Crédit : Sergueï Zavarzine / RG
La conférence en gestation sur la Syrie ne sera-t-elle pas un piège pour la Russie ? En cas d'échec, les Américains diront : «Voilà, la Russie voulait des pourparlers de paix : nous les avons tenus. Mais cela n'a débouché sur rien. Maintenant, nous allons poursuivre notre propre chemin ». Autrement dit, commencer à appliquer un scénario militaire.
Sergueï Lavrov : Un tel « piège » ne peut exister que si l'on agit avec empressement. Pour commencer, il faut le consentement des principales parties prenantes. Le gouvernement syrien a dit qu'il était prêt et a, dans l'ensemble, répondu de manière constructive, mais avec une suspicion concernant la disposition de l'opposition à négocier sans conditions préalables, comme prévu par le communiqué de Genève. La conférence doit aussi regrouper des représentants de toutes les factions de l'opposition syrienne. Y compris ceux qui agissent en dehors de la Syrie.
Conférence de Genève sur la Syrie : la paix pour le pays ou l’épée pour Assad ?
Ban Ki-moon soutient l'initiative russo-américaine sur la Syrie
Nous y travaillons, nous envoyons des signaux à tous les opposants. Sur certains d'entre eux, nous avons plus d'influence, sur d'autres, moins. Certains sont beaucoup plus sensibles à l'influence de l'Ouest, des pays du Golfe et de la Turquie. Donc il doit y avoir une « division du travail ».
Mais il existe d'autres parties intéressées, par exemple l'Iran, sans lesquelles la conférence sur la Syrie a peu de chance de réussir…
S.L.: Il semble y avoir un consensus sur le fait tous que ceux qui étaient présents à Genève le 30 juin 2012 seront automatiquement considérés comme des participants. Cependant, il y a un an à Genève il n'y avait pas l'Iran et l'Arabie saoudite. Les Iraniens ont été bloqués par nos partenaires américains, l'administration du président Barack Obama de cette période. Et les Saoudiens n'ont pas été invités au titre de « compensation » pour l'absence d'Iran. Nous avons alors considéré que c'était une sorte d'échange « infantile » et pas une approche sérieuse. Faisons un choix : soit nous voulons une liste de participants qui soit tout à fait représentative du point de vue de l'influence sur toutes les parties syriennes, soit nous sacrifions le succès de la conférence sur l'autel de nos ambitions et ressentiments personnels.
Peut-on vraiment faire sortir la situation syrienne de l'impasse en quelques jours de conférence ?
S.L.: Certains de nos partenaires, ce qu'a rappelé John Kerry, croient qu'il suffit de quelques jours ou d'une semaine. Je crois que c'est contre-productif. Les conférences qui ont apporté la paix à certaines régions ont duré pendant des mois, voire des années. Je ne veux pas que ce soit la même chose dans le cas de la Syrie. Mais poser des limitations temporelles de façon artificielle est totalement contreproductif.
Quand saura-t-on à quoi est disposée l'opposition syrienne ?
S.L.: Cette semaine, il y aura deux conférences : l'une à Istanbul, où l'opposition se réunira sous l'étendard de la « Coalition nationale syrienne de l'opposition et des forces révolutionnaires ». La seconde aura lieu à peu près en même temps à Madrid. Cette semaine également, entre les deux conférences, on prévoit une nouvelle réunion du « noyau » des « Amis de la Syrie », où l'on examinera l'attitude envers l'initiative russo-américaine. Nous devons attendre un signal de l'opposition, qui a toujours été contre le lancement de pourparlers sans conditions préalables. Si le signal est positif, alors nous nous pencherons sur les participants de la conférence, son règlement, les règles auxquelles seront soumis les acteurs étrangers, etc. Et alors seulement on pourra annoncer une date.
Les experts indiquent qu'en réalité, les divergences russo-américaines sur la Syrie se réduisent à trouver une réponse à la question clé : que faut-il d'abord, la démission du président syrien Bachar al-Assad ou des pourparlers de paix ? Etes-vous parvenus avec John Kerry lors de vos quatre dernières rencontres à trouver une réponse commune ?
S.L.: Les États-Unis ont signé l'initiative américano-russe du 7 mai, qui ne mentionne aucune condition préalable.
On prévoit que dans un avenir proche, le président américain Barack Obama recevra du Président de Russie Vladimir Poutine une réponse à son message. Qu'y aura-t-il ensuite ?
S.L.: Nous devons avancer par étapes. Barack Obama a envoyé une lettre à Vladimir Poutine. Le président russe l'a examinée et répondra en exprimant son point de vue sur les principales questions de nos relations, y compris la défense antimissile, la stabilité stratégique et tous les facteurs qui l'influencent. Ensuite nous attendrons la réaction à notre réponse.
Mardi et mercredi derniers, dans la ville suédoise de Kiruna, vous avez pris part à une session du Conseil de l'Arctique. Dans le même temps, les pays de l'ouest ont a plusieurs reprises critiqué la Russie pour les tentatives présumées de Moscou de lancer une course aux armements dans l'Arctique. Quelle est votre réponse à ces accusations ?
S.L.: Les pays dont les frontières débouchent sur l'Arctique doivent assurer leur sécurité, y compris dans la région du nord, comme dans toute autre partie de leur territoire. C'est un axiome : où que vous soyez et quel que soit votre environnement, vous avez le devoir de penser à votre sécurité, notamment militaire. Présenter la question en affirmant que ce principe ne fonctionnerait pas car on parle de l'Arctique est pour le moins naïf. Cependant, notre stratégie de développement de l'Arctique prévoit parmi ses points clés une coopération internationale la plus large et intensive possible.
Version réduite. Texte original (en russe) publié sur le site de Rossiyskaya Gazeta le 20 mai 2013.
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