Jour 17 : le B.a-ba

Crédit photo : Mikhaïl Mordassov

Crédit photo : Mikhaïl Mordassov

Les Jeux commencent inexorablement à arriver à leur fin.

Certains sports aujourd'hui ou demain donnent leurs dernières médailles, d'autres n'ont pas achevé toutes les compétitions officielles, mais certains ont aussi reçu toutes les médailles sur la place aux médailles du parc olympique (ceux qui ont de la chance avec la météo, et les sportifs trempés jusqu'aux os et le public gelé sous des trombes d'eau, réagissant aux événements beaucoup plus mollement que d'habitude), on a pris congé des cérémonies officielles chez nous et on a fêté un peu moins officiellement dans l'unique boîte de nuit de tout Krasnaïa Poliana.

Ainsi, les témoins des derniers moments de la fête raconteront encore longtemps à tous leurs amis à voix basse : « Tu ne peux pas imaginer que hier on a essayé de me jeter hors du club pour avoir tenté de commencer une bagarre d'ivrogne !.. »

C'est pourquoi il est vraiment temps de commencer à faire le bilan. Aujourd'hui, il faudrait se rappeler et réunir ensemble les concepts fondamentaux de la vie des volontaires, sans lesquels il est difficile de se présenter le temps passé ici.

Crêpes. Ça sera justement cette nourriture qui provoquera des frémissements d'horreur chez la majorité des volontaires, puisque tout au long des dernières semaines les crêpes dégelées d'origine très douteuse étaient l'éternel petit-déjeuner des 3/5èmes du village des volontaires.

Ces crêpes étaient tacitement le symbole de la stabilité ; ces rares jours où on donnait au petit-déjeuner autre chose sont les deux fois qui restent dans ma mémoire comme le signe d'une journée qui commence mal dès le début.

Les corniches. La présence d'une corniche dans la chambre était considérée comme une signe de richesse toutes ces semaines. On s'en vantait à peine moins que d'une rencontre avec les sportifs favoris. Dans ma chambre, d'ailleurs, il n'y en a jamais eu.

La guerre pour la télévision. La question principale dans la vie, dans l'univers et tout ça est de trouver une télévision libre pendant les compétitions qui t'intéressent. D'ailleurs, moins le sport est populaire et moins l'équipe de Russie a des chances de médailles, et même si on trouve une télévision, moins il y a alors de chances de gagner la grande bataille pour la bonne chaîne. C'est pourquoi la probabilité de voir, disons, du biathlon, quand à ce moment il y a du hockey, se rapproche de zéro.

Uniformes. Ce n'est pas l'uniforme en lui-même, mais plus précisément les vaines tentatives de le garder en bon état. Plus se prolongeaient les Jeux, plus les gens commençaient progressivement à revenir à leur tenue civile pour différentes raisons. Quelqu'un perd avec une obstination pathologique des petites affaires une à une comme des gants ou une écharpe.

Quelqu'un (comme moi par exemple) a essayé sans succès, dès le premier jour déjà, de sécher la veste double épaisseur sur le radiateur défectueux, et devient victime d'une météo changeante. Quelqu'un a trouvé le moyen d'échanger un élément de l'uniforme avec quelqu'un de l'équipe, le plus souvent ce sont des écharpes et des gants, mais parfois ça va jusqu'à des échanges importants.

Et quelqu'un souffre de choses inhabituels et vraiment étranges : on raconte que dans un des villages de volontaires un voleur d'uniforme agissait, allant la nuit dans les appartements et embarquant tout ce qui se trouvait près de l'entrée.

Et le dernier de la liste, mais pas en importance : le sentiment de sécurité total. La conscience qu'il y a autour de soi un système de protection solidement organisé est très rassurant. Tu comprends très bien que ces personnes autour ne sont pas là par hasard.

Tu sais parfaitement que, quoi qu'il arrive, tu rentres absolument à n'importe quel moment de la journée à la maison. Tu peux perdre ton téléphone dans l'autobus et on te le ramène au bout d'une ou deux heures seulement, sans nullement t'inquiéter du fait qu'il puisse se passer quelque chose. Ça crée un sentiment étrange, mais étonnamment agréable, que tout est à sa place.

Sans toutes ces choses, ça serait très très triste. Même sans crêpes au petit-déjeuner. C'est pourquoi moi, comme d'ailleurs tous mes collègues, je me presse de savourer les derniers jours de cette étonnante atmosphère, qui règne sur toute la ville de Sotchi et ses alentours. 

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