La Russie peut-elle infléchir les cours pétroliers ?

Crédit : Valery Matytsin/TASS

Crédit : Valery Matytsin/TASS

La chute des prix du pétrole contraint la Russie à envisager de réduire sa production. La Russie assure environ 14% de la production mondiale, mais les experts doutent qu'une réduction de la production russe puisse à elle seule provoquer une hausse sensible du baril. La situation ne changera que si Moscou est suivie par d’autres producteurs.

Les prix mondiaux du baril sont en recul depuis mi-2014. Les cours des principaux types de pétrole (l’américain WTI et le Brent de la mer du Nord) sont passés de 85 – 88 euros le baril à moins de 64 euros le baril, ce qui ne s’était pas produit depuis 2010. Cette chute des prix (-30%) pourrait signifier une perte de 72 – 80 milliards d’euros pour l’économie russe, a déclaré le ministre russe des Finances Anton Silouanov le 24 novembre dernier.

Le gouvernement s’interroge : comment parvenir à soutenir les cours pétroliers ? L’une des mesures possibles, la réduction de la production, a été proposée par le ministre de l’Énergie Alexandre Novak. Il a toutefois précisé qu’aucune décision n'avait été prise pour le moment.

« Cette question exige un examen attentif. Notre budget est très dépendant des recettes du secteur pétrolier. Nous n’avons pas les technologies de l’Arabie saoudite pour réduire ou augmenter brutalement la production », a expliqué le ministre.

La Russie est l’un des plus grands producteurs de pétrole. Le volume journalier de la production russe est comparable à celui de deux autres acteurs sur le marché mondial – l’Arabie saoudite et les États-Unis. En 2013, les Saoudiens produisaient 11,5 millions de barils de pétrole par jour, la Russie - 10,8 millions de barils, les États-Unis – 10 millions de barils. Tous les autres producteurs de pétrole produisent des volumes nettement inférieurs – environ 3,1 – 4,2 millions de barils par jour. 

Toutefois, la Russie reste indépendante sur le marché mondial, contrairement à l’Arabie saoudite qui, avec 11 autres pays, forme un cartel, l’OPEP. Celui-ci représente 43% de la production mondiale. Les actions des membres du cartel sont coordonnées. Lorsqu’il faut relever les prix, ils réduisent la production, et inversement. La Russie produit trois fois moins de pétrole que l'ensemble des pays membres de l’OPEP.

Jouer solo

La Russie n’a aucune chance de remporter son bras de fer contre les Saoudiens, qui refusent de réduire la production, estime l’expert de l’Institut de stratégie énergétique Nikolaï Issayine. Premièrement, le Russie produit le maximum  de ce que lui permettent ses capacités techniques, alors que l’Arabie saoudite dispose d’une réserve de capacités lui permettant d’accroître sa production de 3 millions de barils supplémentaires par jour au minimum. Pour avoir un quelconque effet sur les prix mondiaux du pétrole, la Russie doit réduire sa production de 4 millions de barils par jour au minimum, soit d’un tiers.

Théoriquement, une telle mesure conduirait à une augmentation des prix du pétrole de quelque 12 – 20 euros, estime Valeri Pokhovski de Forex Club. Ainsi, la Russie pourrait retrouver un prix confortable aux alentours de 80 euros le baril, inscrit dans le budget du pays pour l’année 2015.

Toutefois, la Russie risque gros. La réduction de la production de pétrole se traduirait par une baisse de revenus pour les compagnies pétrolières russes et, par conséquent, par une chute des revenus budgétaires.

En outre, la Russie risque de perdre ses marchés traditionnels. « Le départ de la Russie du marché mondial ferait la joie de l’Iran, de l’Arabie saoudite et d’autres producteurs de pétrole. Premièrement, les prix repartiraient à la hausse, deuxièmement, cela leur permettrait d’accroître leurs exportations », explique Polkhovski. La Russie perdrait également son statut de fournisseur fiable, car le pétrole est vendu selon des contrats à long terme. Pis, il serait très difficile pour le pétrole russe de retrouver sa place sur le marché mondial.

Pour avoir un poids face au cartel, Moscou doit s’unir avec d’autres producteurs de pétrole, précisent nos interlocuteurs du journal Vzgliad.  

L’union fait la force

Le moyen le plus simple est de s’unir dans le cadre des pays de la CEI (anciens membres de l’URSS, ndlr). Toutefois, la production de l’ensemble des anciennes républiques (Fédération de Russie exclue) atteint à peine 25% de la production russe, ainsi l’impact sur le marché mondial risque d’être limité, estime Nikolaï Issayine de l’Institut de stratégie énergétique.

Il y a eu plusieurs tentatives de créer une alternative à l’OPEP, comme, par exemple, l'Organisation de coopération de Shanghai qui comprend le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et la Chine. Mais leurs volumes de production restent bien inférieurs à ceux de l’OPEP.

Au final, pour pouvoir infléchir les prix mondiaux de l'or noir, la Russie doit améliorer ses relations avec l’OPEP ou une partie de ses membres, ou savoir exploiter une éventuelle scission au sein de l’OPEP correctement et au bon moment. Certains membres du cartel, tels que l’Iran, l’Irak, le Nigéria, le Venezuela et l’Equateur se prononcent en faveur d’une réduction rapide de la production, le Émirats arabes unis et le Koweït – contre, tandis que la position de l’Arabie saoudite, le membre le plus influent, reste incertaine. 

« Selon une information non-officielle, la Russie et l’Arabie saoudite sont en cours de négociations directes sur les mesures communes visant à faire grimper les prix du pétrole », explique Alexeï Kokine, analyste chez Uralsib.

Parallèlement, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a précisé que la Russie et l’Arabie saoudite estiment que les prix du pétrole doivent être formés par le marché. « Nos partenaires saoudiens et nous-mêmes nous opposons à toute tentative d’influencer le marché par le biais de quelques desseins politiques », a annoncé Lavrov aux journalistes à l’issue de négociations avec le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al Faysal le 21 novembre dernier.

La prochaine réunion de l’OPEP est prévue le 27 novembre prochain.

Sources : Vzgliad, Gazeta.ru


Et vous qu'en pensez-vous ? Donnez-nous votre avis en tweetant @rbth_fr #pétrole


Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies