G-8, 18 juin 2013, de g. à dr.: le Premier ministre japonais Shinzo Abe, la chancelière allemande Angela Merkel, le president russe Vladimir Putine, le Premier ministre britannique David Cameron et le président américain Barack Obama en Irlande du Nord. Crédit : AP
En février dernier déjà, le président des Etats-Unis Barack Obama avait déclaré dans son discours « Sur l’état de l’Union » que deux projets commerciaux internationaux d’envergure étaient en préparation : l’un transpacifique et l’autre transatlantique.
Le plus ambitieux des deux pourrait être le partenariat transatlantique. La première à avoir lancé cette idée est la Chancelière allemande Angela Merkel. Au printemps 2007 déjà, Berlin avait présenté un lot de propositions visant à harmoniser les législations de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis dans les domaines économique et commercial. Mais à l’époque de la présidence de Georges Bush, les Etats-Unis se considéraient comme un leader mondial n'ayant pas vraiment besoin d’alliés. Il a fallu à Washington six ans pour que « mûrisse » l’idée proposée par Angela Merkel.
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Les observateurs remarquent que si les négociations avec les 27 pays de l’Union européenne aboutissent, alors les Etats-Unis et l’Europe pourront se défendre contre l’expansion de la Chine dans le commerce mondial. Il est vrai que les négociations ne seront pas simples, et que parvenir à un accord avec l’UE prendra du temps.
Le rédacteur en chef du journal La Russie dans la politique globale et directeur du Conseil russe de la politique intérieure et de défense Fiodor Loukianov explique que les Etats-Unis ont lancé la création du « partenariat commercial d’investissement transatlantique » en raison de la baisse notable de leur influence dans le monde.
De l’avis de cet expert, cette nouvelle union va toucher aussi les membres de la Nafta, le Mexique et le Canada. En cas de succès, le nouveau partenariat sera une force capable d’imposer ses règles aux autres participants de l’économie mondiale, et notamment à la Chine : « L’Ouest est très préoccupé par le déplacement des forces de production en Asie. Il veut retrouver ses postes de travail. »
Toutefois, les chercheurs s’accordent pour dire que ce projet d’union n’est pas encouragé seulement par des stimuli économiques. « La mise en place du partenariat est avant tout une tentative de l’Ouest et des Etats-Unis de retrouver leurs positions dominantes antérieures, estime Fiodor Loukianov. L’ennemi prend le visage des pays en croissance du Sud-Est asiatique, en particulier de la Chine. »
Certains experts doutent toutefois des effets d’une union entre UE et Etats-Unis sur le plan économique. « Dans de nombreux secteurs, comme celui de l’énergie et de l’électricité, de la construction automobile, de l’industrie légère et en partie de l’agriculture, les Etats-Unis et l’UE son en concurrence non seulement avec la Chine, mais aussi entre eux », rappelle le politologue et vice-président du Centre de communication stratégique Dmitri Abzalov.
Les mécanismes du commerce libre sont peu efficaces, affirme en outre le politologue. En cas de crise, tous les pays mettent en place des barrières contre leurs concurrents. Ni Washington, ni Bruxelles ne va sacrifier ses emplois sur l’autel d’une quelconque intégration.
Fiodor Loukianov va dans le même sens, rappelant que les problèmes à régler pour parvenir à une collaboration sont innombrables. « Les différences de vues entres les Etats-Unis et l’UE sont nombreuses. Citons par exemple les organismes génétiquement modifiés. En Amérique, ils sont répandus, alors qu’en Europe ils sont interdits. Comment vont-ils régler cette question ? »
La majorité des experts est convaincue que si une zone de commerce libre voit le jour, elle ne sera équilibrée que sur le papier. « L’Europe devra se soumettre. La question de l’industrialisation se réglera d’elle-même en raison de la présence de ressources énergétiques à faible coût aux Etats-Unis. La base industrielle sera concentrée en Amérique, estime Loukianov. Et il ne restera rien à l’Europe, hormis une reconversion vers une économie de service, dans laquelle seul le secteur des services se développe. »
Le responsable adjoint du département des études orientales de l’Ecole supérieure d’Economie russe Alexeï Maslov ne doute pas du fait que l’initiative de Washington et de Bruxelles soit en fait une réponse à l’appel analogue de Pékin, lorsque ce dernier s’est adressé à ses voisins asiatiques. L’expert rappelle que depuis quatre ans Pékin appelle à créer plusieurs zones de commerce libre, en premier lieu avec les pays du Sud-Est asiatique.
« Aujourd’hui, ces pays sont l’un des principaux partenaires commerciaux de la Chine. Si l’on ôtait toutes les barrières douanières et que l’on accordait des conditions spéciales aux relations commerciales, cette région deviendrait l’une des plus grosses zones commerciales au monde », a déclaré Alexeï Maslov au journal Vzgliad.
Le projet le plus menaçant pour les Etats-Unis est une autre proposition de Pékin : la création d’un axe commercial Chine-Corée-Japon. Pékin a aussi proposé à plusieurs reprises aux républiques d’Asie Centrale de lever les barrières douanières.
D’après l’expert, dans ces conditions, Washington doit agir rapidement. Si l’un de ces projets aboutissait, la zone commerciale la plus grande au monde verrait le jour, ce qui affaiblirait brutalement l’influence des Etats-Unis dans ces régions.
Texte original (en russe) publié sur le site de Vzgliad
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