Kerry à Moscou : « les Etats-Unis commencent à comprendre la Russie »

Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry (à gauche) et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse à l'issue de leur rencontre avec le président russe Vladimir Poutine au Kremlin de Moscou, le 24 mars 2016.

Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry (à gauche) et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse à l'issue de leur rencontre avec le président russe Vladimir Poutine au Kremlin de Moscou, le 24 mars 2016.

EPA
La visite du Secrétaire d’Etat américain John Kerry à Moscou se démarque des précédentes par une atmosphère inhabituelle dans les relations russo-américaines, très loin de la tension qui caractérisait depuis deux ans les contacts de Moscou et Washington.

John Kerry a passé deux jours à Moscou, le 23 et le 24 mars. Le programme de sa visite était chargé. En plus de longues discussions avec son homologue russe Sergueï Lavrov et le président Vladimir Poutine, il a rencontré le ministre allemand des affaires étrangères et le prince héritier d’Abu Dhabi.

Le simple fait que ces rencontres aient eu lieu à Moscou contredit les déclarations sur l’importance d’isoler la Russie, que l’on entendait autrefois à l’Ouest sur fond de conflit ukrainien. La façon dont se sont déroulées les discussions de Kerry avec Lavrov et Poutine indique également que cette tendance à l’isolement appartient au passé.

« Il serait juste de dire qu'aujourd'hui nous avons commencé à mieux comprendre les décisions prises par le président Poutine et à réaliser sur quelle voie il est possible avancer », a indiqué John Kerry à l’issue de la rencontre. 

« Changementdeton »

Comme les médias le soulignent, la visite s’est déroulée dans une atmosphère amicale que l’on n’avait pas vue depuis longtemps. « John Kerry et Sergueï Lavrov sont passés des invectives mutuelles au dialogue. Ce changement de ton est confirmé par l’atmosphère détendue qui n’avait pas régné depuis longtemps sur des discussions russo-américaines », écrit le journal Kommersant à propos de la visite de Kerry, qui, selon le journal, fixe le cap vers un partenariat limité entre la Russie et les Etats-Unis.

Bien que l’ambiance ait été détendue entre les hommes politiques, il est évident que les discussions n’ont pas été faciles. La rencontre de Kerry et Lavrov a duré quatre heures. Les discussions du secrétaire d’Etat avec Poutine ont eu la même durée. Elles ont concerné deux questions principales : la Syrie et l’Ukraine. Et force est de constater que sur ces dossiers, Moscou et Washington sont en désaccord total.

Cependant, comme le font remarquer des experts russes, les discussions de Moscou montrent que les positions des Etats-Unis et de la Russie sur ces questions particulièrement épineuses ne sont plus aussi éloignées que par le passé. « En ce qui concerne la Syrie, nous pouvons affirmer sans aucun risque que les positions de Moscou et Washington se rapprochent », considère Youri Rogouliov, dirigeant du Centre d’études des Etats-Unis Franklin Roosevelt de l’Université d’Etat de Moscou.

Lors d’une conférence de presse donnée au Kremlin à l’issue des discussions, Kerry a exprimé son « heureuse surprise » sur le fait qu’un cessez-le-feu en Syrie ait été possible et soit respecté depuis déjà un mois. Selon Rogouliov, cela témoigne de l’intérêt des deux parties à continuer de rechercher une solution au problème de la Syrie.

Le futur de la Syrie et d’Assad

Comme Kerry l’a déclaré à Moscou, le processus de transition politique, la mise en place d’un gouvernement provisoire en Syrie et la rédaction d’une nouvelle constitution doivent être achevés en août de cette année. Selon Kerry, Moscou comme Washington s’efforcent de convaincre le président syrien Bachar el-Assad de prendre la « bonne décision » et de se joindre aux négociations sur la création d’un gouvernement de transition.

Les experts ne considèrent pas que la question du sort de Bachar el-Assad, dont les Occidentaux exigent le départ, mais que Moscou soutient, soit insoluble. Il est vrai que les opinions diffèrent sur la façon de la résoudre.

Selon Sergueï Oznobichtchev, expert des Etats-Unis et directeur de l’Institut indépendant d’évaluations stratégiques, Assad est bien entendu important pour Moscou, en tant qu’élément de stabilité en Syrie. Cependant, si le scénario de création d’un gouvernement temporaire était couronné de succès, la Russie pourrait tout à fait lui ménager une « sortie honorable ».

Cependant, estime Youri Rogouliov, la position d’Assad en Syrie s’est considérablement renforcée ces derniers mois, y compris durant le cessez-le-feu, et les Etats-Unis seront forcés de composer avec le président syrien. Son départ, dans ce cas-là, n’est absolument pas garanti.

Moscou veut des relations d’égal à égal

Côté crise ukrainienne, Kerry a déclaré que le président Obama était prêt à lever les sanctions contre la Russie si les accords de Minsk étaient remplis (la feuille de route pour la paix dans le Donbass sur laquelle les dirigeants russes, allemands, français et ukrainiens se sont accordés il y a un an).

Comme le soulignent les experts, l’important ici est que Moscou et Washington, sur fond de fusillades ininterrompues dans l’est de l’Ukraine, aient encore confirmé qu’il n’y avait pas d’alternative au processus de Minsk.

De manière générale, poursuit Sergueï Oznobichtchev, cette nouvelle visite de Kerry démontre la volonté réciproque de Moscou et Washington d’apaiser leurs relations. Cependant, Moscou veut que ces relations franchissent un cap et soient basées sur une réelle égalité. Le Kremlin considère que jusqu’à une date récente, cela n’était pas le cas. Par exemple, les Occidentaux n’ont pas pris en compte l’avis de la Russie lorsqu’ils ont soutenu le changement de pouvoir en Ukraine. Comme le remarque l’expert, « nous voyons aujourd’hui que les Etats-Unis et l’Europe sont prêts à nous comprendre ».

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