Pour Total, la Russie pourra rester une priorité stratégique

Crédit : AP

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Malgré les sanctions contre le secteur pétrolier, le groupe français peut faire de la Russie son principal pays de production : une décision ministérielle lève un obstacle à ses projets.

En 2014, la communauté d’affaires française subissait de plein fouet les répercussions de la crise ukrainienne : semaine après semaine, l’Union européenne, les États-Unis et la Russie durcissaient leurs relations économiques à coup de sanctions et de contre-sanctions.

Le 8 septembre 2014, le Conseil de l’Union européenne adoptait un nouveau règlement interdisant de « fournir, directement ou indirectement, les services [...] nécessaires à l’exploration et à la production de pétrole en eaux profondes, à l’exploration et à la production de pétrole dans l’Arctique ou à des projets dans le domaine du schiste bitumineux [ou « shale-oil », ndlr] en Russie ».

Feu vert des autorités françaises

Dès lors, les sociétés et les acteurs économiques européens devaient recevoir l’accord de l’autorité désignée dans leur pays – en France, le ministère des Finances – pour pouvoir mener une activité en Russie. « Nous devions présenter tous nos projets dans ce pays pour recevoir la confirmation qu’ils étaient bien conformes à la législation européenne », précise Jacques de Boisséson, directeur général de Total E&P Russie et représentant général de Total en Russie.

Au final, seul un projet de Total est tombé sous le coup des sanctions – celui du Bazhenov en Sibérie occidentale, qui est justement un projet de schiste bitumeux. En conséquence, le groupe a suspendu sa participation au projet, confirme M. de Boisséson.

« Le groupe français avait prévu de mettre sur pied une co-entreprise avec le russe Lukoil, dont il aurait été propriétaire à 49%. L’investissement initial de la part de Total était de 108 à 136 millions d’euros », rappelle Alexandre Kourdine, chef du Département de recherches stratégiques dans le domaine de l’énergie au sein du centre d’analyses du gouvernement russe, ajoutant que le départ du partenaire français constituerait un coup dur pour le russe Lukoil.

Trois autres projets de Total ont bien reçu fin avril le feu vert du ministère français des Finances.

Dans la mesure où les grands groupes industriels libèrent généralement la voie pour les autres investisseurs de leur pays, cette décision côté français est un signal favorable pour le monde des affaires : du moment que l’activité est conforme à la législation, le gouvernement ne s’oppose donc pas aux investissements en Russie malgré le contexte politique et les tensions internationales.

Des projets de longue date

Total a décidé il y a plusieurs années de  lancer des projets très importants en Russie, et de faire de ce pays le numéro un du groupe en matière de production. 

« Les investissements correspondants ont été planifiés sur 10, 30, 50 ans : ils ne peuvent pas être remis en cause tous les matins. Nous n’avons donc pas l’intention de changer nos plans », confirme Jacques de Boisséson.

Bonne nouvelle pour la Russie, le pays attachant une grande valeur à l’expérience du groupe. Certains pensaient que la mort accidentelle de l’ancien PDG de Total, Christophe de Margerie, allait changer la donne. « Mais sa disparition en octobre  2014 n’a pas eu d’impact sur les grands projets du groupe en Russie », remarque Andreï Polichtchouk, analyste du secteur pétrogazier pour Raiffeisen Bank. Parmi les projets phares du moment : Yamal LNG.

Les projets de Total sont toutefois contrariés par le contexte. « Au sujet du financement du projet Yamal LNG, nous devons composer avec les sanctions américaines. Les autorités des États-Unis ont en effet interdit à leurs investisseurs de financer la compagnie russe Novatek et ses filiales, dont fait partie Yamal LNG. Par extension, l’interdiction s’applique aussi aux autres acteurs qui voudraient financer en dollars les projets de cette société russe », détaille-t-il.

Yamal LNG devra donc être financé dans une autre monnaie. « Le problème est complexe mais nous sommes en train de trouver une solution. Une partie du financement devra notamment venir de Chine », conclut Jacques de Boisséson.

L’accord sur le financement de Yamal LNG prévoyant une participation chinoise est attendu en juillet, souligne Andreï Polichtchouk. Fin avril le directeur financier de Total, Patrick de La Chevardière, escomptait un investissement chinois de 13,5 milliards de dollars (12,2 milliards d’euros).

Alexandre Kourdine ne pense nullement que ce projet soit voué à l’échec : « Il est soutenu par les autorités russes et les investisseurs asiatiques sont très intéressés. Yamal LNG sera peut-être un peu retardé, mais rien de plus ».

Au final, si des éléments de conjoncture viennent perturber la marche des investissements français en Russie, les projets économiques à long terme ne sont pas menacés par le contexte politique. « Au contraire, un partenaire étranger qui montre sa volonté de continuer à travailler en Russie malgré les sanctions est très apprécié », conclut l’expert.

Yamal LNG

Le schéma implique la construction d’une usine pouvant produire 16,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an. 

Les investissements dans ce projet basé sur le gisement de Tambei du Sud, en Sibérie occidentale, sont évalués à 23,6 milliards d’euros, répartis entre le russe Novatek, Total et la China National Petroleum Corporation.

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