Objet du mois: les titres de transport en commun, de la pièce à la reconnaissance faciale

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À Moscou, les transports en commun au sens que nous donnons à ce terme aujourd’hui apparurent à la fin du troisième tiers du XIXe siècle. Les modalités de règlement des trajets et les titres de transport évoluent depuis en fonction de l’augmentation du nombre de passagers et du prix de la vie.

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Le dernier dimanche d’octobre, les employés des transports en commun russes célèbrent leur fête professionnelle. L’occasion pour nous, quelques jours après cette fête annuelle, de nous intéresser à l’évolution des moyens de paiement des transports à commun à Moscou.

Comme on le dit souvent sur le ton du reproche aux Moscovites qui ramènent tout à leur ville, « Il y a une vie au-delà du MKAD ! » (le périphérique de Moscou). Loin de nous l’idée de l’oublier ! Dans la mesure où il est impossible de donner un aperçu des titres de transports et de leur évolution dans toutes les villes soviétiques puis russes, nous nous concentrerons ici sur Moscou.

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Types de transport et prix des trajets

La première ligne de tramway hippomobile fut ouverte le 9 juin 1872. Le prix dépendait alors de la place dans la voiture et de la distance à parcourir. Un trajet à l’intérieur de la voiture coûtait de 10 à 15 kopecks ; sur le toit, à l’extérieur, de 5 à 8 kopecks. À titre de comparaison, sous le tsar Alexandre II, une dizaine d’œufs (en Russie, ils se vendent traditionnellement par dizaine) coûtait 6 kopecks.

Le 6 avril 1899, les Moscovites découvrirent avec émerveillement le tramway électrique. Pour l’emprunter, il leur fallait débourser 5 (soit le prix de 150 grammes de beurre) à 12 kopecks. 

Les premières lignes d’autobus et de trolleybus (moyen de transport qui disparut des rues de Moscou en 2020) furent lancées respectivement les 8 août 1924 et 15 novembre 1933. Le prix variait également en fonction de la distance. Un trajet coûtait au maximum un rouble durant la première moitié des années 1930. En 1935, un pain blanc coûtait 1,5 rouble.

Le 15 mai 1935 fut inaugurée la première ligne de métro. Ceux qui ne craignaient pas de descendre dans les profondeurs de la capitale payaient alors 50 kopecks pour un voyage. Durant l’année, son prix fut baissé à 40 kopecks. Plus tard, à 30.

Le 1er janvier 1961, année de réforme monétaire, entra en vigueur une unification des tarifs des transports communs. Dans toutes les villes d’Union soviétique, le prix des trajets fut fixé de la manière suivante :

Ces tarifs restèrent en vigueur, sans augmentation aucune, jusqu’au 27 mai 1985, date à laquelle le prix d’un trajet en tramway et en trolleybus passa à 5 kopecks. À Moscou, ce prix fut multiplié par 3 le 2 avril 1991.

Il était alors possible d’acheter des cartes (проездной – praezdnoï) pour le mois pour un seul moyen de transport ou plusieurs. Celui pour l’autobus ou le trolleybus ou le tramway uniquement coûtait 2 à 2, 5 roubles ; celui pour le métro uniquement, 3 roubles ; celui pour les 4 moyens de transport (единый - iédiny), 6 à 7 roubles. Les écoliers et les étudiants bénéficiaient d’une réduction de 50 % et achetaient leurs titres de transport dans leurs établissements.

Dans les années 1990, les prix des transports en commun furent régulièrement réévalués à la hausse. Aujourd’hui, un trajet coûte 57 roubles (à peu près 0,5 euro), soit approximativement le prix d’un pain noir de 580 grammes.

Évolution des titres de transport

De façon générale, il existe deux façons de régler son trajet :

Dans les tramways hippomobiles, le passager payait son trajet au receveur. S’il avait l’intention de faire une correspondance, il prévenait le receveur qui lui donnait un ticket spécial qu’il lui suffisait de montrer au receveur de la deuxième voiture qu’il allait emprunter. 

Au début des tramways électriques, des autobus et des trolleybus, les passagers réglaient également leurs trajets à des receveurs. Après la Seconde Guerre mondiale, les tickets étaient en papier très fin. Une couleur était assignée à chaque type de transport. Suivant les époques, on les achetait dans des kiosques spécialisés près des arrêts, auprès des receveurs ou des conducteurs. Les passagers superstitieux prêtaient une attention particulière aux numéros à 6 chiffres de leurs tickets dans l’espoir d’avoir un « billet de la chance » (счастливый билет – stchastlivy bilte). Pour qu’ils le soient, il fallait (paraît-il !) que :

Lorsqu’ils avaient décroché un billet avec le bon numéro, les chanceux faisaient un vœu, le conservaient précieusement dans leur portefeuille, allaient en jouer les chiffres à la loterie ou bien encore l’avalaient.

