Economie russe : stabilisation ou stagnation?

Service de presse
​Après la récession cette année, le PIB devrait se stabiliser en 2016. La santé économique russe dépendra cependant du prix du pétrole et de la capacité des entreprises à financer des investissements. Les experts insistent sur l’adaptation et les changements structurels en cours.

Fini de rêver. La Russie ne retrouvera pas les taux de croissance des années fastes (+7% l’an entre 2000 et 2008). Elle doit s’adapter à la « nouvelle réalité » – un terme à la mode chez les experts réunis le 9 décembre par la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR) pour disserter sur la situation économique dans le pays. Le PIB chutera de 3,7% pour l’année 2015, a annoncé le vice-ministre du Développement économique Alexeï Vedev. Derrière cette récession, il observe toutefois des signes encourageants : un afflux net de capitaux ce trimestre, une reprise balbutiante de la consommation… Le ministère prévoit une stabilisation l’an prochain, à +0,7%, assortie d’une inflation de 6,4% fin 2016, contre près du double aujourd’hui.

Une économie en transition

Le pire serait donc passé. L’économie est en transition, après les deux chocs survenus au deuxième semestre 2014 : la chute du prix du baril de pétrole et les sanctions financières empêchant à des banques russes d’obtenir des prêts de plus de 30 jours auprès des marchés internationaux. La stagnation à venir cacherait d’importants changements structurels. Certains secteurs se développent : l’agriculture grâce à la politique de substitution aux importations, les machines-outils, l’optique, les transports, l’électronique, les entreprises stratégiquesdans la défense, l’aviation, la construction maritime, qui profitent de la récession et des tensions géopolitiques…

D’autres souffrent, comme la construction, l’industrie automobile, les banques – même si le secteur a évité l’effondrement annoncé en début d’année par certains. « Les épargnants augmentent leurs dépôts, c’est un signe de confiance », affirme le vice-gouverneur de la Banque centrale Vassili Pozdychev. Il ne voit aucun risque pour les clients de se retrouver dans une situation critique, mais l’assainissement se poursuivra en 2016 : plus de 180 organismes bancaires ont déjà fermé leurs portes depuis début 2014. Le système cherche aussi à réduire sa dépendance aux devises. « Le processus d’adaptation fonctionne bien, assure Ekaterina Trofimova, nommée à la tête de l’ACRA, la nouvelle agence de notation russe qui veut concurrencer Standard &Poor’s, Moody’s et Fitch. Je pense que nous avons passé le pire, dans le sens où nous avons acceptéle principe de l’incertitude. Il est en effet très compliqué d’établir des prévisions ».

Incertitude sur le pétrole

Les experts craignent surtout un nouveau choc pétrolier. Sceptique sur les prévisions du ministère, le Groupe d’experts économiques – centre d’analyse indépendant – prévoit une croissance de 0,3 à 0,5% du PIB. La fuite des capitaux devrait notamment ralentir en 2016, pour diminuer de moitié par rapport à cette année, le dollar s’établir à 65 roubles, les importations augmenterde 15%. Seule condition, de taille : un baril à 50$. Celui-ci a plongé sous la barre des 40 dollars cette semaine. « A 40$, nous avons calculé une légère récession de 0,8%, indique le directeur du think tank Evseï Gourvitch. Ce ne serait pas une catastrophe ».

L’analyste prédit cependant « une période très dure », due au manque de ressources pour combler le déficit des comptes publics : « La consolidation budgétaire sera douloureuse, sur le plan économique, pour la population, les salaires… Il ne faut pas se faire des illusions, les années de forte croissance n’étaient qu’un cadeau provisoire. » Après une chute de 9% cette année, les salaires réels devraient encore baisser de 3% en 2016. « Mais ils étaient surévalués, déconnectés de la productivité réelle », tempère Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe. Les entreprises limitent le poids des charges salariales en usant, de plus en plus fréquemment, du travail au noir. Les chiffres du chômage, eux, se maintiendrontsous la barre des 10%, pour des raisons démographiques.

Manque de ressources financières

Le financement de l’économie suscite aussides incertitudes. Les sanctions contraignent les entreprises à se financer sur fonds propres. Seuls les secteurs de la chimie et de l’industrie minière ont bénéficié d’une hausse des investissements cette année. Le gouvernement cherche à booster son attractivité. Des réformes administratives ont déjà permis à la Russie de bondir cette année de la 62e à la 51e place du classement Doing Business, établi par la Banque Mondiale sur le climat des affaires. « Les investisseurs étrangers ont tout intérêt à miser leurs fonds au creux du cycle, estime Philippe Delpal, du fonds d’investissement Baring Vostok Capital Partners. La Russie reste un marché de 143 millions de consommateurs potentiels. Grâce à la faiblesse du rouble, elle pourrait aussi devenir une plateforme de production low cost en Europe ». Pas sûr, cependant, que ses arguments soient entendus au sein de l’Union européenne, plus important partenaire économique de la Russie.

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