« La cléricalisation de la société russe est un mythe »

Crédir photo : Itar-TASS

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« Il n’y a aucune ingérence de l’Église dans la politique du gouvernement », a affirmé le patriarche de Moscou et de toute la Russie Kirill devant des journalistes japonais, peu avant de visiter le pays du Soleil-Levant du 14 au 18 septembre.

« Ragots de gens mal intentionnés »

« La cléricalisation de la société russe est un mythe qui ne repose sur aucun fait. Rien ne peut prouver ces affirmations. Même si certains dans la presse russe parlent de cléricalisation ou d’ingérence, ils n’avancent jamais d’exemples concrets. Le premier sens du mot « cléricalisation » est une influence politique du clergé dans la situation du pays, ce qui implique que le pouvoir appartient à l’Église. Or, le patriarche ou les évêques n’exercent pas ce genre d’influence sur les autorités », a déclaré le patriarche Kirill. Il a ensuite invité les journalistes japonais à « démentir ce mythe, du moins au Japon ».

Selon lui, ces « ragots » sur les relations entre l’Église et le pouvoir en Russie viennent de personnes « mal intentionnées », et ces « histoires se répandent dans le monde entier car elles renforcent des clichés ».

« On raconte que l’Église s’est alliée au gouvernement en Russie, et les gens le répètent sans réfléchir. D’autres pensent que si on dit que l’Église influence Poutine, et donc l’État, c’est que c’est forcément vrai. Il est possible que l’Église influence aussi la personnalité des citoyens chrétiens. Je ne sais pas, je n’ai jamais mesuré le degré de cet impact. Notre but, avec l’aide de Dieu, est de toucher tout le monde, des politiciens aux citoyens moyens, pour que les valeurs morales que nous mettons en avant se répandent dans le pays », indique le patriarche.

« Il faut éviter de confondre les concepts. On ne parle pas de cléricalisation, mais de hausse de l’influence de l’Église sur la vie de notre peuple et de notre société. Et c’est le cas : c'est notre tâche, et nous essayons de la remplir », a-t-il ajouté.

Mission également réussie auprès des ministres

Kirill 1er estime que durant ces 20 dernières années, l’Église russe « a plutôt bien réussi sa mission ». Selon ses informations, près de 80% des Russes sont baptisés, 65% déclarent être liés à l’Église, et plus de 40% d’entre eux affirment aller une ou deux fois par an à l’église. De plus, le nombre de Russes allant se recueillir chaque semaine ne cesse d’augmenter.

« Nous attirons beaucoup de jeunes et de personnes d’âge moyen. Et il se trouve que parmi eux, il y a des représentants du pouvoir, des ministres, des généraux et d’autres personnalités importantes. Est-ce un mal ? Ils sont orthodoxes et ont décidé de se tourner vers la foi. Le fait qu’un croyant, qu’il soit ministre, président ou premier ministre, vienne à l’église en tant que chrétien orthodoxe n’est pas un signe de cléricalisation. Cela prouve simplement que ces gens sont croyants », explique le patriarche.

Il a également tenu à souligner que le phénomène de prêches guerriers que l’on peut rencontrer dans de nombreux pays d’Europe, ainsi qu’aux États-Unis et en Afghanistan ne touche pas la Russie. « Dire que l’Église ne fait qu’un avec le pouvoir en Russie est complètement faux. Ce n’est pas du tout le cas. Nous collaborons simplement dans plusieurs domaines, notamment pour la construction de monuments, l’éducation morale des adolescents et l’aide sociale aux personnes dans le besoin », précise Kirill 1er.

Autonomie et influence morale

Le patriarche fait remarquer qu’après la chute de l’URSS, il fallait développer un « modèle juste de relations entre l’Église et l’État ». « Nous savions que l’Église ne devait pas s’immiscer dans les affaires de l’État… parce que la perte de liberté de décision des autorités religieuses les empêche d’influer sur la vie de la société. Nous avons donc travaillé sur des bases de collaboration entre l’État et l’Église évitant toute immixtion. Nous, en tant qu’Église, somme libres de parler en notre nom et indépendamment de la position de l’État », a ainsi expliqué le patriarche.

D’après lui, l’Église et les autorités sont sur la même longueur d’onde dans beaucoup de domaines. « Mais il existe également des questions sur lesquelles nos avis diffèrent un peu, voire complétement. Très récemment, j’ai présenté une série de propositions de réformes de la législation en matière de famille, d’enfance et d’avortement, et mes demandes n’ont pas toutes été entendues », a fait remarquer le patriarche.

Il a d’ailleurs souligné que l’Église n’avait pas pour objectif de peser sur la politique des autorités, mais de s’adresser au peuple, y compris les autorités, en prônant des valeurs morales. « Nous estimons que toute politique doit tenir compte de certaines valeurs. Sans base morale, les réformes n’apportent rien à ceux qui les proposent, mais aussi à ceux à qui elles sont destinées. C’est pourquoi il ne s’agit pas ici d’ingérence de l’Église dans la vie politique, mais plutôt d’influence morale », a-t-il précisé.

Suite de l’article en russe sur Ria Novosti.

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