Ces passagers superstitieux ne pouvaient avaler leur « billet de la chance » qu’à la descente du moyen de transport qu’ils avaient pris. S’ils ne l’avaient pas composté – à coup sûr, ils évitaient de leur faire passer de main en main comme on avait l’habitude de le faire quand on était loin d’un composteur ! – et gardé en cas de contrôle, ils risquaient de passer pour des resquilleurs (зайцы – zaïtsy – littéralement lièvres) et d’avoir à payer une contravention d’un rouble. En cas de résistance, ils pouvaient finir au poste de milice le plus proche. À en croire les écrivains Ilia Ilf et Evgueni Petrov, sous Staline, être contrôlé sans billet pouvait coûter beaucoup plus cher. Le personnage principal de leur nouvelle L’Affaire de l’Étudiant Svéronovski est condamné à deux ans de prison pour n’avoir pas eu sur lui les 3 roubles de l’amende.

Aujourd’hui, à Moscou, il n’y a plus de receveurs dans les bus et les tramways et les conducteurs ne vendent plus de tickets. Mais, les contrôleurs qui dressent des contraventions sont toujours vigilants ! Pour un trajet sans billet ou payé avec une « carte de Moscovite » empruntée à un retraité (les transports en commun sont gratuits pour eux), l’amende s’élève à 2 000 roubles (à peu près 20 euros).

Durant les premières années du métropolitain, les passagers achetaient des tickets cartonnés (puis en papier) à l’unité aux caisses. S’ils montaient vers Sokolniki, ils étaient rouges. S’ils descendaient vers Park Koultoury, ils étaient jaunes. Ces billets étaient valables 35 minutes à partir de l’heure que les receveurs à l’entrée des stations y avaient inscrites. 

La direction du métro envisagea dès 1936 d’installer des distributeurs de tickets automatiques. En février, il était question d’en disposer une dizaine dans le hall de la station Krasnye Vorota. En 1948, à cette même station, un premier dispositif de contrôle automatique des titres de transport fut testé pour fluidifier le flux des passagers toujours plus nombreux. Cette expérience ne fut pas concluante. Au cours de la décennie suivante, plusieurs autres types d’appareils furent essayés.

En 1957, il fut décidé d’installer dans les stations un modèle qui bloquait instantanément, violemment et douloureusement ceux n’avaient pas introduit leur pièce dans la fente. Dans les années 1990 et 2000, les jeunes resquilleurs avaient l’habitude de sauter pour éviter d’être bloqués. C’est pourquoi ces dispositifs sont aujourd’hui équipés d’un portillon qui s’ouvre uniquement devant les passagers qui ont appliqué leur titre de transport sur le validateur.

Du fait de l’inflation galopante dans les années 1990, les pièces à insérer dans les appareils de contrôle furent remplacées par des jetons métalliques en 1992. Ils laissèrent plus tard la place à des jetons en plastique transparent jaune ou vert pomme. En 1997 apparurent des cartes en papier avec une bande magnétique, le lointain ancêtre de l’actuelle carte Troïka (Тройка). On les insérait dans les validateurs qui y imprimait 4 chiffres : les 2 premiers étaient le quantième du mois ; les deux derniers, le nombre de trajets restants. On achetait ces jetons et ces cartes en papier aux caisses du métro. Il est aujourd’hui difficile d’en trouver une ouverte. Les employées ont été remplacées par des appareils automatiques où l’on achète puis recharge sa carte Troïka.

À moins que l’on ne choisisse de payer son trajet en apposant sa carte bancaire, son smartphone ou son bracelet servant de carte Troïka sur le validateur du dispositif de contrôle ou en regardant la caméra qui sert à la reconnaissance faciale (cette possibilité n’est pour l’instant offerte que dans le métro).

Il fut un temps où les Moscovites connurent de véritables tourniquets. Au début des années 2000, ils avaient été installés après la porte avant des bus, trolleybus et tramways. Comme ces dispositifs ralentissaient considérablement la montée des passagers, ils furent retirés après quelques années. Il redevint alors possible de monter et de descendre par la porte de son choix. 

Le progrès est toujours en marche. Des tramways sans conducteur sont actuellement testés à Moscou en conditions réelles. Reste à savoir comment devront payer les passagers qui ne craindront pas d’y monter !

Dans cette autre publication, nous expliquons pourquoi le métro de Moscou est si profond

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