La Russie dans l'espace post-soviétique

Les présidents russe Vladimir Poutine (à g.) et arménien Serge Sargsian lors de la signature des documents à l'issue d'une rencontre russo-arménienne le 2 décembre 2014. Crédit : Itar-Tass

Les présidents russe Vladimir Poutine (à g.) et arménien Serge Sargsian lors de la signature des documents à l'issue d'une rencontre russo-arménienne le 2 décembre 2014. Crédit : Itar-Tass

La crise en Ukraine, qui a aujourd'hui conduit à la sortie de la Crimée de son territoire, mais aussi à une déstabilisation aux conséquences difficilement prévisibles dans les régions orientales, a posé deux questions : où peut se dérouler la prochaine confrontation des idées d'intégration eurasiatique, inspiré par la Russie, et de son alternative, encouragée par l'Occident ? et quelle est l'influence de Moscou dans les anciennes républiques soviétiques ?

Аzerbaïdjan

Bakou montre depuis longtemps sa mise à distance égale de tous les projets d'intégration, se limitant à une adhésion dans une CEI amorphe, et à une participation à l'Union des pays turcophones. D'ailleurs, dans cette dernière, seuls des projets humanitaires se mettent en œuvre pour la plus grande part, n'exigeant pas de grands sacrifices. Comment se comporterait l'Azerbaïdjan si on commençait dans l'alliance à réaliser des éléments économiques, on peut seulement le deviner.

Le non-intérêt de Bakou pour les alliances interétatiques s'explique par le refus catégorique de vivre avec la prise en compte des « intérêts multilatéraux » qui conduisent en règle générale à une certaine perte de souveraineté propre. Le président Ilham Aliev a formellement déclaré que l'intégration eurasiatique n'est pas intéressante pour l'Azerbaïdjan, et que l'intégration européenne n'est pas une voie pour son pays. Cependant, Bakou est prêt à développer et à approfondir les relations bilatérales de partenariats sur un pied d'égalité avec qui cela arrange. A cause du problème de Karabakh, l'Azerbaïdjan est parfois contraint de faire attention à la Russie et d'éviter de faire de forts « mouvements » en direction de la Russie. Le marché russe, auquel la plupart de la production du secteur agricole azerbaïdjanais est livrée, mais aussi pas moins d'un million de travailleurs migrants se trouvant en Russie, peuvent être d'autres facteurs de retenue. On peut bien considérer ces facteurs comme des leviers d'influence de Moscou sur Bakou. Les experts sont enclins à considérer que l'intérêt de l'Azerbaïdjan pour les alliances interétatiques peut à l'inverse dépendre du volume d'hydrocarbures extraits. C'est-à-dire dès qu'on observera une chute du secteur de l'extraction d'hydrocarbures, ce qui d'après plusieurs pronostics pourra se produire pour 2020, et que respectivement ça commencera à se répercuter sur l'autosuffisance de l’État azerbaïdjanais, il pourra commencer à s'intéresser à l'étude des unions interétatiques.

Bien sûr, la Russie voudrait voir l'Azerbaïdjan dans l'Union eurasiatique, mais elle ne peut pas ne pas comprendre que n'importe quelle pression sur Bakou ne fera que l'éloigner davantage d'elle vers une union plus forte encore avec Ankara, et quelques actions contraignantes la priveraient tout simplement de la possibilité d'avoir l'Azerbaïdjan comme partenaire. Cependant, les relations bilatérales peuvent être vraiment considérées comme chaudement amicales. Même le refus de l'Azerbaïdjan de prolonger l'accord sur la location de la station de relais radio de Gabala, malgré plusieurs estimations, ne les a pas assombries. L'influence de Moscou sur Bakou peut être plutôt qualifiée de restreinte. 

Arménie

Moscou n'a aucun problème avec Erevan. Les courtes hésitations du gouvernement arménien entre l'UE et l'Union eurasiatique se sont achevées par le choix d'une alliance pro-russe. En Arménie, une grande base militaire de la Fédération de Russie est implantée. En échange de cela, la Russie apporte la garantie de la sécurité à son allié stratégique. Il faut en revanche ajouter que les capitaux russes sont présents dans pratiquement toute l'économie arménienne, en tout cas fortement dans les éléments et les orientations les plus attractifs, alors la dépendance de Erevan à Moscou atteint un niveau si ce n'est absolu, au moins très élevé. L'Occident, estimant compliquée la situation d'une Arménie qui se retrouve dans un blocus azerbaïdjano-turc,  a respectueusement considéré sa politique extérieure multivectorielle mais avec un penchant en direction de la Russie. Mais après que les autorités d'Arménie aient inconditionnellement soutenu les actions de la Russie en Ukraine, l'Occident a laissé comprendre qu'il peut réviser sa position par rapport à Erevan. Cela signifie que des jours difficiles peuvent commencer au niveau de la stabilité intérieure pour le principal allié de la Fédération de Russie dans le Sud du Caucase.

Géorgie

Ici, la situation est l'inverse de l'Arménie. Malgré même le fait que les capitaux russes représentent des volumes significatifs dans l'économie géorgienne. Le principal problème de Moscou est de fait l'absence d'une « tête de pont pro-russe », sur laquelle elle pourrait compter. Par la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du sud, la Russie s'est en même temps privée de leviers efficaces de pression sur Tbilissi. L'embargo commercial réitéré pour la poursuite de ses objectifs est vu comme une pratique discutable. Premièrement, l'image sur la scène internationale est loin d'être la dernière des questions pour la Russie, et deuxièmement, comme le montre la pratique, le marché russe est important pour la Géorgie, mais sa perte n'est pas fatale.

Tbilissi s'est déclarée depuis longtemps partisan de l'intégration européenne. Le changement de pouvoir n'a pas débouché sur une révision de l'orientation de politique étrangère. On observe aussi une certaine activation des forces pro-russes : de certaines ONG et des organisations non commerciales. Mais la société ne les qualifie pas d'autoritaires et de formées. En tout cas, en ce moment. Cet été, la Géorgie, comme la Moldavie également, a l'intention de signer l'accord d'association avec l'UE. En tenant compte des événements en Ukraine et ayant appris de la triste expérience d'août 2008, Tbilissi essaie déjà d'estimer le niveau de risque lié à la Russie. La principale menace, d'après les experts locaux, se fonde sur « les territoires occupés d'Abkhazie et d'Ossétie du sud, où des provocations de long terme sont possibles ». Les nouvelles peu agréables arrivent aussi du Djavakheti, région avec une concentration d'Arméniens. Selon certaines données du côté géorgien, le nombre de gens ayant reçu ou souhaitant recevoir la citoyenneté de la Fédération de Russie y a augmenté. Cela ne peut pas ne pas alarmer Tbilissi, qui plus d'une fois s'est heurté à des idées séparatistes montant périodiquement dans cette région. Une autre attention des autorités géorgiennes non-moindre : le pouvoir antérieur ne cachant pas des plans de revanche, et passant désormais même à la menace ouverte d'organiser à Tbilissi un « Maïdan ukrainien ».

 

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