France-Russie : entre rupture et continuité ?

Pascal Boniface, le directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Crédit photo : Maria Afonina

Pascal Boniface, le directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Crédit photo : Maria Afonina

Le 2 octobre, des experts russes et français se sont réunis dans le cadre de la conférence « La politique étrangère et de sécurité de la France : entre rupture et continuité ? », organisée par l'Observatoire franco-russe. Sur un ton simple et sans façons, ils ont discuté des nouvelles directions de la coopération entre les deux pays.

Dans les relations bilatérales, les changements sont inévitables, aussi bien avec l’élection de François Hollande qu’en vertu de divers bouleversements sur l’arène internationale. Tel est l’avis de Pascal Boniface, le directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).

« Le rôle de la France dans la politique mondiale est en train de changer, le pays est moins influent que dans les années 1960-80, même si on crédite toujours la France de sa possibilité d’avoir une pensée globale dont on ne crédite pas tous les autres pays, et ce dont peu d’États peuvent se targuer. C’est le rôle de l’Occident dans son ensemble qui est en train d’évoluer, finie sa domination sans limites », commente Boniface.

Fedor Loukianov, le rédacteur en chef du magazine « La Russie dans la politique mondiale », est du même avis : « La France demeure pour la Russie un partenaire unique, capable de raisonner à l’échelle mondiale. Il reste de moins en moins de pays comme ça, et un seul en Europe. Pour les autres États, tout finit par se réduire à des questions locales ».

Selon les experts, les décisions diplomatiques sont influencées par l’opinion à l’intérieur de chaque pays. En France, explique Boniface, une partie de la population considère qu’il faut renoncer à l’autonomie décisionnelle et s’aligner sur les États-Unis. L’autre partie des Français croit que la France est le seul pays capable de faire bouger le reste du monde. Le politologue, lui, pense que les deux positions sont erronées.  

Pour Loukianov, il n’y a aucun sens, dans la situation actuelle, de « s’accrocher  à la locomotive d’autres pays », y compris des États-Unis ou de la Russie, parce qu’eux-mêmes « s’emmêlent les pinceaux ». La seule issue est de déterminer soi-même sa politique étrangère.

Pascal Boniface rattache les changements de positions de la France sur la scène internationale à l’arrivée au pouvoir de François Hollande, qui doit encore prendre ses marques dans sa nouvelle fonction ; Fedor Loukianov est convaincu qu’une modification de la politique étrangère de Poutine est rendue nécessaire par des processus internes à la société russe.

« Avant, la politique de Poutine, qui consistait à renforcer les positions de la Russie à l’international, s’appuyait sur un grand soutien populaire. Aujourd’hui, ce soutien est secondaire dans la prise de décision. Les différents groupes sociaux formulent différentes demandes, par conséquent la politique extérieure sera elle aussi plus variée ».

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Les experts réunis ne pouvaient pas passer sous silence la plus « brûlante » des questions, la Syrie. Selon Loukianov, la France et la Russie « se regardent mutuellement avec une perplexité croissante ».

Pascal Boniface a souligné qu’il ne fallait pas diaboliser la Russie. « Nous avons des différends avec d’autres pays sur diverses questions, dont les États-Unis, avec lesquels nous divergeons sur les questions du Proche-Orient. Mais cela n’a pas d’incidence sur les relations en général ». Qui plus est, note l’expert, aucun pays n’est capable de résoudre de lui-même le problème syrien ni de réguler la situation avec les droits de l’homme.

Emmanuel Quidet, le président de la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe, a relevé que les bonnes relations entre la France et la Russie sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy se sont refroidies avec l’arrivée de François Hollande. Il est naturel de se demander si ce refroidissement ne risque pas d’avoir des conséquences néfastes sur les relations économiques entre les deux pays. 

Pascal Boniface s’est voulu prudent dans ses pronostics.  Selon lui, c’est vrai que Laurent Fabius et Sergei Lavrov travaillent constamment ensemble, mais une telle collaboration n’existe pas entre les présidents. « Toutefois, Hollande n’a jamais déclaré qu’il ne serrerait pas la main de Poutine en tant que président, et de manière générale, il fait beaucoup moins de déclarations hostiles à l’égard de la Russie que son prédécesseur ».

Pascal Boniface a mentionné la campagne de boycott des JO de Sotchi qui a commencé en France et en Grande-Bretagne, tout en souhaitant que le président Hollande parvienne à résister à l’attitude négative de l’opinion publique française. Et de donner en exemple Jacques Chirac, très antirusse au début de sa présidence, mais devenu extrêmement russophile vers la fin. « Malgré les frictions entre la France et la Russie au sujet de la Syrie, nos pays ont beaucoup de terrains d’entente, en matière d’énergie, d’aéronautique, etc. Et le pragmatisme vaincra inévitablement l’idéologie »

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