Image par Alexeï Iorch
Le « printemps arabe » se propage, en embrassant un état après l’autre, même si le schéma du renversement d’un régime laïc autoritaire, pour le remplacer non pas par une démocratie à l’occidentale, mais par l’islam politique, a dérapé en Syrie. En dix-huit mois, la guerre civile y a acquis les caractéristiques d’une lutte entre ethnies et confessions, avec la participation active d’acteurs extérieurs, poursuivant chacun ses propres intérêts. Les principaux organisateurs et sponsors de cette guerre sont le Qatar, la Turquie et l’Arabie Saoudite, soutenus par l’Occident.
Entre la Russie et le monde arabe, les conflits sont temporaires et les intérêts constants
Shimon Peres : « Une intervention en Syrie ne peut être qu’arabe »
La Syrie se transforme progressivement en objectif principal des volontaires djihadistes-internationalistes. Si Bachar al-Assad finit par tomber, le pays risque de devenir un « état non-accompli » ou tout simplement d’imploser. La formation d’une « opposition unifiée » de plus à Doha témoigne d’une alliance entre le Qatar, la Turquie, les Etats-Unis et la France, avec un rôle indépendant tenue par l’Arabie Saoudite, qui soutient en Syrie les groupements salafites radicaux. Pour les opposants au régime, aucun compromis n’est possible. Le moindre projet, y compris russe, destiné à enrayer les affrontements en Syrie sera bloqué. La visite de Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russes, dans la péninsule arabique, a démontré le refus des acteurs locaux de tenir compte de la position de la Russie sur la question syrienne, et même d’en discuter sous quelle que forme que ce soit avec Moscou.
Mais cela témoigne aussi de l’efficacité de la tactique de la Russie et de la Chine, qui ont bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU la résolution qui aurait débouché sur une intervention selon le scénario libyen. Ce qui n’exclut pas la délimitation d’une zone d’exclusion aérienne ; la création, à la frontière avec la Turquie, d’enclaves territoriales indépendantes de Damas, où sera formé un gouvernement révolutionnaire, comme alternative à Assad ; ainsi que la participation à des opérations contre l’armée syrienne et les forces spéciales occidentales qui œuvrent en contournant l’ONU.
La possibilité d’un « printemps centrasiatique »
La renaissance de l’islam politique dans les états du Proche-Orient est susceptible de s’étendre au-delà de la région.
Ainsi, la possibilité d’un « printemps centrasiatique » en Ouzbékistan et au Kazakhstan s’accroit grandement, surtout en cette période de changement de génération au sein du leadership de ces pays, avec le recours aux places d’armes kirghizes et tadjikes. Ce qui impliquerait la propagation de « l’islamisation démocratique » au Xinjiang chinois, à la région de la Volga et au littoral russe de la mer Caspienne.
Techniquement, il n’est pas impossible de provoquer et organiser des affrontements entre les islamistes et les autorités locales dans les territoires russes et les régions frontalières du nord-ouest de la Chine, sous les slogans de la liberté de religion et de l’égalité sociale, avec le soutien de la « communauté internationale ». Les cellules salafites d’Asie centrale et de Russie, ainsi que les séparatistes ouïghours de Chine, peuvent être sollicités dans la réalisation d’un tel scénario, d’autant plus facilement que leur soutien et financement proviennent des mêmes centres d’influence que ceux du « printemps arabe ».
Les capacités de la Russie à endiguer la menace islamiste sur son territoire sont assez importantes, néanmoins, comme le prouve la situation dans le Caucase du nord (surtout au Daghestan, mais aussi au Tatarstan et au Bachkortostan), il ne faut pas trop se détendre. L’opération antiterroriste à Kazan a révélé la profondeur du problème. Une coopération avec les gouvernements centrasiatiques est d’autant plus urgente dans la perspective de la sortie prochaine des troupes américaines et alliées d’Afghanistan.
Moscou sur la touche
Notons que les possibilités pour la Russie d’influencer directement les Etats qui sont principalement impliqués dans la propagation du « printemps arabe » et de la renaissance de l’islam politique, sont très limitées, voire nulles, du moins sur leurs territoires. Le seul pays de la région intéressé par un dialogue avec la Russie, en vertu de ses intérêts économiques, est la Turquie, et ce dialogue est mené selon les conditions et les règles qu’elle impose, balançant entre l’Occident, les pays arabes, la Chine et la Russie.
Les monarchies du Golfe manifestent une hostilité croissante à Moscou, la rhétorique des médias sous leur contrôle rappelle l’époque de la guerre d’Afghanistan des années 1980, à la différence près qu’ils craignaient alors l’URSS, tandis que la Russie d’aujourd’hui, ils la traitent au mieux par l’ignorance.
L’Iran n’éprouve aucune gratitude envers la Russie ni pour un soutien de longue date à l’ONU, ni pour l’achèvement de la construction de la centrale de Boucher, nonobstant les pressions internationales, même si le lobby iranien cherche toujours à Moscou des appuis pour s’opposer à l’Occident. Mais dans le même temps, malgré les attentes des partisans de la coopération russo-iranienne, l’Iran continue d’exiger une redéfinition des sphères d’influences sur la Caspienne, sans parler de la saisie de la cour d’arbitrage internationale après le refus par la Russie de fournir des C-300 après l’introduction de sanctions internationales contre l’Iran. Et en tenant compte du fait que Gazprom subit une pression croissante sur le marché européen de la part du Qatar et de l’Algérie, dont le gaz doit réduire la dépendance de l’UE à la Russie, les sanctions, imposées à l’Iran sur l’exportation de gaz et de pétrole, ne sont pas un problème pour Moscou, bien au contraire.
Evgueni Satanovski est le président de l’Institut du Proche-Orient.
Version complète de l'article (en russe) est disponible sur le site vpk-news.ru.
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