La ministre italienne des Affaires étrangères Federica Mogherini et son homologue russe Sergueï Lavrov Crédit : Reuters
Nouveau soutien
Au cours de la visite de Sergueï Lavrov en Europe du Sud début juin, un accord de construction du gazoduc sur le territoire de la Serbie a été signé. La longueur du tronçon principal du South Stream dans ce pays s’élèvera à 422 km, les premières livraisons de gaz devraient avoir lieu avant fin 2016. Le montant du contrat s’élève à 2,1 milliards d’euros environ. En outre, la Serbie pourrait devenir le principal centre de distribution du gazoduc South Stream. Deux coudes devraient, notamment, être construits sur le territoire de ce pays – vers la Bosnie et vers la Croatie. En outre, à l’issue de la rencontre entre Sergueï Lavrov et le ministre slovène des Affaires étrangères Karl Eryavets, ce dernier a exprimé le souhait d’accueillir South Stream dans son pays. « Les déclarations de soutien slovènes et serbes à l’égard de South Stream sont certainement un bon signe [pour le projet]. Les autres pays traversés par le gazoduc sont également intéressés par le projet », explique l’analyste macroéconomique Vassily Oukharsky.
La Hongrie se prononce en faveur du South Stream
Le gazoduc passera sous la mer Noire, traversera la Serbie, la Hongrie et la Slovénie pour arriver au nord-est de l’Italie. Le budget global du projet est estimé à 16 milliards d’euros, dont 10 milliards pour la partie maritime. Seuls 50% de la section maritime appartiennent à Gazprom, 20% reviennent à l’italien Eni et 15% respectivement au groupe allemand Wintershall Holding et au français EDF. Le projet est important pour Gazprom car il permet d’exporter le gaz russe en Europe en contournant l’Ukraine. Début juin 2014, sous la pression des Etats-Unis et de la Commission européenne, les représentants bulgares et serbes ont officiellement annoncé la suspension des travaux. A l’issue de sa rencontre avec trois sénateurs américains, le Premier ministre bulgare Plamen Orecharski a, notamment, ordonné la suspension des travaux de South Stream, décision suivie par la Vice-présidente du gouvernement serbe Zorana Mihajlović. Toutefois, après ces déclarations, le monopole gazier russe Gazprom a signé, fin juin, un accord avec le groupe autrichien OMV qui se chargera de la construction du gazoduc South Stream en Autriche. Le soutien de l’Autriche pourrait encourager d’autres acteurs du marché à s’impliquer dans le projet, nous avaient alors expliqué les experts du secteur. Ces pays sont donc la Slovénie et la Serbie.
Destin difficile
Malgré le soutien de la Serbie et de la Slovénie, le sort du projet n’est pas encore décidé. Comme l’a déclaré la ministre italienne des Affaires étrangères Federica Mogherini à l’issue des pourparlers avec Sergueï Lavrov, le projet South Stream devra se conformer à la législation de l’Union européenne. Elle estime que, pour l’Italie et pour d’autres pays européens, ce projet est très important du point de vue de la sécurité énergétique, mais « il doit se conformer aux réglementations européennes, à la législation européenne ». Cette déclaration est essentielle, car ce pays préside l’Union européenne depuis le 1er juillet, alors que l’italien Eni est copropriétaire du projet.
Il s’agit du « troisième paquet énergie » qui impose la séparation entre la gestion des réseaux de transport et les activités de fourniture et de production, ainsi que l’accès libre de tierces parties à l’infrastructure de transport. Ainsi, conformément à ce document, le russe Gazprom doit accepter d’autres fournisseurs de gaz sur son réseau. La partie russe, de son côté, insiste sur le fait que South Stream avait été lancé avant l’adoption du « troisième paquet énergie » et, de ce fait, n’y est pas soumis. L’analyste du groupe Alpari Anna Kokoreva explique que le troisième paquet énergie a été élaboré en 2007 et n’a été adopté qu’en 2009, alors que le premier mémorandum cadre de South Stream a été signé par Gazprom et Eni en juin 2007. « La controverse autour du « troisième paquet énergie » n’en n’est pas à son premier jour. Si vous regardez les dates, vous verrez que le projet South Stream a vu le jour en été 2007, alors que le « troisième paquet énergie » n’est entré en vigueur que fin 2009 », explique Vassily Oukharsky. Il estime que la partie russe s’efforce de prouver que les conditions de ce paquet ne doivent pas s’appliquer au projet, mais ce serait une erreur de tirer des conclusions à partir des seules dates. « Nous assistons à une lutte complexe de formulations et dates et, malheureusement, la Russie a peu de chances de gagner », ajoute-t-il.
Cet avis n’est, cependant, pas partagé par tous les experts. « Les acteurs clés des discussions en Union européenne comprennent bien l’importance de la sécurité énergétique. En Russie, nous constatons que le commissaire européen à l’Energie Günther Oettinger pratique des doubles standards. D’un côté, il parle de l’importance des livraisons ininterrompues de gaz russe en Europe, de l’autre côté, il étudie les sources alternatives d’énergie avec les dirigeants du Nigeria », explique l’économiste et professeur de l'Académie russe de l'économie nationale Vladislav Guinko. Il estime, par ailleurs, que les Européens comprennent l’importance de répondre à l’ensemble des besoins. « L’Allemagne peut couvrir la moitié de ses besoins grâce aux panneaux solaires lorsqu’il fait beau et grâce à sa faible consommation énergétique, mais le gaz russe ne pourra simplement pas être remplacé dans les prochaines années. Aussi, les Européens accueillent South Stream favorablement, malgré la pression des Etats-Unis. Dans tous les cas, il est clair que le projet a déjà reçu le feu vert et sera réalisé », ajoute l’expert.
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