Nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Russie

Les acteurs du marché et les spécialistes ont rapidement fait un lien entre la décision de Rosselhoznadzor et la politique. Crédit photo : AP

Les acteurs du marché et les spécialistes ont rapidement fait un lien entre la décision de Rosselhoznadzor et la politique. Crédit photo : AP

Moscou a imposé un embargo sur la viande américaine contenant des traces de ractopamine, c’est-à-dire la totalité des exportations américaines vers la Russie. Les États-Unis protestent en disant que cette mesure enfreint les règles de l’OMC. Les contrats à terme sur le porc sont désormais en baisse.

Les importations en Russie de viande américaine, canadienne, brésilienne et mexicaine sont quasiment à l’arrêt depuis le week-end dernier. Le Service fédéral russede contrôlevétérinaireet phytosanitaire (Rosselhoznadzor) a interdit l’entrée dans le pays de viande d’animaux nourris avec des aliments contenant de la ractopamine, un complément alimentaire très répandu.

Ces mesures ont provoqué de vives réactions aux États-Unis, pour qui la Russie constitue le sixième plus grand importateur de viande avec un volume d’environ 375 millions d'euros par an.

Selon les statistiques de la Fédération américaine des exportateurs de viande, durant les dix premiers mois de 2012, les importations en Russie de porc en provenance des États-Unis s’élevaient à 156 millions d'euros, soit une augmentation de 14% par rapport à l’année précédente. Sur la même période, les livraisons de bœuf ont, quant à elles, augmenté de 25% pour atteindre 181,5 millions d'euros.

La ractopamine, de la famille des bêta-agonistes, est utilisée comme complément alimentaire pour les porcs et les bovins. Rosselhoznadzor affirme que la consommation de ce type de viande est très dangereuse pour le système cardio-vasculaire des êtres humains. La Russie n’impose pas d’embargo sur les exportations de viande, mais exige de fournir des documents confirmant que les animaux n’ont pas ingéré de ractopamine.

Ces certificats n’existent cependant pas aux États-Unis. C’est pourquoi selon JoeSchuele, porte-parole de la Fédération américaine des exportateurs de viande cité par WSJ, une telle exigence entraînerait l’arrêt des livraisons de ces aliments.

Pour les pays qui ne prévoient pas de telles expertises, Rosselhoznadzor promet une période de transition jusqu’à la fin du mois de janvier 2013 environ. Entre temps, les laboratoires russes contrôleront eux-mêmes la présence de ractopamine dans la viande importée. Les produits dans lesquels elle sera trouvée seront renvoyés dans leur pays d’origine.

« Les États-Unis demandent à la Russie de modifier ces nouvelles mesures et de rétablir l’accès aux marché du porc et de la viande bovine en provenance des États-Unis », indique une déclaration commune du ministre américain de l’Agriculture Tom Vilsack et du représentant américain au Commerce Ron Kirk.

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Le ministère américain de l’Agriculture est actuellement en négociations avec le service russe. Il se base sur le Codex Alimentarius, document adopté par L’Organisation mondiale de la santé et qui autorise la présence de ractopamine dans la viande. Ce document a été approuvé en juillet 2012 par les représentants de 186 pays, mais pas par la Russie et l’Union européenne.

Les acteurs du marché et les spécialistes ont rapidement fait un lien entre la décision de Rosselhoznadzor et la politique. « Les exigences russes sont une réponse à la « Loi Magnitski » adoptée par le Sénat américain », ont ainsi déclaré des analystes anonymes de la Fédération américaine des exportateurs de viande à l’agence Itar-tass.

« Il n’y a absolument aucun doute là-dessus », a de de son côté indiqué à l’agence Reuters Rich Nelson, responsable du département d’analyse stratégique d’Allendale Inc.

L’interdiction d’utiliser la ractopamine


C’est le 6 octobre 2011 que Rosselhoznadzor a pour la première fois parlé publiquement de l’interdiction d’utiliser la ractopamine dans la production destinée au marché russe. L’organisme avait alors exprimé ses inquiétudes concernant l’emploi de cet additif dans les entreprises brésiliennes qui vendaient de la viande à la Russie.

Durant l’année, des délégations russes se sont rendues plusieurs fois au Brésil afin de trouver une solution à ce problème. Après la dernière de ces visites, qui s’est déroulée à l’automne, le service russe a déclaré qu’aucune décision définitive sur la reprise des livraisons de viande brésilienne ne serait prise tant que les documents fournis par le Brésil n’avaient pas été étudiés. 

« Ma première réaction à cette décision (de Moscou) a été d’essayer de comprendre à quelle point elle était liée à la géopolitique et dans quelle mesure la Russie tentait de régler des questions politiques en faisant pression sur nos portefeuilles », souligne à son tour Mike Zuzolo, président de la société Global Commodity Analytics.

Un jour avant cette interdiction, le Sénat américain avait voté à une majorité écrasante (92 voix pour et 4 contre) la « Loi Magnitski », qui interdit aux citoyens russes ayant violé les droits de l’Homme d’entrer aux États-Unis et d’effectuer des opérations financières sur son territoire.

Rosselhoznadzor prétend que son interdiction n’est en rien liée à la « Loi Magnitski ». « Rosselhoznadzor tient à rappeler qu’il avait déjà publiquement signifié  que l’utilisation de ractopamine dans la production destinée au marché russe était prohibée, et ce plus d’un an auparavant », précise le service dans une déclaration spéciale.

Vendredi, les contrats à terme sur le porc ont diminué de 1,4% pour atteindre leur niveau bimensuel le plus bas au Chicago Mercantile Exchange. « Ces nouvelles sont pessimistes pour le marché », indique John Kleist, senior analyst de l’entreprise de courtage Ebottrading.com.

« Chez nous [aux États-Unis, ndlr], même si la production sera plus importante, il ne devrait pas y avoir de saturation du marché », rassure cependant le spécialiste du secteur du porc pour Paragon Economics Steve Meyer. « Ce n’est comme si le Japon avait arrêté ses activités ».

Le Japon est en effet le plus gros importateur de porc américain, avec un volume quatre fois plus élevé que celui de la Russie.

Les États-Unis sont le quatrième fournisseur de porc vers la Russie. Dans ce secteur, les importations ne représentent qu’un tiers du marché national.

Paru sur le site de gazeta.ru le 10 décembre 2012.

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