Portrait critique de la Russie


TITRE : Portrait critique de la Russie, Essai sur la société gothique

AUTEUR : Dina Khapaeva

TRADUIT du russe par Nina Kehayan

ÉDITIONS de L’aube


Dans ce Portrait critique de la Russie, Dina Khapaeva, historienne de la culture et sociologue, propose une analyse originale et novatrice des mécanismes à l’œuvre à un moment critique de l’évolution des sociétés. De la société russe, qui selon l’historienne n’a pas fait le travail de mémoire nécessaire sur son passé de terreur qui continue à nourrir les peurs, mais aussi des autres sociétés qui connaissent une crise dont les intellectuels peinent à nommer les concepts autant qu’à les concevoir. « Il incombe donc à de vieux concepts de porter cette réalité encore opaque : on la nomme postmodernisme,  postcommunisme... post, pseudo, méta, néo… », écrit Khapaeva qui voit dans notre époque la prégnance de signes de néo féodalisme. Elle cite pour exemple « la croisade » américaine contre les Talibans, la personnalisation du pouvoir et sa violence grandissante, la chute d’influence des partis politiques partout dans le monde.

Pour Khapaeva, les références féodales sont perceptibles en Russie dans le statut aléatoire de la propriété ou le modèle du clan qui structure le tissu social : « du syndic d’immeuble aux grands groupes pétroliers en passant par l’université ». Elles sont plus évidentes encore dans la littérature où les écrivains jouent leur rôle d’éclaireurs : chez Victor Pelevine, Le livre sacré du loup garou, chez Dmitri Bykov, JD Poema ou encore chez Vladimir Sorokine qui montre dans  Journée d’un opritchnik qu’une société même hyper développée sur le plan technologique est compatible avec une structure sociale moyenâgeuse, celle de l’opritchnina d’Ivan le terrible. De même au cinéma, Pavel Lounguine dénonce la même opritchnina dans Tsar, et Vladimir Mirzoev transpose son Boris Godounov dans le monde actuel.

Dina Khapaeva démontre la présence grandissante de ce qu’elle définit comme « une esthétique gothique » dans la culture mondiale. Qu’il s’agisse du cinéma, de la musique, ou encore de la littérature, à travers du genre dominant, « fantasy ». Cette  esthétique qui génère une « culture de consommation du cauchemar » est construite à la fois sur le rejet du rationalisme, de la religionet de l’être humain et repose sur la toute puissance du monstre, érigé en véritable idéal esthétique. Basée sur le culte de la mort, elle se nourrit, selon la chercheuse qui s’intéresse à la transmission de la mémoire, du révisionnisme relatif à l’Holocauste ou au stalinisme.

« C’est dans la perte des espérances placées en l’Homme comme valeur suprême qu’il faut chercher l’origine principale de la révolution qui bouleverse notre époque », écrit Khapaeva qui fait du concept d’esthétique gothique la clé de voûte de son analyse de ce qui est en marche en Russie et peut bouleverser la morale jusqu’à présent fondatrice de nos sociétés. Il ne s’agit plus d’idéologie, d’individus ou de peuples menacés, mais bel et bien de l’humanité tout entière qui risque une déshumanisation progressive. 

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