Crédit photo : Elena Potchetova
Les rues de Moscou paraissent bien désertes par ce samedi matin frisquet. Contrastant avec la capitale figée dans l’attente de l’automne, le parc Krylatskie kholmy, avec ses collines encore verdoyantes, apparaît comme un véritable îlot estival gardant l’emprunte des jours ensoleillés.
Malgré l’heure matinale, plus d’une centaine de personnes sont présentes au rendez-vous de la « Promenade de santé » avec le docteur Léo Bokeria. Cet éminent cardiologue avoue que, pour lui aussi, se lever de si bonne heure pendant son jour de repos est un véritable exploit. Pourtant, huit samedis de suite, il se rend au parc pour une balade avec ses patients.
Léo Bokeria n’a jamais eu peur des premières fois. Avant même d’être désigné comme principal cardiologue du ministère de la Santé en Russie, il a été un pionnier en matière de traitement chirurgical des malformations cardiaques congénitales et acquises, de l’arythmie et de l’ischémie cardiaque. Lors des interventions, il se sert volontiers des technologies de pointe comme l’imagerie 3D permettant de reconstituer l’espace opéré ou la visioconférence permettant à une vingtaine de médecins de suivre l’intervention à travers la Russie et en CEI.
Les randonneurs se sont divisés en deux groupes et font la queue devant deux « cabinets » disposés dans de grandes tentes. Dans le premier, on se charge d’inscrire les nouveaux et de leur distribuer « l’uniforme » : casquette, t-shirt et podomètre. Dans le second, on leur fait un bilan de santé: prise de sang pour déterminer le taux de glucose, mesure de la tension artérielle.
« Je suis chirurgien cardiaque. Nous sommes tous cardiologues ici. Il y a aussi des infirmières en chef et de simples aide-soignantes », explique l’un des bénévoles du projet, qui travaille au Centre Bakoulev.
Les promeneurs sont plutôt des personnes âgées vivant non loin du parc. Certains sont venus après avoir lu des prospectus distribués près du métro, d’autres ont été dirigés depuis le Centre Bakoulev.
« En Russie, il y a près de 700 000 médecins, si chacun promène une centaine de personnes, ce sera bénéfique pour une grande partie de la population. Car même en France, où la médecine sociale est si développée, les établissements traitant l’arythmie peuvent prendre en charge seulement 3% des malades même en travaillant 24h sur 24, 7 jours sur 7 », explique Léo Bokeria.
Dès qu’il apparaît, ses « patients » l’encerclent jusqu’à la fin de la balade. Grand, le rose aux joues, il écoute l’air très sérieux mais répond toujours avec un sourire chaleureux. Il parle des médicaments, des traitements, il entend chacun et « écoute » même parfois le coeur.
« Nous discutons aussi bien des tout nouveaux traitements que des méthodes simples, apprises dans l’enfance mais oubliées. Ne pas trop manger, ni trop boire, ne pas fumer, se coucher à heure régulière, se lever de bonne humeur, en deux mots : mener une vie saine ». Il se souvient que c’est sa mère qui lui a inculqué les préceptes d’un mode de vie sain. « Elle nous a consacré toute sa vie et je lui suis extrêmement reconnaissant de m’avoir appris la vie, jusqu’à mes 15 ans, où je suis devenu un garnement comme tous à cet âge. Grâce à elle, j’ai pu grandir sans porter atteinte à ma santé. Pourtant nous vivions dans un quartier à risque ».
Leo Bokeria annonce le départ de la promenade et ouvre la marche en tenant une petite fille par la main. Il essaie tranquillement de répondre à la myriade de questions, tout en plaisantant, racontant des anecdotes sur sa profession, se rappelant des promenades précédentes. Dans la foule, on entend des bribes de phrases : « Réunissons-nous pour la Journée de la ville » ou « la santé dans la philosophie de Descartes... ».
Il avoue n’avoir jamais pensé à une carrière publique avant d'avoir reçu en 2003 la proposition de rédiger une lettre de santé adressée aux citoyens russes. « Je me suis dit que j’aurais beaucoup à dire sur la santé. J’ai accepté. Nous avons commencé à publier en Russie un atlas : La santé, grandeur de la nation. Ce sont des cartes géographiques sur lesquelles sont marquées, par régions, les maladies les plus courantes, le nombre de terrains de sport, de prisonniers et beaucoup d’autres informations. Ce livre a eu un impact sérieux. Les gouverneurs ont commencé à s’intéresser aux régions voisines en se demandant « Pourquoi cet événement n'existe-t-il pas dans ma région ? ».
Maintenant Léo doit être partout à la fois : à la mi-août, il inaugurait le premier circuit pédestre à Samara, l’ouverture d’un nouveau circuit est prévue dans le parc moscovite de Tsaritsyno au début de septembre, et il prépare un nouvel atlas : La santé dans les pays de la CEI.
Tandis que notre balade s’achève, les participants se dirigent vers l’équipe médicale pour comparer les indicateurs de signes vitaux avec ceux des promenades précédentes.
« Je me sens très bien, une légère fatigue. La tension a baissé et le moral est remonté ! », témoigne Zoïa Grigorievna, dont c’est la deuxième promenade. Et sûrement pas la dernière.
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