L'ex-ministre des Finances Alexeï Koudrine lors du Forum Gaïdar. Crédit : Alexeï Filippov/RIA Novosti
Le thème central du Forum Gaïdar, qui s’est tenu à Moscou, première plate-forme de discussion réunissant en 2013 les représentants du pouvoir et des cercles d’affaires, a été l'intégration économique de la Russie. La question de savoir avec qui développer en priorité la coopération commerciale est aiguë pour le pays, aucun consensus ne régnant entre les économistes russes dans ce domaine. La veille du forum, l'un de ses organisateurs, le directeur de l'Académie de l'économie nationale Vladimir Maou, représentant éminent des économistes libéraux, a déclaré que l'avenir de la Russie résidait selon lui dans une intégration européenne analogue à celle de la Suisse ou de la Norvège. Ce serait logique, étant donné que 55-60% du commerce extérieur de la Russie a lieu avec l'UE, a-t-il dit.
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Toutefois, tout comme l'Europe redoute toute dépendance envers un unique fournisseur de gaz, Moscou juge que des problèmes pourraient surgir si la dépendance envers un seul client se maintient. La part de l'Europe est ces dernières années en recul rapide, passant pour la première fois sous la barre des 50% en 2012 (Service fédéral des douanes). Le plus grand Etat-partenaire commercial de la Russie est devenu la Chine. Sa part est passée de 5,2% en 2008 à 10,6% des échanges au cours des dix premiers mois de 2012. Elle est suivie par les Pays-Bas (ce qui est facile à expliquer, car il s’agit du plus grand centre logistique d’Europe), puis seulement par l'Allemagne, l'Italie, la Turquie, le Japon, les États-Unis, la Pologne, la Corée du Sud et la France. « L’Europe n'a de son côté pas besoin d'une intégration avec la Russie », rappelle le directeur de l'Institut des problèmes de la mondialisation Mikhaïl Deliaguine. Ce dernier a souligné les difficultés liées à l'intégration au sein de l’UE de la Pologne et de la Roumanie, et a rappelé qu’il avait en fin de compte fallu renoncer à l'intégration avec la Turquie.
Le Premier ministre Dmitri Medvedev a indiqué que la Russie avait tout le potentiel nécessaire pour devenir l'un des maillon clés des processus d'intégration mondiaux et tirer profit de ses atouts géopolitiques. « À mon avis, ce qui est préférable est la notion d’espace économique et culturel commun de l'Atlantique au Pacifique », a poursuivi le chef du gouvernement.
« La place de la Russie est la même qu'auparavant. Il s'agit d’un très grand exportateur de ressources naturelles », a déclaré le directeur général d’Investkafe Ivan Kaboulaïev. Mais dans le même temps, le spécialiste a insisté sur le fait que la Russie avait un grand besoin d'investissements étrangers et devait créer son propre centre financier international. « Pour ainsi dire, il faut plus de Depardieu », a plaisanté l'analyste.
80% des exportations russes sont constituées par les matières premières. Et le plus désireux d’opérer une croissance de sa consommation est l’Asie, qui deviendra un partenaire de plus en plus attrayant pour la Russie. C’est ce dont témoigne le développement actif des projets énergétiques russes avec l’Est. L'année dernière, le pipeline Sibérie orientale-océan Pacifique a pompé son premier million de tonnes de pétrole, on met en valeur de nouveaux gisements et l’on conclut d’importants contrats de fourniture d'énergie.
Mais dans le même temps, l'Est n'a pas rattrapé l'Occident en matière d’échanges internationaux avec la Russie, Moscou éprouvant des préoccupations croissantes quant à l'impact sur son économie de la récession dans le Vieux Monde. Grâce à des cours du pétrole élevés, le budget parvient à rester plus ou moins équilibré (le déficit en 2012 ne représentait que 0,02% du PIB, selon des données préliminaires), mais le déficit pétrolier est passé à 10,6% du PIB. L'effondrement des cours du pétrole en 2008 a provoqué un décrochage de 7,8% du PIB. Et à ce moment-là, l'Etat n’était pas aussi accablé par les obligations sociales, qui ont été relevées avant la récente campagne électorale.
M. Medvedev a promis que durant les années à venir, la Russie serait en mesure d’afficher une croissance de 5%. D’ailleurs, le soutien à la croissance mondiale sera l'un des piliers de la politique de Moscou dans le cadre de sa présidence du G20. Cependant, des experts indépendants doutent que le gouvernement soit en mesure de hisser l'économie russe vers des niveaux aussi élevés. L’ancien ministre des Finances et aujourd'hui chef du Comité des initiatives civiles, Alexeï Koudrine, a par exemple déclaré qu'en l'absence de réformes, la croissance russe n’excéderait pas 3,5-4% pendant 5-7 ans, voire plus. Le vice-ministre russe du Développement économique Andreï Klepatch est de son côté convaincu que l'économie russe pourrait croître de 4-4,5% en 2013, mais a également souligné la nécessité de « réformes sérieuses ». Le modèle d’« économie des pipelines » a vécu, pouvant dans le meilleur des cas assurer une croissance économique de 1,5-2%, indique l’analyste en chef de Ricom-Trust, Vladislav Joukovski.
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