Attaque chimique en Syrie: quelles conséquences?

Khan Cheikhoun, Syrie.

Khan Cheikhoun, Syrie.

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Le bilan de l’attaque chimique contre une ville du gouvernorat syrien d’Idlib s’est élevé à 72 morts. L’opposition syrienne et l’Occident accusent les autorités syriennes, tandis que Damas et Moscou rejettent la responsabilité sur l’opposition. Quant aux experts, ils font remarquer que le drame torpille les perspectives d’un règlement négocié du conflit syrien.

Le premier à informer de l’attaque chimique qui a fait au moins 72 morts à Khan Cheikhoun (gouvernorat d’Idlib, dans le nord du pays) le 4 avril a été l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). « L’un des quartiers de la ville de Khan Cheikhoun a été bombardé avec des matières supposées être des gaz qui causent l'étouffement », a indiqué l’organisation sur son site.

Les images où des civils, notamment des enfants, suffoquent et meurent asphyxiés par des gaz toxiques sont rapidement arrivées dans les pages des médias. Dans un communiqué de presse, l’ONG Médecins sans frontières fait état de « symptômes concordant avec une exposition à un agent neurotoxique de type gaz sarin » ou de chlore.

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Accusations contre Damas

Le gouvernorat d’Idlib et, par conséquent Khan Cheikhoun, se trouve sous contrôle de groupes de l’opposition syrienne. Les combattants opposés au pouvoir de Damas et les pays occidentaux accusent les autorités syriennes de l’attaque. « Barbarie brutale et sans complexe », a affirmé le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, en sommant la Russie et l’Iran à mettre au pas leur allié.

La première ministre britannique, Theresa May, a déclaré qu’il ne pouvait « y avoir d’avenir pour Assad » en Syrie. Les autorités turques ont également condamné Damas et ont averti la Russie que cette attaque mettait en danger le processus de paix lancé à Genève et Astana.

Avis alternatif

Le gouvernement syrien nie toute implication dans l’attaque contre Khan Cheikhoun. « Même durant les pires journées, les militaires syriens n'ont jamais utilisé de telles armes », souligne l’Armée arabe syrienne sur sa page officielle sur Facebook. Damas estime que l’attaque a été « montée » de toutes pièces et que les habitants de la ville ont été victimes d’une provocation de l’opposition.

Moscou partage ce point de vue. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a accusé de parti pris les médias jetant la pierre au gouvernement syrien et les a accusés de vouloir rejeter la responsabilité sur la Russie. Selon Moscou, les forces aériennes syriennes ont effectivement porté le 4 avril une frappe dans le secteur de Khan Cheikhoun, mais celle-ci a visé un atelier où les combattants fabriquaient des armes à substances toxiques et non les quartiers d’habitation.

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Les Nations unies et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ont entamé une enquête, affirmant qu’il est encore impossible d’établir l’auteur et de préciser les circonstances de l’attaque.

Qui en tire profit ?

Les avis des experts au sujet d’une éventuelle attaque de l’armée syrienne contre Khan Cheikhoun divergent. Sergueï Balmassov, analyste en chef du Centre d’étude des crises de la société, estime que le président syrien n’a actuellement aucun intérêt à ruiner sa crédibilité en attaquant le gouvernorat d’Idlib et affirme que l’attaque est montée de toutes pièces. « Bachar el-Assad est peut-être un tyran. Mais il n’est pas idiot pour bombarder (l’opposition) avec des armes chimiques sans résultat militaire escompté », a-t-il noté, cité par le journal en ligne Yenicag.ru.

Pour Kirill Semionov, chef du Centre des études islamiques de l’Institut du développement innovant, Damas a pu attaquer l’opposition à l’insu de la Russie, étant donné qu’à la différence de Moscou, il souhaite que la guerre se poursuive. « L’objectif de cette opération pouvait être de mettre un terme au processus de paix en Syrie en rejetant la responsabilité sur l’opposition qui refusera de participer aux négociations », a-t-il expliqué.

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Fragilisation de la trêve

Quel que soit l’auteur de l’attaque chimique, il semble que le processus de paix dans le pays soit définitivement torpillé, estime Vladimir Akhmedov, de l’Institut d’orientalisme. « Il est clair d’ores et déjà que l’opposition accusera le pouvoir et que le pouvoir déclinera toute responsabilité en dénonçant des provocations de rebelles, a-t-il dit à RBTH. Dans tous les cas, l’éventualité d’un compromis semble s’évanouir ».

Toujours selon l’expert, le cessez-le-feu entre le gouvernement et l’opposition (établi officiellement en Syrie le 30 décembre dernier) n’existe plus que sur le papier : le nombre de violations et l’intensité des combats vont croissant chaque semaine. Les négociations de Genève, dont le dernier round remonte au 23–31 mars, s’embourbent et risquent d’échouer définitivement après un incident aussi scandaleux qu’une attaque chimique, a-t-il indiqué.

Grigori Kossatch, professeur à la chaire de l’Orient moderne de l’Université des sciences humaines de Russie, est du même avis. « Les négociations de Genève n’ont pas réussi pour le moment à rapprocher les positions du pouvoir et de ses opposants, a-t-il déclaré à RBTH. Et aujourd’hui, alors que les hostilités reprennent et surtout qu’une attaque chimique a été perpétrée, la possibilité même de telles négociations devient plus que floue ».

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