Rien que la France a investi dans l’économie russe un milliard d’euros au cours de l’année 2015, devenant le premier investisseur en flux hors paradis fiscaux, a rappelé le président de la Chambre de commerce et d’industrie France-Russie (CCIFR), Emmanuel Quidet, lors de la Conférence « Situation économique en Russie : attentes, prévisions, perspectives », destinée à dresser un tableau de la situation économique actuelle et fixer les opportunités pour les investisseurs étrangers.
Par ailleurs, la France est le premier employeur étranger en Russie. « Non seulement nous investissons, mais en plus nous sommes créateurs d’emplois », a rappelé M. Quidet, pointant les mérites de sociétés telles que Auchan, Renault et la Société générale.
Et de rappeler que les entreprises françaises étaient leaders dans plusieurs domaines, notamment pharmaceutique, automobile et des produits laitiers (deuxième marché mondial pour Danone).
Le président de la CCIFR a cependant reconnu que la situation économique était difficile et que le sort des entreprises était conditionné à la santé de leur secteur d’activité respectif. Si les investissements dans le pétrole, le commerce de détail et le luxe continuaient de porter des fruits, la construction automobile traverse une période difficile. « Ce qui n’empêche pas que Renault reste ici et prépare l’après-crise », a fait remarquer monsieur Quidet.
Évoquant les sanctions et l’embargo russe, Emmanuel Quidet a attiré l’attention sur le fait que la substitution aux importations (une des priorités du gouvernement russe) pouvait offrir beaucoup d’opportunités pour les investisseurs étrangers. « À commencer par l’agro-alimentaire, déjà trois fromagers vont venir en Russie faire des fromages français », a-t-il fait savoir tout en notant qu’il y avait également d’autres opportunités à saisir.
Repenser le modèle économique
Or, pour Peter Kinsella, responsable de la recherche sur les marchés émergents chez Commerzbank AG, il ne faut pas surestimer le rôle de la substitution aux importations décidée par la Russie dans la future croissance économique, les secteurs agro-alimentaire et industriel ne constituant que 20% du PIB. S’ajoute à cela le fait que les sanctions seront tôt ou tard levées.
M. Kinsella voit pourtant un potentiel dans des secteurs tels que l’industrie et la production de pièces d’automobiles, sans oublier de citer le secteur des services, comprenant les technologies de l’information, les logiciels, la logistique, la sante publique, l’enseignement et la pharmaceutique.
Selon lui, la Russie devrait repenser son modèle économique : pour s’éloigner de l’économie basée sur les ressources naturelles, elle devrait surtout investir dans l’infrastructure – dans les transports et l’urbanisation. C’est ainsi qu’elle parviendra à attirer de nouveaux investissements.
Le vice-ministre russe du Développement économique Alexeï Vedev confirme la priorité absolue de la transition vers un nouveau modèle économique qui misera sur les investissements privés. Pour lui, le modèle actuel a démontré son « vice » – la plupart des recettes tirées des exportations de pétrole servaient à financer les importations, ont été rongées par l'inflation. Le fonctionnaire reconnaît à regret qu’un bon usage de ces sommes aurait permis d’atteindre un niveau de croissance supérieur à celui enregistré au cours de ces dernières années.
Le climat d’investissement s’améliore
La crise économique et les sanctions n’empêchent pas les autorités locales de chercher à améliorer le climat d’investissement. Afin de rendre l’implantation des entreprises étrangères en Russie moins complexe, une série de démarches ont été entreprises au cours de ces dernières années, à commencer par la création de zones économiques spéciales (ZES) pour arriver à des évaluations législatives.
Andreï Tsyganov, directeur adjoint du Service fédéral anti-monopole russe (FAS), rappelle ainsi que désormais que la durée de la procédure de contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques a été raccourcie de presque deux mois. Et d’ajouter que l’attitude des autorités envers les investisseurs étrangers était absolument neutre. À titre d’exemple, il a cité le feu vert donné par la commission gouvernementale à une série de transactions, dont celle entre Alstom, l'Usine russe de fabrication de matériel roulant de Tver et l’Usine automobile de Briansk. « Cette transaction était assez compliquée, sachant que ces deux usines fabriquent des produits liés à la défense du pays. Et pourtant le gouvernement l’a approuvée, en mettant certes une série de conditions », a expliqué M. Tsyganov.
Le système législatif russe a connu des progrès significatifs, renchérit son côté, David Lasfargue, président CCEF* Russie associé chez le cabinet d'avocats Jeantet et membre du Conseil d'administration de la CCI France Russie, distinguant entre autres les récentes réformes du droit des sociétés et de celui des contrats.
M. Lasfargue a en outre rappelé l'importance de la réforme de l'arbitrage, précisant que le nouveau droit de l'arbitrage entrerait en vigueur le 1er septembre prochain et, dans sa nouvelle version, garantirait plus de sécurité aux entreprises.
Il a également annoncé la création au sein de la CCI France Russie d’un tribunal arbitral composé de juges français et russes : « Quand les tribunaux arbitraux auront élargi leur sphère de compétence, ce sera très utile à nos sociétés ».
Et il existe un autre aspect important, rappelle Dominique Tissot, conseiller CCEF et membre du Conseil d'administration de la CCI France Russie : il n'y a pour les sociétés étrangères aucune restriction sur la fabrication de produits « Made in Russia ».
« Si vous venez en Russie et que vous y voyez un intérêt, alors la localisation est pour vous », a-t-il conclu.
*Compagnie des Conseils et Experts Financiers
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