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Les hauts murs rouges du Kremlin abritent Sainte-Sophie, le plus ancien sanctuaire en pierre de taille de Russie, construit entre 1045 et 1050, soit un siècle avant Notre-Dame de Paris. Crédits photo : Ricardo Marquina Montañana

Les hauts murs rouges du Kremlin abritent Sainte-Sophie, le plus ancien sanctuaire en pierre de taille de Russie, construit entre 1045 et 1050, soit un siècle avant Notre-Dame de Paris. Crédits photo : Ricardo Marquina Montañana

Veliki Novgorod cherche sa place entre Moscou et Saint-Pétersbourg et lance un timide appel aux touristes avec ses églises millénaires et ses cours d’eau sauvages.

Il est un coin de terre immaculée fleurant bon la Russie ancienne. Une région constituée de lacs, de champs, de tourbe et de forêts. Une vaste zone souvent marécageuse d’où ont émergé les premières tribus slaves. Cette région a pour centre la ville de Veliki Novgorod (qui se traduit littéralement par « Villeneuve-la-Grande »), l’une des plus anciennes villes de Russie. Fondée entre le 8ème et le 9ème siècle, Veliki Novgorod a, malgré son histoire mouvementée, été préservée des destructions tatares et soviétiques. Seul Hitler a réussit à la détruire partiellement.

Pour s’y rendre

Le train « Ilmen » part de Moscou tous les soirs et arrive à la gare de Veliki Novgorod huit heures et demie plus tard. Le coût du trajet est de 27 euros en 2e classe (Platskart) et de 256 euros en première classe.

Aujourd’hui, elle compte 218 000 habitants et un centre ville fort agréable à vivre. Notamment grâce à son vaste Kremlin, probablement le mieux conservé du pays. Ses hauts murs rouges abritent Sainte-Sophie, le plus ancien sanctuaire en pierre de taille de Russie, construit entre 1045 et 1050, soit un siècle avant Notre-Dame de Paris. Bâtiment cubique blanc surmonté de cinq coupoles, son austérité est toutefois empreinte d’un caractère majestueux. A un jet de pierre de Sainte-Sophie, une imposante sculpture de bronze « Le millenium de la Russie », peut retenir l’attention de n’importe quel visiteur pendant une bonne demi-heure. Erigé en 1862, cette œuvre d’art collective de 15 mètres de haut en forme de cloche raconte l’histoire de l’empire depuis l’arrivée du Varègue (viking) Rurik à Novgorod mille ans plus tôt.

Parmi les innombrables personnages sculptés dans le bronze se côtoient des écrivains, des guerriers, des patriarches et scientifiques à pied d’égalité avec des tsars, ce qui est fort inhabituel pour une œuvre aussi officielle. Une absence notoire : celle d’Ivan le Terrible, qui a massacré des milliers d’habitants de Veliki Novgorod en 1570 et mis définitivement fin à la timide expérience démocratique de l’administration locale. Veliki Novgorod aime d’ailleurs à se surnommer le « berceau de la démocratie russe », ce qui prête à débat parmi les historiens.

La plus impressionnante collection d’icônes du pays, après la Galerie Tretyakov de Moscou. Crédits photo : Ricardo Marquina Montañana

Dernier élément incontournable d’une visite du Kremlin : la remarquable collection d’icônes du musée, probablement la plus impressionnante du pays après la Galerie Tretyakov de Moscou. Elle comporte des icônes du 11ème au 19ème siècle, dont une série exécutée par Théophane le Grec, mentor de l’illustre Andreï Roublev. Un autre musée mérite le détour, celui de la porcelaine, un domaine d’excellence local. Situé dans l’ancien monastère Deciatinni, il regroupe une collection héritée des plus grands maîtres locaux. Une annexe « interactive » du musée initie les visiteurs à la fabrication de la porcelaine. Une initiative originale, qui a reçu le soutien du Fond Potanine pour sa démarche innovante.

Monastères et villages anciens harmonieusement nichés dans la nature

Dans les environs immédiats de la ville, une multitude d’églises médiévales aux architectures variées sert de prétexte à de longues promenades. Le lac Ilmen, qui borde le flanc Sud de Veliki Novgorod permet d’agréables sorties en bateau vers des paysages harmonieux et intacts. Un village médiéval « Vitoslavitsy » constitué de maisons en bois remontant au 16ème siècle transporte le visiteur au Moyen-Âge, avec notamment, un imposant édifice construit en 1531 et qui est le plus ancien de tout le Nord-Ouest de la Russie.

Où se loger ?


Les options haut de gamme sont limitées au « Beresta Palace Hotel » (rue 2em Studencheskaya). Le trois étoile « Volkhov » hotel est modeste et confortable. (24, rue Predtechenskaya).


Où manger ?


Cuisine européenne dans un cadre très contemporain : Nice People (Khoroshie Ludi) (1/1 rue Meretskova-Volosova).

