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« Ce n’est pas du tout comme dans les stéréotypes dépeints par les médiaux occidentaux, explique Simon Fentham-Fletcher, un professionnel de la finance originaire de Manchester. Au départ, je pensais rester en Russie deux ans et cela fait maintenant sept ans que j’y suis. Je me suis vraiment amusé et des défis intéressants ont fait de moi un meilleur homme d’affaires et ont amélioré ma capacité à résoudre les problèmes, puisque j’ai dû muscler mon jeu pour m’adapter à la situation sur place ».
Pour opérer avec succès sur le territoire des affaires russe, il est nécessaire d’en connaitre les usages locaux tacites.
Particularité n°1 : la réussite par la confiance
Simon est gestionnaire de portefeuille, responsable du personnel de salle de marchés chez Renaissance Assets Managers. Sa prise de contact avec l’environnement des affaires russe a commencé par les banques. Il y apportait de nouvelles idées, importées de son Londres brumeux.
« C’était incroyable, au départ ils étaient assez logiquement sceptiques, mais j’ai ce qui m’a surpris c’est la vitesse à laquelle ils ont pris conscience du potentiel, comment nous pouvions développer les choses », explique Simon.
La méfiance au début des négociations est un trait distinctif chez les Russes, qui trouve son origine dans la période soviétique. A l’époque, la tactique la plus répandue était celle consistant pour les parties à grossir leurs exigences pour finalement faire des concessions après de longues discussions.
« La confiance est une qualité essentielle pour un homme d’affaires russe et cela peut venir rapidement et ensuite durer toute une vie », dit Simon.
Polina Lagoutina partage ce point de vue. Née en Russie, elle a vécu et étudié le commerce au Canada et aux Etats-Unis avant de partir pour l’Australie où elle travaille désormais pour PwC à Melbourne.
« Les Russes sont souvent réservés au cours de la première réunion, ils essayent de voir s’il est possible de faire confiance à la personne. Lorsque vous n’avez pas cette confiance, les Russes semblent presque construire des clôtures paranoïaques et rechercher des doubles sens là où il n’y en a pas. Lorsque vous avez réussi l’examen et que l’on vous fait confiance, les Russes sont les amis les plus dévoués ! »
Particularité n°2 : les émotions, la clé d’une relation solide
Avec la confiance arrive un flot ininterrompu d’émotions. Dans les cultures orientales et occidentales, une sincérité excessive et une attitude ouverte dans les relations peuvent être considérées comme un manque d’éducation.
Pour les Russes, une conversation enthousiaste peut permettre de réduire les distances et tapoter l’épaule de son interlocuteur est tout à fait autorisé par l’étiquette. C’est la norme.
Mais les Russes ne peuvent comprendre les sourires polis sur les visages de leurs collègues étrangers. Ils éprouvent en partie du respect pour une telle habilité mais ne veulent bien souvent pas suivre cet exemple.
« Bien sur, cela dépend de la personnalité. Mais les traditions imposent de ne pas montrer son bonheur ou sa fierté car quelqu’un pourrait devenir jaloux », explique Polina.
Particularité n°3 : pas de cérémonies
Plus la relation est empreinte de confiance, moins il est nécessaire de faire des cérémonies. Aucun prélude au début d’une conversation. Le Russe discute d’abord de l’affaire, énonce sa demande et c’est seulement ensuite qu’il demande comment vous allez et quel temps if fait.
Selon les données de la Fondation des Investissements Directs, 70% des investisseurs étrangers ayant investi en Russie portent un regard très positif sur leur expérience.
Comme a pu le découvrir M. Fletcher, le bureau n’est pas un endroit de choix pour une conversation : « Les diners d’affaires sont la norme, la journée de travail commence un peu après mais peut se prolonger tard dans la nuit. Les restaurants peuvent être plein d’hommes d’affaires en train de négocier à toute heure de la journée, alors qu’à Londres ou New-York les affaires se concluent le plus souvent durant la journée ou au bureau. Dans les cafés ou les restaurants, le sujet de conversation peut être plus mesuré que dans une salle de réunion. Cela ne veut pas dire que les russes ne font pas d’affaires dans les salles de réunion, c’est simplement que plus l’on vous fait confiance, plus vous vous rapprochez ».
Et n’essayez pas de vous mesurer à des Russes en ce qui concerne la boisson.
Particularité n°4 : énergie, créativité, impétuosité
C’est une des qualités les plus précieuses des Russes, explique Simon : « En Russie il y a toujours une possibilité. Les gens ne se lèvent pas en pensant que ça ne peut marcher comme c’est souvent le cas en Europe ; c’est plutôt l’inverse, l’on recherche toujours les opportunités. Je pourrais même affirmer que les entrepreneurs russes doivent être créatifs car ils n’existaient pas auparavant et ont donc dû s’inventer eux-mêmes. C’est une grande qualité ».
La nécessité de rechercher des approches originales vient également du fait que la route la plus droite n’est pas toujours la plus efficace.
« Ici, les entrepreneurs sont aux prises avec un secteur public assez important dans de nombreuses industries, cela veut dire qu’ils doivent être flexibles et produire des résultats tels que les clients ne choisissent pas l’option « plus sûre » du recours à l’Etat », explique Fletcher.
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L’âge de votre partenaire en affaires a son importance. Ceux qui dépassent la cinquantaine appartiennent à la vieille école soviétique. En général, ils sont moins enclins à la prise de risque et ont plus tendance à récolter les fruits des efforts passés.
« Ceux qui ont la quarantaine ont généralement un « chiffre » auquel ils s’arrêteront, c’est simplement que ce chiffre grossit après chaque transaction ! J’aime cette tendance à ne jamais être rassasié. Le désir de mettre la pression pour en avoir encore plus, quelque chose qui commence à manquer aux Européens. Pas en Russie, où il n’y en a jamais assez ».
Particularité n°5 : les Russes viennent du pays des Soviets
Une blague intraduisible consiste à dire que l’URSS est le pays des Soviets [soviet signifie conseil en russe, à la fois dans le sens institutionnel et dans le sens de conseils pratiques, ndlr], ce qui cerne néanmoins parfaitement une autre caractéristique des Russes : leur passion à prodiguer des conseils, même lorsque ils ne sont pas spécialistes du sujet en question.
Polina Lagoutina se souvient des paroles de son ami autrichien Darren : « Au début j’étais vraiment emmerdé, je pensais que tous les Russes que je rencontrais étaient des monsieurs-je sais-tout qui essayaient de me montrer comment faire quelque chose que je savais déjà faire, mais j’ai compris que c’était pour eux un moyen de montrer que j’avais de l’importance pour eux, c’était un geste d’amitié et non d’orgueil ».
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