TITRE :Partir en guerre
AUTEUR : Arthur Larrue
ÉDITIONS Allia
Entre le narrateur de Partir en guerre et son amie, Esther, l’amour est en panne. Le jeune homme, Français qui vit à Saint-Pétersbourg, s’enfuit de la chaleur du lit, happé par la nuit froide, le désir de vivre et de « voir ce qui chez soi reste solide après s’être noyé dans la nuit ». Il nous entraîne dans sa déambulation à travers la ville, jusque dans l'appartement qu’une amie lui prête et où il découvre un groupe de squatters. Il reconnaît des membres du collectif d’artistes anarchistes Voïna, guerre en russe, Oleg le voleur, Leonid le fou, Koza et son enfant. Spécialisés dans des actions coup de poing, utilisant l’obscénité pour mieux dénoncer la violence du pouvoir, le 15 juin 2010 ils ont dessiné à la peinture fluo un phallus cosmique sur un des ponts levants de Saint-Pétersbourg. Lorsque le pont se lève le phallus de 75 mètres se dresse devant les bureaux de la milice et sur toute la ville.
Pour le collectif de Voïna, cette nuit n’est pas vraiment une trêve, ils sont en cavale et en guerre, toujours. Ils ont fait le choix du dénuement, comme des guérilleros tendus vers leur action et leur destin, comme s’ils devaient expier des siècles de soumission, de peur, de dignité et de larmes ravalées par leur peuple. « Il valait mieux souffrir, vivre mal, être vulgaire, que d’avoir encore peur de leur État, comme d’une sorte d’énorme ours avide de chair humaine. Durant toute leur histoire les Russes avaient eu peur de cet État, C’était assez. On allait commencer à rire de lui, Guerre avait inauguré ce rire. »
Dans la nuit pétersbourgeoise, veille le sergent Komarov qui rappelle un certain hôte moustachu du Kremlin. Il n’a ni le sens de l’humour, ni celui de l’art, une affaire de pédérastes selon lui. Veille aussi une voisine, la mamie verte, septuagénaire déjantée qui cultive des herbes dont certaines qu’elle fume. En Russie quand le voisin veille, la délation n’est jamais très loin.
Le temps d’une nuit, le narrateur croise des personnages rarement présents dans la littérature, « apôtres de la mauvaise vie, de la vie courte, mais de la vie furieuse », marginaux qui opposent au pouvoir une résistance farouche et burlesque, mouvance à laquelle ou peut rattacher les Pussy Riot ou le mouvement Femen. Arthur Larrue les fait évoluer sans complaisance. Il lève un petit bout de voile sur une Russie authentique (la description des paliers est un pur régal), faisant le choix de relater des événements qui se sont réellement déroulés et de donner leur véritable identité à ses protagonistes, la violoniste Tamriko Kvatchadze, ou des activistes Oleg et Leonid, émaillant son récit de mots russes en caractère cyrillique dans le texte, comme si, au-delà de l’exotisme dont généralement on s’empresse de s’arranger, il y avait là la possibilité d’une vérité essentielle à découvrir, sur le monde et sur soi.
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