La Russie présumée coupable?

« La Russie garde actuellement une relative parité par rapport à ses rivaux géopolitiques en terme de « puissance dure ». Crédits photo : RIA Novosti / Ekaterina Shtukina

« La Russie garde actuellement une relative parité par rapport à ses rivaux géopolitiques en terme de « puissance dure ». Crédits photo : RIA Novosti / Ekaterina Shtukina

Konstantin Kossatchev, cdirecteur de Rossotroudnitchestvo (Agence fédérale russe de la CEI, des compatriotes à l’étranger et de la coopération humanitaire internationale), a dévoilé dans une interview les capacités du « soft power » (puissance douce) de la Russie pour la promotion des intérêts nationaux et le rôle de son agence dans ce processus.

Une conférence des chefs des représentations internationales de Rossotroudnitchestvo se tiendra les 3 et 4 septembre à Moscou. Parmi les sujets prévus dans l’agenda de cette réunion figure l’actualisation des formes et des méthodes du travail de l’agence. Est-ce qu’on envisage une reforme de l’organisation?


En parlant de nos objectifs et nos méthodes, il est important de se rappeler que Rossotroudnitchestvo n’a pas été créée à partir de zéro. Notre agence existe sur la base des traditions et des techniques qui ont été établies durant l’ère soviétique. À mon avis, l’URSS utilisait sa « puissance douce » - qui ne portait pas ce nom en ce temps-là - assez activement et était capable à concurrencer dans ce domaine ses rivaux géopolitiques de l’époque.

La réputation de l’URSS dans le monde n’était du moins pas pire que ce qui se passait réellement dans notre pays, et à certains égards était même mieux que la réalité. Toutefois, il est évident que ce système était totalement contrôlé par l’idéologie, et nous ne devons pas suivre aveuglément les méthodes soviétiques.

Et quelle est la situation actuelle?


A mon avis, la Russie garde actuellement une relative parité par rapport à ses rivaux géopolitiques en terme de « puissance dure » : nous sommes toujours puissants en ce qui concerne le pouvoir militaire, l’économie et les ressources nationales. Quant à la puissance douce, cette parité, comme je le vois, a été gravement atteinte. La réputation et l’image de la Russie au monde est malheureusement bien pire que la situation réelle dans notre pays.

On peut constater l’apparition d’une « présomption de culpabilité » de la Russie sur la scène mondiale. Cela veut dire que certains événements survenant dans notre pays sont perçus comme ayant un impact négatif sur notre réputation. Imaginons une situation : un journaliste trouve la mort dans une tragédie. Les commentaires internationaux sur un tel incident feraient état de l’absence de la liberté d’expression en Russie, la citant comme la raison de cette mort. Et s’il y a un conflit entre les autorités et un grand homme d’affaires, on dit que « les autorités veulent le voler de ses fonds».

Rossotroudnitchestvo

L’agence fédérale de Rossotroudnitchestvo a été fondée en septembre 2008 et a pour tâche principale de créer à l'étranger une image juste de la Russie moderne, de son potentiel matériel et spirituel et de sa politique intérieure et internationale. L’Agence s’occupe en outre des problèmes des Russes à l'étranger, participe à la coopération humanitaire internationale, et soutient de nombreuses organisations non gouvernementales et religieuses de la Russie et d'autres pays.

Je vais citer un exemple. La semaine dernière, Rossotroudnitchestvo a organisé à Berlin le festival « Sozvezdie » (constellation) dans le cadre de l’année croisée Russie-Allemagne. Entre autres choses, j’ai parlé avec mon ami qui était mon collègue durant mon séjour au parlement russe. C’est un député du Bundestag allemand de la CDU, qui est connu pour son attitude assez critique vis-à-vis de la Russie. Il m’a dit qu’il venait de lire un article dans un journal allemand sur les actions précédentes des Pussy Riot. Il m’a confié avec émotion qu’il croyait auparavant que le procès des Pussy Riot était inique et politiquement motivé. Mais quand il a lu cet article, il était vraiment choqué et il s’est demandé pourquoi personne ne l’avait dévoilé au monde auparavant? Il m’a demandé la même chose : « Pourquoi vous n’avez pas dévoilé cette information au monde entier? ».

Et qu’est-ce que vous avez répondu ?


J’ai dit que cette information était accessible au public, mais les médias occidentaux ne veulent souvent pas la diffuser, en raison de la demande publique en information négative de la Russie et de la présomption de sa culpabilité. Mais j’ai reconnu que nous aussi, nous pourrions mener un travail plus cohérent et systémique dans le domaine de l’information.

Et qui crée cette demande publique en information négative de la Russie en Occident ?


C’est une question difficile. Mais, comparons l’attitude des médias occidentaux envers la Russie et les autres pays « non-occidentaux », comme la Chine. Après tout, si on agit conformément aux mêmes principes, un observateur attentif pourrait trouver quelque chose de ce genre dans l’attitude envers la Chine, n’est-ce pas?

Il y a plusieurs critères selon lesquels le débat sur la Russie est actuellement plus passionné, compte tenu du fait que la situation politique est socio-humanitaire dans notre pays est au moins pas pire et, à certains égards, meilleure que dans plusieurs autres pays.

Pourquoi ?


Parce que l’Occident est actuellement beaucoup plus intéressé en Russie. Par exemple, la Chine est vue comme quelque chose d’immuable, de statique, c’est pourquoi personne ne tente de persuader les autorités chinoises de changer leur politique. Le monde coopère avec la Chine sans essayer de la faire changer. Quant à la Russie, il existe des exemples du succès de la pression internationale sur Moscou à l’époque de Gorbatchev et Eltsine. La popularité de ces hommes politiques, juste comme la popularité de notre pays à l’étranger, était maximale à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Mais c’est à cette époque que la vie de notre peuple était la plus difficile.

Les autorités actuelles russes, à mon avis, comprennent bien les vrais intérêts du pays. La sympathie pour la Russie représente un facteur très important, mais ne peut pas constituer une fin en soi. Nous ne pouvons pas dépendre de l’opinion publique étrangère juste pour lui plaire.

Mais peut-être nous avons quelque chose à apprendre des autres pays ex-soviétiques ? De toutes les anciennes républiques de l'Union soviétique, c’est actuellement la Géorgie qui a la meilleure image en Occident.


Quant à l'image positive de la Géorgie, compte tenu du fait que ce pays a accompli plusieurs réalisations importantes, sa réputation dépend de la situation politique globale. Et s’il s’agit d’une présomption de culpabilité vis-à-vis de la Russie, la Géorgie profite pleinement d’une présomption d'innocence. Quoi que fasse le chef de l’État géorgien, on salue ses actions. Imaginez que le premier ministre de n’importe quel pays, qui est un rival politique du président, trouve la mort dans des circonstances mystérieuses. Je parle de Saakachvili et Jvania. Imaginez la discussion qui aurait commencé en Occident, si un tel incident s’était produit en Russie. Mais la Géorgie, on en parle pas : c’était un simple accident, un homme a péri et c’est tout.

Et si on revient à Rossotroudnitchestvo et au « produit » que nous devons créer, à mon avis, il s'agit d’une attitude impartiale envers la Russie. Il ne s’agit pas de créer une image flatteuse : elle doit être juste, adéquate et véritable. Même une telle image représenterait une grande amélioration par rapport à la situation actuelle.

La suite de l’article est disponible en russe sur le site Kommersant.ru.

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