unis. Obama lance maintenant un dialogue avec Moscou sur la réduction des armements, sans concessions unilatérales toutefois.
Obama ne semble pas impressionné par Poutine, et il est peu probable qu’en son temps Mikhaïl Gorbatchev appréciât beaucoup Reagan. Reagan a toujours voulu voir dans Gorbatchev non pas un marxiste laïc, mais au fond une personne très religieuse.
Il est possible qu’aux yeux de Poutine, Obama soit trop progressiste et trop laïc. Il se méfie d’Obama et de son « redémarrage » des relations russo-américaines, qui rappelle une certaine « perestroïka ».
Comme l’écrit le journaliste politique américain James Mann, tous les gourous de la « real politic » - de Kissinger à Nixon en passant par le général Brent Scowcroft -, tous ceux qui trouvaient facilement un terrain d’entente avec le conservateur Brejnev, appelaient Reagan à se méfier du jeune Gorbatchev.
Et surtout, à ne pas succomber au charme sinistre du secrétaire général. Reagan a rejeté tous ces conseils, tenté un rapprochement avec l’Union soviétique de Gorbatchev et en fin de compte remporté la Guerre froide.
Aujourd’hui, on conseille également de toutes parts à Poutine de se méfier d’un Obama jugé rusé et fourbe qui pourrait favoriser l’arrivée au pouvoir de l’opposition russe. Nous avons tellement peur d’une répétition de la « perestroïka » chez nous que nous refusons de la voir aux États-Unis, causée par les mêmes facteurs : empire menacé, impératif de réduction des dépenses militaires pour résoudre les problèmes socio-économiques.
Aujourd’hui, une chance inédite s’offre au leader de notre pays : jouer le rôle d’un Reagan russe. Ne pas rejeter la main tendue d’un partenaire qui n’hésite plus à reconnaître ses propres faiblesses. Mieux vaut noyer Obama dans une atmosphère d’affection générale pour sa personne en Russie, ne serait-ce que pour le rendre... plus disposé envers notre pays et nos intérêts.
Boris Mejouïev est politologue.
Article publié dans Izvestia.
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