Droits de l'homme : Poutine prête l'oreille aux critiques

M. Poutine a fait savoir qu'il ne « voyait rien de mal » à l'introduction de peines pour harcèlement suite à des critiques, y compris de la part des journalistes. Crédit : Kommersant

M. Poutine a fait savoir qu'il ne « voyait rien de mal » à l'introduction de peines pour harcèlement suite à des critiques, y compris de la part des journalistes. Crédit : Kommersant

Le chef de l'Etat russe, Vladimir Poutine, a tenu lundi 12 novembre sa première réunion avec le Conseil des droits de l'homme auprès du Président (CDH) au format élargi.

Il a proposé au Conseil de mettre en place un présidium avec une rotation constante de ses membres et a de son côté promis d'examiner de nouveau les lois sur le secret d'Etat et la diffamation. Il a exhorté la Douma à ne pas s'empresser d'adopter le projet de loi sur la protection des sentiments des croyants et n'a en outre pas exclu de se pencher à nouveau sur la loi qualifiant certaines ONG d'« agents étrangers ».

M. Poutine a proposé de réorganiser le travail du Conseil pour le développement de la société civile et des droits de l'homme auprès de la présidence récemment renouvelé, un décret sur ​​l'augmentation des effectifs du CDH ayant été signé par le chef de l'Etat avant la réunion. Le président juge que l'activité du CDH devrait être optimisée, et que l'on pourrait à ces fins créer un présidium avec une rotation constante de ses membres, et organiser des groupes de travail chargés des différentes sphères d'activité du Conseil.

M. Poutine a déclaré que les effectifs du conseil avaient été considérablement élargis. Désormais, il comprendra 62 membres, contre 40 auparavant. En outre, M. Poutine a invité au Conseil un 63ème participant : le militant des droits humains controversé Alexander Brod, qui a décrété une grève de la faim après avoir vu déclinée sa tentative d'obtenir un siège au CDH, rapporte Gazeta.ru.

À cet égard, il convient de déterminer comment doter le travail du CDH d'une « réelle influence » non seulement sur le travail du chef de l'Etat, mais aussi sur celui des « organes de l'exécutif et les forces de l'ordre ». Selon le président, la chose la plus importante est l'existence de « contacts directs contribuant à la réalisation des tâches incombant au conseil ».

« Ce doit être un travail direct, ouvert, honnête et conjoint », a souligné M. Poutine. Cependant, il a averti que ses opinions pouvaient différer de celle des membres du CDH, et a appelé à ne pas en prendre ombrage, promettant que lui-même de ne va pas le faire.

Le chef de l'Etat a déclaré aux membres du Conseil renouvelé qu'il jugeait possible de revenir sur les amendements à la loi sur la trahison de secrets d'Etat. Vladimir Poutine a convenu qu'il ne devait pas y avoir d'« interprétation large de la haute trahison ».

Rappelant que le projet de loi en question avait passé une expertise préliminaire, le Président a exprimé sa volonté de « le regarder de plus près ». De plus, M. Poutine n'exclut pas que la formulation de la loi sur la diffamation soit précisée. Il a cependant souligné que cette question devrait être examinée très attentivement, la calomnie provoquant souvent de graves torts à la réputation d'hommes d'affaires, d'artistes et d'autres personnalités publiques.

Le président a en outre accepté la proposition des membres du CDH d'« examiner à nouveau la loi » dotant du statut d' « agent étranger » les ONG financées de l'étranger.

« Tout ce qui n'est pas lié à la politique doit être exclu du champ d'application de la loi », a poursuivi M. Poutine, tout en qualifiant de « justifiée » l'adoption d'amendements à la loi sur les ONG, « pour que d'autres pays ne puissent pas interférer dans les affaires intérieures de la Russie ».

Le chef de l'Etat n'est pas non plus opposé à la signature d'un décret obligeant les fonctionnaires à répondre rapidement aux questions des journalistes, mais constate certains obstacles d'ordre technique. Selon lui, il convient que le mécanisme et les techniques juridiques soient efficaces.

« Je suis pour, mais je ne comprends pas vraiment comment nous pouvons le faire concrètement », a indiqué M. Poutine. Dans le même temps, il estime que les fonctionnaires ont eux aussi parfois besoin d'être protégés contre les journalistes. Selon le président, les fonctionnaires « ne doivent pas tous être mis dans le même panier, et il faut les protéger des attaques injustifiées ».

M. Poutine a également fait savoir qu'il ne « voyait rien de mal » à l'introduction de peines pour harcèlement suite à des critiques, y compris de la part des journalistes.

Le président a accepté la proposition du CDH le priant de demander aux députés de la Douma de ne pas s'empresser d'adopter le projet de loi prévoyant des sanctions pour insulte aux sentiments religieux des citoyens. La membre du Conseil Irina Khakamada a qualifié ces amendements de « bombe à retardement » car les « sentiments » ne constituent pas une notion juridique et peuvent faire l'objet d'une interprétation large.

Selon Poutine, la loi protégeant les sentiments des croyants, est « nécessaire, mais il faut réfléchir pour qu'il n'y ait pas de dérive ». Toutefois, le président a convenu que le concept de « sentiment » était émotionnel. Il a proposé à Mme Khakamada d'examiner cette question dans le cadre du CDH.

M. Poutine a également invité les membres du CDH à trouver une position commune sur le financement de la future « Télévision publique ». Il a encouragé « à réfléchir, de façon à ce que ce ne soient pas le gouvernement ni le président qui régulent seuls cette question, mais à ce que l'on élabore une position de compromis».

La proposition du Président de créer un présidium du CDH et d'effectuer une rotation régulière de ses membres n'a pas été évoquée lors de la rencontre. Selon le nouveau membre du CDH Elena Topoleva-Soldounova, le présidium est cependant nécessaire car « il est tout simplement impossible de travailler tous ensemble en si grand nombre ».

« C'était très confus, il y avait beaucoup de monde, tous veulent évoquer ce qui les préoccupe, et en fin de compte on passe du coq à l'âne, a-t-elle raconté à propos de la première réunion entre le président et le CDH au format élargi. En ce qui me concerne, je n'ai pas eu le temps de dire ce que je voulais ».

Article original en russe publié sur le site de Kommersant

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies