« Un potentiel touristique énorme » mais sous-exploité

Benoît Lardy, directeur de l’agence Tsar Voyages, évalue pour RBTH l’état et les perspectives du secteur touristique russe.
Benoît Lardy. Crédit : service de presse de Tsar Voyages

RBTH : Quelle est la situation générale sur le marché touristique russe ?

Benoît Lardy : Bien meilleure que ce que pourrait laisser penser l’image de crise que l’on accole en ce moment à l’économie russe. En réalité, le pays a un potentiel touristique énorme et il ne commence que maintenant à se révéler, à être exploité. D’une certaine façon, la situation actuelle qui conduit les Russes à se tourner vers le tourisme intérieur est une chance formidable de prise de conscience des richesses de ce vaste pays, si divers. Ce n’est pas bien sûr une découverte pour Tsar Voyages qui s’efforce depuis plus de dix ans de faire découvrir ces richesses aux touristes étrangers, mais le renforcement du tourisme intérieur multiplie les possibilités et les infrastructures, ce dont profitera à son tour le tourisme international.

La France à bien sur un rôle à jouer du fait de son énorme expérience – elle n’est pas par hasard la première destination touristique mondiale – et elle le joue notamment en important de belles initiatives comme ce label des « Plus beaux villages de Russie » ou dans le cadre de l’Année Croisée 2016 du Tourisme et du Patrimoine National. Tsar Voyages a elle-même été à l’initiative de produits nouveaux en Russie avec notamment les circuits de motoneige en Carélie qui jouissent désormais d’un grand succès et ont remis cette région sur la carte touristique hivernale. Avec tout cela, le tourisme est devenu pour les acteurs locaux un secteur économique intéressant, qui était un peu délaissé auparavant.

La dévaluation de la devise nationale a-t-elle encouragé la fréquentation ?

Il est difficile de donner des chiffres, mais la fréquentation est clairement en hausse, en particulier depuis la France. Avec la chute du rouble la destination est bien sûr devenue beaucoup plus concurrentielle, d’autant plus que le ralentissement de l’économie a réduit le nombre de voyages d’affaires, ce qui a conduit les hôtels à offrir des forfaits touristiques beaucoup plus avantageux.

Quels endroits du pays restent inexplorés par les touristes étrangers ?

La très grosse majorité des séjours en Russie reste concentrée  sur Saint-Pétersbourg et Moscou qui sont des destinations touristiques qui se suffisent à elles-mêmes, en particulier pour des week-ends ou courts séjours. On rajoutera l’Anneau d’Or et les croisières fluviales entre les deux capitales et on aura l’essentiel de la fréquentation touristique étrangère en Russie… Il y a un peu de demande pour le Transsibérien et le Baikal mais il est difficile d’amener les touristes hors de ces sentiers battus. Pourtant, les possibilités sont innombrables et fascinantes, de l’Altaï au Kamtchatka, des contreforts du Caucase à la Péninsule de Kola en passant par les vieilles villes de la Volga ou les îles Solovki. Tsar Voyages a développé de nombreux circuits vers Samara, Kazan, Astrakhan, Mourmansk…

Et quels sont les avantages concurrentiels de la Russie en tant que destination ?

La Russie est une destination qui réussit à allier des paysages exceptionnels à une richesse culturelle inouïe : il est quasi impossible de trouver au monde un pays qui compterait autant de théâtres d’opéra et de ballet, de salles de concerts, de musées… C’est à la fois un pays de vieille culture mais aussi un pays très jeune, très vivant, avec une population qui a le sens de la fête, le goût des sorties. Les restaurants offrent une très vaste palette de cuisines, les bars vivent jour et nuit et les discothèques, dans les grandes villes, ont les faveurs des clubbers du monde entier.

Quels sont, selon vous, les principaux freins au développement du tourisme ?

La question majeure reste bien sûr celle des visas ! Il n’est pas possible de partir en week-end à Moscou ou Saint-Pétersbourg sur un coup de tête. Et nous craignons beaucoup que l’éventuelle introduction du visa biométrique soit un coup fatal porté au tourisme en Russie. L’exemple britannique où le visa biométrique russe a été introduit est édifiant : la destination Russie s’est effondrée, Easy Jet à supprimé sa liaison aérienne avec Moscou faute de passagers… Il faut comprendre que la concurrence pour les destinations touristiques est mondiale aujourd’hui et qu’il ne faut pas accumuler les obstacles pour rester attractif.

Que pourrait faire le gouvernement russe pour améliorer le secteur ?

Il pourrait certainement consacrer plus de moyens au marketing touristique, notamment en assurant une présence russe beaucoup plus importante et visible sur les grands salons professionnels que sont Berlin, Londres et Paris. J’ai participé personnellement à de tels salons sur les stands russes et j’ai beaucoup regretté qu’ils ne soient pas vraiment représentatifs de la grandeur russe…

A l’intérieur, le gouvernement devrait accorder plus d'attention au développement des infrastructures touristiques, peut-être accorder davantage d’incitations fiscales ou d’aides aux investisseurs privés dans ce domaine. Il faut surtout une vraie prise de conscience au niveau national mais aussi régional et local que le tourisme est une véritable industrie, un secteur économique à part entière et une réponse souvent efficace à des problèmes comme l’exode rural ou la sous-utilisation des infrastructures.

Que recherchent principalement les clients français en Russie ?

L’avantage paradoxal d’être une destination touristique encore peu développée est qu’on a finalement accès très vite et très facilement à une véritable authenticité ! Et que cette authenticité de la vie russe, que ce soit les marchés, l’expérience du bania ou de la pêche sur glace est précisément ce qui fascine le plus le visiteur.

Surtout, malgré les innombrables reportages et articles consacrés à la Russie moderne, l’image qui reste ancrée chez la plupart des étrangers est celle d’une Russie « soviétique », quelque peu grise, terne, uniforme… Et ils se retrouvent plongés dans la vie trépidante de cités modernes, incroyablement éclairées, jeunes et vivantes, tout en bénéficiant d’une richesse culturelle unique, que ce soit les musées et palais, les théâtres et concerts ou les espaces publics rénovés, le tout dans une grande modernité très bien acceptée et intégrée : le wifi est disponible partout, y compris dans les parcs, les taxis ou le parking se commandent et se règlent par téléphone portable, les restaurants et cafés devancent les modes  que ce soit dans leur décoration ou leur cuisine… Les visiteurs repartent enthousiastes et étonnés de leurs découvertes.

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