La Bulgarie et la Serbie pourraient renoncer à South Stream

Début juin, la Commission européenne a proposé de suspendre la construction du gazoduc South Stream, car il ne répond pas aux normes du Troisième paquet énergie. Crédit : AP

Début juin, la Commission européenne a proposé de suspendre la construction du gazoduc South Stream, car il ne répond pas aux normes du Troisième paquet énergie. Crédit : AP

Les représentants des gouvernements bulgare et serbe ont annoncé, presque simultanément, la suspension des travaux de construction du gazoduc russe South Stream. D’après nos informations, les tensions autour du projet visent à forcer le monopole gazier russe, Gazprom, à permettre le transit du gaz de ses concurrents via son gazoduc.

Décision controversée

Sous la pression des Etats-Unis et de la Commission européenne, les représentants de la Bulgarie et de la Serbie ont officiellement annoncé la suspension du projet South Stream – le gazoduc reliant la Russie et l’Europe qui doit être construit sous la mer Noire. Après sa rencontre avec trois sénateurs américains, le chef du gouvernement bulgare Plamen Orecharski a notamment ordonné la suspension des travaux de construction du gazoduc. Ensuite, une même décision a été annoncée par la vice-première ministre serbe Zorana Mihajlović.

Cependant, presqu’immédiatement après la déclaration du premier ministre bulgare, son ministre de l’Energie Dragomir Stoynev s’y est opposé. Selon sa déclaration officielle, South Stream est aussi important pour la Bulgarie que pour l’Europe toute entière, et toutes les questions litigieuses concernant la construction du South Stream seront bientôt réglées. La déclaration de Zorana Mihajlović a été démentie par le chef du gouvernement serbe Aleksandar Vučić. Ce dernier a annoncé qu’aucune nouvelle décision n’avait été prise concernant le projet. Les experts expliquent l’incohérence des positions au sein des gouvernements bulgare et serbe par les contradictions politiques internes dans ces pays, ainsi que par l’influence notable de la Russie. Le directeur exécutif de ZIP Realty Evgueni Skomorkovski estime, notamment, que les investisseurs russes ont investi plus de 11 milliards d’euros en 10 ans rien que dans l’acquisition d’immobilier bulgare.

« La Bulgarie, comme les autres pays impliqués dans la construction, n’est pas intéressée par la suspension des travaux, car ce projet assure des emplois à un grand nombre de personnes. Sur fond de crise économique, le perte pour le pays pourrait être sensible », explique l’analyste macroéconomique d'UFS IC Vassili Oukharski. Il estime qu’une « telle décision est, pour le moins, étrange, et est liée à la situation politique en Ukraine et en Crimée ».

La vive réaction aux déclarations bulgare et serbe ne s’est pas fait attendre en Russie, bien que le principal propriétaire du projet, Gazprom, n’ait pas encore publié de déclaration officielle. « Aucun pays ne renoncera de son plein gré à la collaboration énergétique avec la Russie », a déclaré le président russe Vladimir Poutine. A son tour, le représentant permanant de la Russie auprès de l’Union européenne Vladimir Tchijov a lié les décisions concernant South Stream aux sanctions américaines et européennes. L’une des entreprises construisant le premier tronçon du gazoduc, Stroïtransgaz, appartient à l’homme d’affaires russe Guennadi Timtchenko visé par les sanctions américaines. 

Alternatives

Début juin, la Commission européenne a proposé de suspendre la construction du gazoduc South Stream, car il ne répond pas aux normes du Troisième paquet énergie. Ce document interdit à la même entité de fournir le gaz et d’être propriétaire du système de transport de gaz. Le président de l’agence de consulting East European Gas Analysis Mikhaïl Kortchemine estime que si la Bulgarie et la Serbie cèdent finalement face à la pression de la Commission européenne et des Etats-Unis, Gazprom acceptera le gaz étranger dans son gazoduc. « Dans les faits, ce sera comme si Gazprom construisait une alternative à Nabucco de sa poche », explique l’expert. Le projet Nabucco supposait la construction d’un gazoduc d’une capacité de 36-32 milliards de m3 par an entre l’Azerbaïdjan et le Turkménistan et l’Europe via la Turquie, contournant la Russie. Cependant,  le projet a été gelé en juin 2013.

Si South Stream est également suspendu, cela augmentera la probabilité que le projet soit modifié, estiment les experts. Premièrement, le gazoduc pourrait passer par le territoire de la Turquie. En avril 2014, le ministre de l’Energie turque Taner Yıldız a déclaré que la Turquie était prête à étudier la construction de la partie terrestre du gazoduc South Stream sur son territoire. « La situation va maintenant se développer selon l’un des deux scénarios suivants : soit la Bulgarie obtient des concessions supplémentaires de la part de Gazprom, soit le monopole gazier cherchera des solutions de contournement pour la construction. La Turquie pourrait constituer cette alternative, bien que ce choix soit bien plus onéreux et pas très fiable », estime l’analyste de FOREX CLUB Valéry Polkhovski.

En outre, le principal expert de Finam Management Dmitri Baranov estime que le projet South Stream et sa localisation ont été choisis de manière à éviter les pays de transit. Mikhaïl Kortchemine explique que depuis la Turquie, le gaz devra dans tous les cas de figure transiter vers l’Union européenne qui devra le recevoir, et la participation d’un pays tiers ne réglera pas le problème des relations avec la Commission européenne. Dmitri Baranov estime de son côté que la construction du gazoduc sur le territoire turc posera, de nouveau, le problème du pays de transit. De la sorte, pense-t-il, la Russie réduira sa dépendance vis-à-vis de l’Ukraine pour l'accroître vis-à-vis de la Turquie. 

 

Réagissez à cet article tweetant @rbth_fr #SouthStream


Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies