Obama à Cuba : quelles conséquences pour la Russie ?

Des gens près du centre technologique de Google à la Havane, le 21 mars 2016. Le géant américain ouvre à Cuba un centre technologique dernier cri pour offrir aux habitants de la ville un accès haute vitesse. Selon le président Barack Obama, les démarches de Google ne sont qu'une partie d'un grand projet d'amélioration du fonctionnement d'Internet dans le pays.

Des gens près du centre technologique de Google à la Havane, le 21 mars 2016. Le géant américain ouvre à Cuba un centre technologique dernier cri pour offrir aux habitants de la ville un accès haute vitesse. Selon le président Barack Obama, les démarches de Google ne sont qu'une partie d'un grand projet d'amélioration du fonctionnement d'Internet dans le pays.

AP
Le président américain Barack Obama s’est rendu à Cuba, ce qui est annoncé comme le début d’un « redémarrage » des relations américano-cubaines. RBTH fait le bilan de cette rencontre historique: se demande si cela changera la politique de Moscou dans la région, et si une lutte politique s’annonce sur l’Île de la Liberté.
  • La position des Etats-Unis en ce qui concerne l’embargo économique et la base militaire de Guantanamo n’a pas changé.
  • La visite d’Obama présage d’investissements d’ampleur à Cuba, selon les experts.
  • Les dirigeants cubains utilisent la Russie comme un contrepoids aux Etats-Unis.
  • L’activité effrénée des Etats-Unis à La Havane ne changera pas les plans de la Russie dans la région.

 

Le président américain Barack Obama a mis fin mardi 22 mars à une visite de deux jours à Cuba déjà qualifiée « d’historique ». Accompagné d’une délégation du Congrès, d’hommes d’affaires et de sa famille, le président américain a marqué le début d’un « redémarrage » américano-cubain.

La dernière visite d’un président des Etats-Unis en exercice à Cuba remonte à 88 ans. L’embargo vieux de plus de cinquante ans de Washington et la rupture totale des relations diplomatiques ont fait de l’île l’unique foyer de guerre froide en Occident. Aujourd’hui, la rencontre bilatérale d’Obama avec le dirigeant cubain Raul Castro permet à certains observateurs d’espérer un réchauffement durable entre les deux pays.

Les dirigeants ont décidé de se concentrer sur « ce qui nous unit », a déclaré Raul Castro à l’issue de la rencontre. En pratique, cela signifie que deux questions cruciales, le blocus économique et la base militaire de Guantanamo, demeureront au statu quo.

D’ailleurs, ceci est inévitable aujourd’hui, considère Mikhaïl Belyat, chercheur à l’université d'État des sciences humaines de Russie et expert de l’Amérique latine. Obama avait fait remarquer avant même sa visite que le rétablissement des liens concernait avant tout le peuple de Cuba, pas son gouvernement ni son Etat. Les sanctions contre Cuba ont été décidées par le Congrès des Etats-Unis, et en 53 ans, des centaines de restrictions ont été adoptées. Les annuler nécessiterait l’aval d’un Congrès aujourd’hui dominé par les républicains et hostile à une telle perspective.

En ce qui concerne la base et la prison de Guantanamo, leur fermeture n’est pas encore évoquée sérieusement, bien qu’elle ait figuré parmi les promesses de campagne électorale d’Obama. Cuba les considère comme un territoire occupé, alors que Washington insiste sur leur légalité.

Début des investissements

Le président cubain Raul Castro (à dr.) et son homologue américain Barack Obama au Palais de la Révolution de la Havane, le 21 mars 2016. Crédit : AP

Le Congrès critique Obama pour ses concessions injustifiées à la dictature cubaine, « sans rien exiger en échange », fait remarquer le Washington Post. Cuba fait toujours partie de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme. La Havane, à son tour, a laissé entendre qu’elle ne prévoyait pas de réformes politiques, niant l’existence de prisonniers politiques. Toute évocation de la démocratie et des droits de l’homme y est reçue avec crispation. Pourtant, les deux pays avaient dans une large mesure besoin de cet évènement historique, considère les experts russes.

« C’est très intéressant pour Cuba, qui n’a en ce moment aucun sponsor en matière d’énergie depuis que le Venezuela a cessé de remplir ce rôle. Le pays livrait pratiquement gratuitement à Cuba la moitié de ses besoins en énergie », considère Vladimir Soudarev, professeur d’histoire et de politique des pays d’Europe et d’Amérique à l’Institut d'État des relations internationales de Moscou.

Dans cette optique, on peut maintenant s’attendre à des investissements stables en provenance des Etats-Unis. Cependant, cela concernera avant tout le développement du tourisme. Ce n’est pas un hasard si Obama était accompagné d’une importante délégation d’hommes d’affaires. La veille de la visite à Cuba, Washington et La Havane se sont entendus sur l’ouverture de liaisons aériennes (elles aussi interrompues depuis 53 ans), et le réseau d’hôtels américains Starwood Hotels & Resorts Worldwide a conclu une première transaction à Cuba depuis près de 60 ans.

Il est vrai que les investisseurs américains devront lutter avec les Chinois, qui se sont tournés vers Cuba avec la même détermination. Durant les trois premiers trimestres de 2015, le volume des échanges entre Cuba et la Chine a augmenté de 57% (jusqu’à 1,3 milliards d’euros), et Pékin est maintenant le second partenaire commercial de Cuba (après le Venezuela).

« Pas de menace pour nos plans »

Mais il se peut que le plus grand succès d’Obama soit l’ouverture des « portes » de toute l’Amérique latine. Cuba en était la clé, car la plupart des pays latino-américains soutenaient l’île contre l’embargo dans ce conflit « gelé ».

Il paraît improbable que les Etats-Unis puissent séduire les Cubains : ils n’ont pas l’intention de reculer et d’introduire de réformes politiques, souligne Vladimir Davydov, directeur de l’Institut de l’Amérique latine de l’Académie russe des sciences. Les attentes des Etats-Unis dans ce domaine sont certainement illusoires. Les Cubains devraient donc continuer à s’efforcer de ne pas « mettre tous leurs œufs dans le même panier », l’un des contrepoids à la politique américaine dans la région n’étant autre que la Russie.

« Nous avons pratiquement quitté Cuba au début des années 90, abandonnant, en plus des projets et des centres de production, beaucoup de positions », fait remarquer M. Davydov. Cuba peut difficilement être aujourd’hui considéré comme un morceau de choix pour la Russie, s’accordent à dire toutes les personnes interrogées par RBTH, bien que Moscou soit parvenu à mener des projets à bien dans le secteur de l’énergie et de la métallurgie. Le Kremlin ne voit pas non plus de raisons de s’inquiéter en raison de l’activité frénétique des Etats-Unis dans la région. Ce sera sûrement perçu comme un retour des relations à la normale. « Cela ne menace ni nos perspectives, ni nos plans pour ce continent, qui sont, il faut le dire, assez modestes », affirme Belyat.

Pourtant, Moscou rétablit lentement mais sûrement ses liens avec La Havane. Selon les experts, être présent à Cuba constitue un atout politique, tout comme le Venezuela et le Brésil. Il suffit de se souvenir qu’en 2014, la Russie a effacé la dette de 28 milliards d’euros de Cuba, et que fin 2015, elle lui a accordé un crédit de 1,2 milliards d’euros pour construire des centrales électriques.

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