Poutine dénonce le coût exorbitant des fêtes d'entreprise

Les entreprises privées préfèrent ne pas dévoiler leur budget. Crédit : Getty Images / Fotobank

Les entreprises privées préfèrent ne pas dévoiler leur budget. Crédit : Getty Images / Fotobank

En Russie, les fêtes d'entreprise sont l'une des principales traditions du Nouvel An. Du fait de leur démesure, elles réclament la dépense annuelle de centaines de milliers d'euros. Cette année, cette pratique a été remise en cause par Vladimir Poutine.

Selon les experts, fêter Nouvel An avec son entreprise est un point de passage obligé pour 75% des salariés russes. Cette manière de conclure de l'année concerne autant les sociétés russes que leurs homologues occidentales. La tenue de ces soirées, où se retrouvent plusieurs centaines personnes, vise non seulement à promouvoir l'esprit d'équipe, mais également à démontrer la bonne santé de l'entreprise.

Un budget illimité

Les tarifs pour organiser une soirée du Nouvel An :

Location d'une salle en décembre dans le centre de Moscou : à partir de 22 000 euros

Service, nourriture et boissons : entre 160 et 260 euros par personne

Location d'une star russe : entre 100 000 et 200 000 euros

Embauche d'un groupe de jeunes musiciens : en moyenne 20 000 euros

Si les entreprises privées préfèrent ne pas dévoiler leur budget, les organismes publiques ne s'en privent pas. En effet, leurs commandes pour l'organisation de ces événements sont publiées directement sur le site des marchés publics russes, où sont recrutés les différents intervenants. Selon les analyses du site, les filiales des grandes entreprises publiques étaient prêtes cette année à dépenser entre 450 000 et 1,1 million d'euros pour leurs « commandes d'honneur ». La Sberbank pouvait ainsi établir un nouveau record : selon les chiffres du Front Populaire pour la Russie, la banque s’apprêtait effectivement à passer une commande totale de 1 426 116 d'euros pour la tenue de trois soirées différentes. Le géant des télécommunications, Rostelecom, avait lui aussi décidé d'entamer en grandes pompes la nouvelle année : plus de 740 000 euros devaient ainsi être dépensés dans l’organisation d'un banquet de 1700 convives. La Banque de Moscou avait pour sa part débloqué près de 420 000 euros pour une fête à laquelle devaient participer plusieurs vedettes, quatre orchestres, et où d'importants effets spéciaux auraient dû être déployés (neige artificielle, machines à fumée, spectacles de lasers). Les experts du Front Populaire pour la Russie ont calculé que près de 8 millions d'euros devaient être dépensés au total par une trentaine d'entreprises publiques.

En matière gastronomique, la palme de la démesure serait sans doutes revenue à l'entreprise Rosoboronexport qui, rien que pour l'alcool et les hors-d’œuvre, prévoyait de dépenser plus de 550 000 euros. La présence de véritables joyaux sur les tables aurait en effet permis un service d'exception. Ainsi, on prévoyait de servir un cognac de luxe dans des carafes recouvertes d'or 24 carats et facturées 1400 euros l'unité.

Marquer les esprits

Lors des festivités, tout le monde adore les spectacles.

Ainsi, même si Gazprom avait l'intention de faire les choses plus sobrement cette année, l'objectif était comme toujours de marquer les esprits. Une soirée déguisée devait se tenir au siège de l'entreprise avec pour thème l'Inde. Pour les femmes, saris et bijoux auraient été de rigueur ; pour les hommes, le turban aurait été l’accessoire indispensable.

En 2009, Sberbank avait également opté pour une soirée à thème. Une arène de cirque avait été installée dans la salle louée pour l'occasion. Le président de la banque, German Grief, était arrivé à l’événement sur un cheval en portant un costume de hussard.

En 2012, le thème du cirque avait été repris par une autre entreprise, la société Kaspersky Lab, qui avait monté un show en bénéficiant de la participation exceptionnelle du Cirque du Soleil.

Poutine appelle à la retenue

Les millions dépensés aux frais du contribuable pour les festivités des grandes entreprises n'ont pas manqué d'attirer l'attention de M. Poutine : « C'est une question étrange que celle de savoir combien il faut dépenser pour ces soirées corporatives. Dépensez autant que vous voulez. Seulement si vous souhaitez organiser ce type d’événements, c'est à vous de mettre la main à la poche, comme c'était le cas autrefois », a affirmé le président russe.

Les entreprises ont aussitôt réagi aux propos de M. Poutine. Les sociétés les plus dépensières, Sberbank et Rostelecom, ont finalement renoncé à l'organisation de leurs fêtes de Nouvel An. De même, la Compagnie des chemins de fer russes, qui était prête à dépenser près de 1,2 million d'euros, a annulé sa réception. Le géant industriel Rostec, la compagnie aéronautique OAK et le détenteur du monopole sur les services postaux publics, Potchta Rossii, ont également modifié leurs plans. Les entreprises publiques ont soit tout annulé, soit prié leur collaborateurs de financer eux-mêmes leurs célébrations du Nouvel An.

Toutefois, selon les professionnels du secteur, de nombreuses sociétés avaient prévu de réduire leurs dépenses cette année, et cela avant même la remontrance du président. « Une tendance à la baisse des budgets était déjà à l’œuvre en 2013. Même les grandes entreprises, semble-t-il, ne s’intéressent plus uniquement aux préoccupations matérielles de leur personnel ; elles font des économies et demandent aux agences spécialisées de faire des miracles, voire de travailler gratuitement », affirme Olga Vepretskaya, directrice de l'agence événementielle Smart&Motion. D'après ses informations, un tiers des entreprises ont choisi de réduire leur budget de plus de 40% par rapport à l'année dernière. Cette baisse concerne à la fois les entreprises russes et étrangères.

« Si l'année dernière, par exemple, une entreprise fêtait Nouvel An dans un club huppé en organisant une soirée comme dans Gatsby Le Magnifique – ce qui sous-entendait d'importantes dépenses pour les invités – cette année au contraire, on recherche des endroits facilitant les échanges afin de recruter des collaborateurs ayant un bon contact humain » explique Mme. Vepretskaya.

 

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