La loi controversée a suscité de vives critiques des Ukrainiens. Sur la pancarte il est écrit « J'aime la langue ukrainienne. Ne brisez pas mon coeur ». Crédit photo : Itar-Tass
Le président de l'Ukraine Viktor Ianoukovitch a signé le 8 août la loi « Sur les fondements de la politique linguistique de l'État », en vertu de laquelle la langue russe recevra un statut officiel dans presque la moitié des régions du pays. Toutefois avant cela il a donné l'instruction de la mettre au point : les amendements doivent être déposés au Parlement fin septembre. Selon les experts, la décision du président est déterminée par les prochaines élections législatives, qui le contraignent à louvoyer entre les intérêts de sa base électorale russophone et « ceux qui se sentent vraiment Ukrainiens ».
Le président Ianoukovitch a exposé sa position au sujet de la loi sur les langues régionales lors d'une rencontre avec les représentants de l'intelligentsia commerçante et scientifique qui a eu lieu en Crimée le 7 août. Au début il a écouté les critiques des autres participants. « J'ai dit que nous devons suivre l'exemple des autres pays et commencer par adopter une loi sur la langue ukrainienne comme langue nationale, et après examiner les questions portant sur les langues régionales », a dit le directeur de l'Institut de littérature Shevchenko Nikolaï Zhoulinski, rapportant l'essentiel de sa déclaration. Et le directeur de la société ukrainienne « Procvita », Pavel Movtchan, a reconnu qu'il a informé Ianoukovitch de « neuf contradictions sérieuses dans le texte de loi, en particulier concernant le choix de la langue d'enseignement ».
Ianoukovitch est de façon assez inattendue tombé d'accord avec les critiques énoncées en ordonnant de former un groupe de travail spécial qui procédera à la suppression des lacunes du texte et à la préparation d'amendements. Il est prévu qu'ils soient soumis à l'examen du Parlement avant le 27 septembre.
En outre, le leader ukrainien a rassuré ceux qui attendaient une scandaleuse loi discriminatoire envers la langue ukrainienne. Comme l'a déclaré l'ex-président Leonid Kravtchouk, présent à la rencontre, Ianoukovitch a chargé le Premier ministre Nikolaï Azarov de s'occuper de la préparation du programme gouvernemental de développement de la langue ukrainienne, qui 20 ans après l'indépendance du pays n'a youjours pas été adoptée pour des raisons financières. « Aujourd'hui le président est déterminé», a déclaré Leonid Kravtchouk. Mais la conseillère de l'actuel président Anna Herman a expliqué : une simple signature de la loi sur les fondements de la politique linguistique de l'État «pourrait provoquer une scission dans la société ukrainienne et entrainer de nombreux dommages. La mise en oeuvre de ce programme d'État écarte totalement une telle menace ».
Les experts appellent la dernière des décisions de Ianoukovitch « un jeux politique » : il est peu probable que le texte de loi sur les langues ait été préparé par le Parti des Régions au pouvoir sans l'accord de l'administration présidentielle. Les déclarations de monsieur Ianoukovitch lors de la rencontre en Crimée s'expliquent par la nécessité de gagner des points supplémentaires avant les prochaines élections législatives en octobre. « Viktor Ianoukovitch, qui s'est positionné comme le défenseur des intérêts de la population russophone, doit tout de même honorer en partie ses promesses. D'un autre côté, il craint, à juste titre, de perdre les voix de ceux qui se sentent vraiment Ukrainiens », a expliqué le politologue ukrainien Vitaly Portnikov, ajoutant qu'une partie des habitants russophones du pays protestent également contre la loi.
Selon l'expert, l'adoption d'un document controversé est dans une certaine mesure défavorable à Ianoukovitch lui-même. « N'importe quel homme politique qui est devenu président de l'Ukraine prend conscience que la langue ukrainienne est une partie de sa légitimité. Refusez cela, et aussitôt apparait la question de savoir pourquoi, par exemple, les régions de Donetsk et de Kharkiv appartiennent à notre pays. Donc Ianoukovitch a dû bon gré mal gré s'orienter vers les valeurs de l'État », explique l'expert. Dans le cas contraire, à son avis, il cesse d'être le président de tous les Ukrainiens, mais resterait à la tête des citoyens russophones issus de la période soviétique, mais de là il n'y a qu'un pas vers la transformation de l'Ukraine en province russe, devenant un territoire vassal de Moscou.
Lisez l'article original (en russe) sur le site de Kommersant.
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