« Nous ne menons pas de négociations sur le sort de Bachar el-Assad », a récemment déclaré Sergueï Lavrov. Crédit photo : flickr / United Nations - Geneva
Les États-Unis ont proposé à la Russie un scénario du règlement de la crise syrienne visant à éviter un massacre interconfessionnel dans le pays et à minimiser le risque de recours aux armes chimiques dans le cadre du conflit. Partageant la préoccupation de Washington, Moscou n’est cependant pas d’accord avec son rôle selon le scénario, à savoir d’obtenir un retrait volontaire de Bachar el-Assad.
La Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a dévoilé au chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov au cours de leurs récentes réunions à Phnom Penh (Cambodge) et à Dublin les prévisions de Washington sur les développements en Syrie. Selon le scénario « négatif », décrit par Mme Clinton, le régime d’Assad tombera tôt ou tard, ce qui va provoquer, en l'absence d’un gouvernement de transition, le chaos et le carnage entre les opposants sunnites et les partisans d’el-Assad, principalement des alaouites et des chrétiens.
En ce cas, il sera très difficile d’arrêter les violences qui seraient incomparables à ce qui s’était passé en Libye après le renversement de Kadhafi. Les États-Unis croient que dans une situation désespérée, el-Assad (ou ses partisans après la chute du régime) utiliserait contre les insurgés des armes chimiques. En tout cas, la communauté internationale sera obligée de conduire une intervention militaire.
Ayant décrit cette prévision assez sombre, Hillary Cliton a proposé à M.Lavrov un plan visant à éviter un tel scénario. Pour cela, les opposants et les partisans du régime doivent former au plus vite un gouvernement de transition avec la participation de représentants de tous les groupes d’intérêts et les confessions.
La présence d’un tel organisme permettra, selon Mme Clinton, d’éviter un massacre religieux et minimisera le risque de recours aux armes chimiques par les forces gouvernementales ou les rebelles, si ces derniers réussissent à les obtenir. D’après Washington, un tel plan peut être mis en oeuvre uniquement si Bachar el-Assad part, et c’est à Moscou de le persuader de quitter son poste.
La Russie partage la plupart des inquiétidues des USA et se dit également préoccupée par la menace d’une aggravation du conflit interconfessionnel, ainsi que le problème des armes chimiques. Toutefois, contrairement au chef du Pentagon Leon Panetta, qui a déclaré récemment que « maintenant, lorsque l’opposition est en offensive, notamment à Damas, le régime pourrait recourir aux armes chimiques », Sergueï Lavrov est persuadé que les autorités syriennes n’ont aucune intention de les employer. Le danger réel, selon M.Lavrov, c’est que ces armes pourraient tomber entre les mains des militants d’Al-Qaïda, qui combattent aux côtés des insurgés.
Moscou soutient l’idée de créer un gouvernement de transition, tant plus que cette mesure est prévue par le communiqué de Genève (publié à l’issue de la réunion du groupe d’action pour la Syrie le 30 juin 2012), dont la réalisation est visée par la Russie depuis plusieurs mois. Ce document, toutefois, n’exige pas qu’el-Assad soit exclu du gouvernement de transition, et Moscou n’envisage pas de le convaincre de quitter son poste. « Nous ne menons pas de négociations sur le sort de Bachar el-Assad », a récemment déclaré Sergueï Lavrov.
La position russe est due à deux facteurs : premièrement, les autorités russes croient qu’el-Assad ne partira pas volontairement, d’autant plus qu’il l’avait lui même déclaré à plusieurs reprises ; deuxièmement, Moscou croit que ce sont les pays menaçant le régime du président syrien, notamment les États-Unis, qui doivent le persuader de partir.
En réponse aux objections de M.Lavrov, Mme Clinton a tenté de le convaincre au moins de revenir à l’idée américaine d’exiger catégoriquement que Bachar el-Assad cesse toutes les hostilités, en menaçant d’utiliser par ailleurs le 41e article de la Charte des Nations unies.
Cet article, prévoyant « l’interruption complète ou partielle de relations économiques, des communications ferroviaires, martitimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et d’autres, ainsi que la rupture des relations diplomatiques », a été cité dans une des résolutions sur la Syrie, bloquées dans le Conseil de sécurité de l’ONU par la Russie et la Chine.
Pourtant, la position de Moscou à cet égard reste inchangée. Le 10 décembre, la diplomatie russe a déclaré : « Les décisions de reformer le système politique de la Syrie doivent être prises par les Syriens sans aucune intervention extérieure et sans tentatives d’imposer des recettes toutes faites ».
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