Message à la Nation : Poutine mise sur les valeurs

Crédit photo : RIA Novosti / Mikhail Klimentyev

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Les analystes politiques considèrent comme efficace le premier message de Vladimir Poutine au parlement depuis quatre ans et notent que l'allocution expliquait pourquoi il est retourné à la présidence. Les détracteurs du président, en revanche, affirment que presque aucune nouvelle idée n'a été énoncée.

Des hommes politiques et des politologues ont commenté pour La Russie d'Aujourd'hui le message du président Vladimir Poutine au parlement russe, le premier depuis sa réélection à l'issue de l'élection présidentielle de cette année. Tout d'abord, les experts soulignent le cap sur la préservation de l'identité nationale et spirituelle de la nation russe fixé par le chef de l'État, et s'attendent à des changements dans le système politique. Cependant, les critiques affirment que presque aucune nouvelle idée n'a été énoncée.

Le directeur scientifique du Centre pour la conjoncture politique Alexeï Chesnakov note que l'allocution présidentielle a été « réussie et complète ». Elle a largement déterminé l'ordre du jour du prochain mandat présidentiel de six ans. « Il est important de noter que le discours contenait des signaux spécifiques destinés à différents publics cibles (médecins, enseignants, militaires) et groupes idéologiques. Les libéraux et les socialistes n'ont pas été ignorés », indique l'analyste.

Selon lui, le message était fondé sur les valeurs, fixant certaines normes morales. Des normes qui, selon Poutine, doivent impérativement être prises en compte lorsque l'on va de l'avant. « Le message manifestait clairement ce désir de préserver le peuple, au sujet duquel écrivait Alexandre Soljenitsyne », a poursuivi M. Chesnakov, citant l'idée clé du message.

Une opinion partagée par le directeur général de l'Agence des communications politiques et économiques, et membre de la Chambre civile de Russie, Dimitri Orlov. « L'idée force est qu'il faut préserver le peuple », a-t-il dit, comme en témoigne selon lui l'appel à la classe créative, ainsi que les réflexions sur le développement de la classe moyenne et le rôle des intellectuels provinciaux.

« Poutine a entendu la demande de la société en faveur d'une renaissance des valeurs morales et de renforcement du patriotisme. Il s'agit d'un message de valeurs », assure M. Orlov.

Les politologues ont également noté les prochaines réformes politiques esquissées par le président, en particulier, le retour à un système d'élections mixte – les élections des députés par circonscriptions uninominales, tout en maintenant les élections par scrutin de liste. Alexeï Chesnakov rappelle que le retour à un système mixte est évoqué depuis longtemps. « Le besoin de ce type de réforme est lié au changement des partis en jeu, et au retour des élections des gouverneurs », explique-t-il.

Le Directeur de l'Institut d'études socio-économiques et politiques Dmitri Badovsky estime qu'un retour aux circonscriptions uninominales parachève la logique de la réforme politique menée ces dernières années. Les élections selon le nouveau système s'inscrivent dans le sillage logique de la transition vers les élections des gouverneurs, la formation des nouvelles règles du Conseil de la Fédération, et la libéralisation de la législation des partis politiques.

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« Les gens veulent élire leurs députés. Ils ont besoin de députés qui peuvent être ‘touchés de la main’. Cela permettra d'améliorer la qualité du travail de la Douma, obligera les partis à se remuer et renouvellera de manière significative le corps des députés, parce qu'actuellement les gens ne sont pas toujours en mesure d'entrer sur les listes des partis », commente Dmitri Badovsky.

Dmitri Orlov estime que grâce au nouveau système électoral, on pourrait voir apparaître une vaste coalition d'intérêts. Cette approche serait avantageuse pour divers politiciens charismatiques, la partie active du mouvement de protestation. « Personne n'interdit de critiquer le pouvoir, de n'entrer dans aucun groupe du système et d'être acteur autonome », dit l'analyste.

M. Chesnakov rappelle également que le Président a proposé de lancer un débat sur le possible retour des blocs électoraux aux élections. « Il faudra comprendre les règles selon lesquelles on créera des blocs, et combien de parties pourront ‘faire bloc’: deux, trois, six ou plus. Va-t-on mettre en place un seuil électoral pour les blocs, différent de celui applicable aux partis indépendants? Les prochaines élections législatives auront lieu en 2016, c'est donc une discussion sur le long terme », indique l'analyste.

Toutefois, cette approche optimiste du message présidentiel ne fait pas l'unanimité. Le chef adjoint de la fraction du Parti communiste à la Douma Sergueï Rechoulski a indiqué qu'il n'avait rien entendu de nouveau. « C'était une redite des précédents messages de Poutine et de Medvedev. Je n'ai rien entendu de nouveau, permettant de penser qu'il y aura réellement un développement du pays », a déclaré le député. Ce dernier est surpris par le désir de modifier à nouveau la loi électorale : « Alors, il faut admettre que la création de partis a raté ». « Je n'ai rien entendu d'autre qu'un discours ambitieux », poursuit le responsable communiste.

« C'est le message le plus fort de l'histoire du genre », s'insurge M. Badovsky face à la critique. Le discours possède une perspective plus longue que le mandat présidentiel de six ans de Poutine. Le dirigeant russe a évoqué l'avenir du pays après les changements mondiaux à venir. « La question fondamentale est de savoir si la Russie, après des années turbulentes dans le monde, se conservera elle-même, son identité, si elle restera la Russie. De la capacité du pouvoir à rassembler la société dépend l'avenir de l'ensemble du pays pour les décennies à venir », estime l'analyste.

Poutine, note le politologue, n'a pas parlé dans son message la langue des décrets et des arrêtés, mais celle de valeurs et du sens. « En fait, il a répondu à la question posée pendant toute l'année dernière : pourquoi est-il revenu à la présidence? Sa réponse est : pour que la Russie reste la Russie », a conclu l'analyste.

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