La taxe pour le survol de la Sibérie, instaurée depuis 1970 est payée par tous les transporteurs occidentaux pour compenser à Aeroflot la perte de revenu due à la concurrence. Crédit : Alamy / Legion Media
Les négociations entamées en octobre entre les autorités russes et tchèques sur l’abrogation des taxes sur les vols transsibériens risquent d’aboutir l’été prochain. Les Tchèques pourraient obtenir la gratuité de l’espace transsibérien en échange, pour les Russes, de la possibilité de desservir les villes européennes à partir de leurs aéroports. Selon les spécialistes du transport aérien, cet « échange » contribuera à civiliser le secteur de l’aviation.
La taxe pour le survol de la Sibérie, instaurée depuis 1970 est payée par tous les transporteurs occidentaux pour compenser à Aeroflot la perte de revenu due à la concurrence. La somme avoisine les 200 à 500 millions de dollars par an. En échange, les Européens doivent assurer la « septième liberté de l’air », la possibilité d’assurer les vols d’une ville à l’autre en Europe.
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Selon certains spécialistes, cet accord serait plus rentable pour les transporteurs russes que pour les europeéns. « Pour les compagnies aériennes russes, la « septième liberté » rapportera plus que la taxe. Les vols court-courriers en Europe sont plus rentables que les vols à travers la Russie », explique Xénia Aroutiounova, analyste du secteur transports de Rye, Man and GorSecurities. De plus, peu d’itinéraires transsibériens intéressent vraiment l’Europe. Les principales destinations sont la Chine, le Japon, la Corée, la Thaïlande et quelques pays du Pacifique. Les Russes, eux, obtiennent l’accès à beaucoup de destinations très fréquentées au sein de la zone Schengen, un marché très juteux.
Mais tout n’est pas si simple, la perte à l’année du montant de cette taxe peut porter un coup à Aeroflot, le principal transporteur russe. D’où cette contrepartie exigée. « La levée des taxes peut, en un jour faire chuter de 7-9% le cours des actions d’Aeroflot, principal bénéficiaire de cette taxe transsibérienne. L’obtention de la « septième liberté » est là en quelque sorte pour anticiper ce scénario », explique Aroutiounova. D’un autre côté, cette levée des taxes peut aussi être bénéfique à Aeroflot, en la forçant à se concentrer sur l’amélioration de ses services aériens. « Plus Aeroflot sortira vite de cette dépendance aux taxes et démontrera qu’elle peut compenser cette perte par les revenus réels générés par ses services aériens réguliers, mieux ce sera pour la société », assure Xenia Aroutiounova.
Jusqu’à maintenant, Aeroflot était tenue, par un contrat avec Rosaviatsiya (Agence fédérale du transport aérien), de verser une partie des revenus de cette taxe au développement de l’aviation civile russe, notamment pour la modernisation de l’infrastructure. Aeroflot devrait arriver assez facilement à compenser la perte de la taxe payée par les Tchèques, en faisant payer d’autres transporteurs. Du moins, tant que le montant destiné à l’infrastructure transsibérienne reste inchangée. Mais les autorités russes réalisent que cette taxe va finalement devoir être abrogée et qu’ils seront contraints à chercher d’autres sources de financement. « Selon moi, la Russie a accepté l’annulation de cette taxe pour deux raisons : d’une part, depuis son entrée à l’OMC, les Européens l’exigent fermement ; d’autre part, il va bien falloir à un moment ou un autre trouver d’autres moyens de financement », affirme Andreï Chenk, analyste du secteur transport de la société d’investissement Investcafe.
L’Union européenne, qui est à l’origine de ces négociations, n’est pas en reste. Cet accord est non seulement un moyen pour les Européens d’économiser mais présente un avantage concurrentiel de taille. « En abrogeant les taxes, la Russie agit dans l’interêt de l’Europe, mais elle continue de les appliquer pour les compagnies des autres pays, par exemple les pays asiatiques. Ainsi les compagnies européennes deviennent plus compétitives au niveau des prix sur les vols transsibériens », précise Andreï Chenk.
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