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« Nous sommes prêts à autoriser l'exportation de gaz naturel dans les mêmes quantités quotidiennes que celles consommées par l'Europe chaque jour », a déclaré le président des États-Unis Barack Obama lors d'une conférence de presse après le sommet USA-UE à Bruxelles le 26 mars.
En parlant des sanctions possibles à venir contre la Russie en lien avec les événements en Ukraine, Obama a déclaré que l'énergie doit être au cœur des efforts de l'UE et des USA. « L'Europe doit examiner comment elle peut diversifier plus encore les sources de livraisons des ressources énergétiques », a souligné le président américain.
Bien sûr, c'est une déclaration tonitruante, dit Sergueï Vakhrameev, expert pour le secteur de la compagnie d'investissements Ankorinvest. Mais il y a beaucoup de « mais », qui disent que la menace d'Obama est irréaliste au moins dans les décennies à venir.
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Pour exporter le gaz par l'océan, en dehors de la libéralisation de l'exportation de l'or bleu, les USA doivent encore se payer des terminaux pour le gaz liquéfié. Depuis 2011, le Ministère de l'énergie des États-Unis a approuvé seulement six demandes de construction de terminaux d'exportation de gaz naturel liquéfié, à la fin de mars la sixième autorisation a été confirmée. Plus précisément, le terminal de la compagnie Cheniere Energy Partners en Louisiane a été approuvé et le terminal Freeport au Texas. Encore 25 projets n'ont pas encore été approuvés.
Mais même approuvés, il faut encore construire les terminaux. Le premier terminal d'exportation de gaz naturel liquéfié sera construit seulement pour la fin de l'année 2015, et cela signifie que les premières livraisons de gaz américains à l'exportation ne peuvent pas commencer avant 2016. Les projets de construction approuvés seront réalisés progressivement jusqu'à 2020, des projets après cette date n'ont pas encore été approuvés.
La capacité totale des terminaux approuvés, qui seront construits de 2016 à 2020, est de 118 milliards de mètres cube de gaz.
Même si les USA envoient toute cette quantité de 118 milliards de mètres cubes directement vers l'Europe, les pays européens ne pourront de toute façon pas se passer du gaz russe. En 2013, la Russie a livré à l'Europe (sans compter la Turquie) près de 135 milliards de mètres cube de gaz, a calculé Vakhrameev. « Il n'est pas possible de se priver d'un tel volume du jour au lendemain », dit-il. Sans parler du fait que les perspectives d'arrivée du gaz américain sur le marché européen sont lointaines.
En outre, les USA n'autoriseront pas la livraison à l'exportation de toute la quantité déclarée, parce qu'il pourrait en manquer pour eux-mêmes.
« Jusqu'à 2012, les États-Unis étaient déficitaires en gaz, bien que ce déficit ait tout le temps baissé. En 2013, il y a un petit profit, mais très faible, et il n'est pas pour l'instant clair de savoir combien ils pourront livrer sur le marché européen », a déclaré à Vesti.ru Roustam Tankaev, le directeur général de la compagnie Info-TEK-Terminal et l'expert en chef de l'Union des industriels du pétrole de Russie.
Les opérateurs sont-ils d'accord
Il y a encore un problème dans le fait qu'il était prévu au départ de livrer le gaz américain non vers l'Europe mais vers les marchés asiatiques parce-que c'est plus profitable économiquement.
« Les opérateurs peuvent livrer ce gaz où ça les arrange. Cependant, la conjoncture est telle que les prix de l'or bleu sont beaucoup plus élevés sur les marchés asiatiques. Et les opérateurs sont les acteurs les plus pragmatiques du marché. On ne comprend pas comment on peut les forcer à vendre du gaz moins cher (vers cette Europe par exemple) », dit Sergueï Vakhrameev.
Selon ses informations, le prix du gaz en Asie est de 15 dollars pour un millions de British Thermal Unit (BTU), en Europe à peine moins de 12 dollars pour un million de BTU. La différence de 3 dollars est de l'ordre de 100 dollars pour 1000 mètres cube. C'est-à-dire que mille mètres cubes de gaz sont plus chers de 100 dollars en Asie qu'en Europe, et dans certains cas la différence est encore plus grande.
Vakhrameev n'exclut pas que « ça peut se passer ainsi : au début, le gaz américain ira en Asie et quand les prix baisseront là-bas (à cause d'une trop grande offre, NDLR), alors ils peuvent commencer à livrer aussi à l'Europe ». C'est-à-dire que le remplacement (partiel) du gaz russe en Europe par le gaz américain est d'une façon ou d'une autre reporté à plusieurs années.
L'Europe n'est pas prête à recevoir
Même si les USA pouvaient par un quelque conque miracle régler tous les problèmes internes précédemment cités pour la livraison de gaz liquéfié vers l'Europe, ils se heurteraient à un nouveau problème : l'absence d'infrastructures disponibles là-bas. Le problème est particulièrement aigu pour l'Europe orientale, qui pour la plus grande part dépend des livraisons de gaz russe. Par exemple, la Lituanie est dépendante à 100% du gaz russe.
« Les États-Unis peuvent livrer du gaz au pays de l'Europe occidental, par exemple à l'Espagne, à la Grande-Bretagne, à la France, car il y a là-bas des terminaux de gaz naturel liquéfié pour recevoir le gaz liquéfié américain mais il n'y a pas la possibilité de transférer le gaz américain par gazoducs de l'Europe occidentale à l'Europe orientale. Tous les flux gaziers vont de l'est vers l'ouest », explique l'interlocuteur du journal Vzgliad.
De plus, les pays européens ont conclu avec Gazprom des contrats à long terme sur 20 ans pour la livraison de gaz. « Qu'ont-ils l'intention de faire avec eux : les rompre ? » s'étonne Vakhrameev. Bien sûr, la dépendance de l'Europe peut se réduire progressivement, mais à un rythme très lent cependant, ajoute-t-il.
Article initialement publié sur le site de Vzgliad.ru
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