Non loin du village se trouve le monastère de Iouriev, fondé au 11ème siècle, au centre duquel trône l’imposante et austère silhouette de l’église Saint Georges. La région compte une bonne douzaine de monastères au total, et les amateurs d’orthodoxie ne manqueront pas celui d’Iverski, à une centaine de kilomètres en direction de Moscou. Fondé au 17ème siècle au bord sur une île bordée par le magnifique lac Valdaï, il offre une architecture beaucoup plus ornée et d’une magnificence qui le rend incontournable. Il serait dommage, entre deux excursions à thème culturel, de ne pas goûter aux charmes naturels de la région. Les réserves de chasse et les rivières poissonneuses sont innombrables. Le rafting se développe rapidement avec une base sur la rivière Msta, accessible aux débutants comme aux descendeurs confirmés.

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Le tourisme comme sauveur de l’économie locale

Si la région est aussi agréable à parcourir, si elle peut se targuer d’une situation écologique idéale, c’est parce qu’elle a été largement ignorée par le pouvoir soviétique. L’industrie lourde n’y a jamais dressée ses hautes cheminées ni n’a éventré son sol pour en extraire des matières premières. La région tente aujourd’hui de transformer ce handicap en atout pour développer l’industrie touristique. « Nous souffrons d’un important déficit de main d’œuvre pour développer l’industrie », explique Alexandre Smironov, adjoint au gouverneur pour le développement économique. « Le tourisme ne nécessite ni de gros investissements, ni une importante main d’œuvre, c’est pourquoi nous parions dessus ».

Où danser ?


Sur une péniche avec des DJs de tout le pays : Vertigo et Casa del Mar ( 14 rue Velikaya).

La région est déjà connue au niveau domestique, comme le rappelle Ksenia Nazarova, responsable de l’Isba Rouge, l’office de tourisme local. « Veliki Novgorod était une des destinations les plus populaires des touristes soviétiques ». Aujourd’hui, l’industrie du tourisme parie aussi sur les voyageurs étrangers, qui constituent environ 10% des visiteurs. « Le projet de « l’Isba Rouge » doit beaucoup à la ville de Strasbourg, dont l’office de tourisme a financé une partie du projet (via un programme TACIS) et apporté son savoir-faire », explique Nazarova. Maison en bois à deux étages, l’ « Isba Rouge » apporte toute l’information nécessaire, diffuse des brochures gratuites et offre même un accès wi-fi gratuit à tous les visiteurs dans un rayon de 100 mètres. Une initiative qui peu sembler banale à un touriste européen, mais qui est pratiquement unique en Russie, où les offices de tourisme sont pratiquement inexistants. La seule chose que Strasbourg n’a pas réussit à faire, c’est à attirer des touristes français, qui ne constituent que 2,6% des visiteurs étrangers, loin derrière les 24% d’Allemands.

Une stratégie faite pour durer…

« Notre objectif : retenir les touristes plus d’une journée, car sinon, les investissements dans le secteur ne sont pas rentables », estime le président du comité pour le tourisme régional Sergueï Fliougov. « Nous cherchons à développer suffisamment de programmes complémentaires pour qu’ils restent au moins une nuit sur place ». A partir de ce seuil, les investissements dans le segment hôtelier sont amorcés et les investissements privés suivent.

Sculpture de bronze « Le millenium de la Russie » raconte l’histoire de l’empire depuis l’arrivée du Varègue (viking) Rurik à Novgorod mille ans plus tôt. Crédits photo : Ricardo Marquina Montañana

Le hic, comme toujours, vient des infrastructures de transport. Bien que Veliki Novgorod se situe pratiquement sur l’axe routier et ferroviaire le plus fréquenté du pays (Moscou Saint-Pétersbourg), les routes restent dans un état médiocre et il faut au moins 5 heures (train express Sapsan puis taxi) pour venir de la capitale (7h en voiture et 9h en train de nuit). Une autoroute qui sera achevée en 2017 devrait améliorer la situation.

Pour exister entre les pôles d’attraction que sont Moscou et Saint-Pétersbourg, Veliki Novgorod a imaginé une solution originale : constituer avec des villes et des régions voisines (Pskov, Smolensk, Vitebsk) un itinéraire intitulé « aux sources de la Russie ». Une sorte de concurrent au célèbre « Anneau d’Or » situé au Nord-Est de Moscou. « Aux sources de la Russie ». Potentiellement, le circuit peut considérablement augmenter le trafic touristique, notamment étranger. Mais pour cela, il faudrait une coordination intelligente au niveau fédéral. « Pour l’instant, cette administration ne s’est pas distinguée par son efficacité », déplore le directeur d’une agence touristique. « Le tourisme me semble toujours être le cadet de soucis du gouvernement ». Finalement, c’est peut-être aussi une aubaine pour les voyageurs fuyant le tourisme de masse !

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