Manœuvres russes près des côtes syriennes

Le navire de débarquement Kaliningrad. Crédit : RIA Novosti / Igor Zarembo

Le navire de débarquement Kaliningrad. Crédit : RIA Novosti / Igor Zarembo

Des exercices des navires de la marine russe ont lieu tout au long du mois de janvier en mer Méditerranée. Ce ne sont pas une ou deux flottes qui y sont engagées, comme à l'accoutumée, mais quatre – celles de la mer du Nord, de la Baltique, de la mer Noire et de l'océan Pacifique.

On a appris avant le Nouvel an le départ pour la Méditerranée orientale de détachements de navires russes de Severomorsk, Baltiisk, Sébastopol et Vladivostok. Citant une source anonyme au sein de l'état-major général de l'armée russe, les agences d’information du pays ont indiqué qu'ils se rendaient vers un point de rendez-vous pour des « missions militaires conjointes » au large des côtes de la Syrie. Les navires de guerre, le croiseur lance-missiles Moskva, les grands navires anti-sous-marins Maréchal Chapochnikov et Severomorsk, les patrouilleurs Yaroslav le Sage et Smetlivy ainsi que six grands bâtiments de débarquement (Kaliningrad, Novotcherkassk, Alexander Chabaline, Saratov, Nicolas Filchenkov et Azov), et les navires en charge de ces derniers (navires citernes et remorqueurs) devaient réaliser des visites répétées au point d'appui logistique de la Marine russe dans le port syrien de Tartous, pour le repos des équipages et le réapprovisionnement en eau et carburant. Il n’était pas exclu que, le cas échéant, nos navires prennent part à l'évacuation des citoyens russes souhaitant quitter une deuxième patrie devenue dangereuse. Tout cela a été annoncé publiquement par des représentants du ministère russe des Affaires étrangères.

Mais il s'est ensuite avéré (comme l’a annoncé une source anonyme de l'état-major général) que le groupe inter-flottes de la marine russe ne se contenterait pas de réaliser des manœuvres conjointes en mer et d’améliorer son système de commandement d’un détachement aussi important (16 navires), chose que notre état-major naval n’avait pas fait depuis longtemps, mais qu’à la fin janvier, on simulerait les épisodes tactiques du débarquement sur les côtes syriennes de plusieurs unités d’infanterie de marine, notamment de divisions d'assaut aéroportées du 108e régiment cosaque du Kouban, intégré à la division aéroportée de montagne de Novorossiïsk, ainsi que de matériel militaire. On travaillerait ensuite sur le processus inverse, le chargement de ces machines et unités sur les navires de débarquement. Le débarquement devrait être couvert depuis la mer par un groupe de frappe comprenant les susnommés bâtiments Moskva, le grand navire anti-sous-marins Severomorsk, ainsi que les patrouilleurs Smetlivy et Iaroslav le Sage.

Bien sûr, ils n'ont pas tiré à balles réelles sur le sol syrien, ils se contentèrent de tirer à blanc. Leur véritable objectif n’était pas d’afficher la montée en puissance de la marine russe et de jouer au bras de fer avec les autres puissances maritimes (par exemple, les Américains ont dans la région une flotte – la sixième – mais sa puissance de combat est à peu près semblable à celle que nous avons avec nos quatre flottes – un ou deux porte-avions, 40 navires de guerre, 175 avions et 21.000 hommes), mais de se préparer à une éventuelle évacuation de citoyens russes.

Mais apparemment, l’évacuation n’est pas à l’ordre du jour. L’armée syrienne repousse avec succès les attaques d’une opposition disparate et hétéroclite. La côte syrienne, du Cap Ibn Hani, près de Lattaquié, jusqu'à Jebla, Baniyas et Tartous est libre d’insurgés, et en accord avec les autorités légitimes de Damas permet de procéder à un débarquement sur une côte non équipée, comme disent les marins.

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Habituellement, on procède comme suit : de grands navires de débarquement approchent à 100-150 mètres de la côte, on ouvre leurs volets frontaux, les rampes sont descendues à l’eau, puis suivent les blindés amphibies (« à flot », comme on dit dans l'armée). Et comme des bateaux, ils se dirigent, lentement mais sûrement, jusqu'au rivage, en « canardant » avec des mitrailleuses lourdes un « ennemi » retranché dans les rochers. Puis, quand les roues du véhicule touchent le sol, les marines sautent hors de celui-ci, se dispersant en « chaîne », avant de passer à l’attaque sous le couvert des blindés et de l'artillerie navale. 

Il est vrai, au moment ces lignes sont écrites, le débarquement sur la côte syrienne non équipée n'est pas encore près d'être réalisé. Un des grands navires de débarquement du groupe inter-flotte, le Kaliningrad, affecté à la flotte de la Baltique, a traversé les Dardanelles, la mer de Marmara et le Bosphore vers le port russe de Novorossisk afin de charger des unités aéroportées et du matériel militaire, ces blindés BTR-80 qui permettront le débarquement des soldats et des officiers. Un autre navire de débarquement, l’Alexander Chabaline, arrive de mer Méditerranée par le même itinéraire vers le même port dans le même but. Environ une semaine plus tard, ils seront de retour en mer Méditerranée et visiteront le port syrien de Tartous, où ils ont jeté l’ancre auparavant. Après cette « mission de navette », ils devraient regagner leur port d'attache, Baltiisk.

Dans le même temps, le grand navire de débarquement de la Flotte de la mer Noire Azov est retourné en Méditerranée à partir de Novorossiïsk en emportant des unités aéroportées et des véhicules blindés. Des sources à l'état-major général des Forces armées russes affirment que la destination de son voyage sera le port de Tartous. Sur le chemin, il devrait retrouver vendredi 25 janvier en mer Egée les autres navires du groupe inter-flotte pour procéder à des manœuvres conjointes. Le point logistique de la marine russe de Tartous a accueilli le navire de débarquement Saratov. Au cours de son voyage, le navire a subi une panne des générateurs diesel qui produisent de l'électricité, et il devra y subir de petites réparations.

Quoi qu'il en soit, les marins russes sont réellement présents en Méditerranée, dans sa partie aussi bien orientale que centrale, ainsi que dans la Corne de l'Afrique, dans le golfe d'Aden et en mer Rouge. Bien que les objectifs soient partout différents, ces faits suggèrent que les temps ont changé. La Marine russe commence à se redresser, cessant de se limiter à ses quais d’amarrage pour investir les océans du monde. Il ne s’agit pas d'intimider qui que ce soit mais de permettre aux marins de perfectionner leurs compétences de combat et de navigation, d’afficher leur présence, ou comme disent les marins, de « brandir le drapeau de Saint-André ». L'objectif ? Démontrer leur disposition à participer, d'une manière ou d'une autre, à une éventuelle opération internationale approuvée par le Conseil de sécurité. Et s’il le faut, protéger la vie et la santé des citoyens russes. Désormais, il faudra tenir compte de la marine russe.

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