Crédit photo : Keen Heick-Abildhauge
Heick-Abildhauge a rencontré des
personnes décontractées et joyeuses, ou alors aura-t-il trouvé les mots pour
les mettre à l’aise, et leur faire adopter un comportement éloigné des clichés
sur les Russes. Du vendeur de fruits à la femme de chambre d’un hôtel, en
passant par une babouchka de 100 ans ou encore un pompier, il a rencontré des
Russes en paix avec eux-mêmes. Notre correspondante Elena Bobrova,
originaire de Saint-Pétersbourg, s’est entretenue avec le photographe et
directeur artistique qui se cache derrière ce projet, et dont les photos sont
actuellement exposées à Saint-Pétersbourg.
La Russie d’aujourd’hui : Comment est né le projet Portrait de Russes ?
Keen Heick-Abildhauge : Je suis arrivé en Russie il y a trois ans lorsque
ma femme a reçu une offre d’emploi à Moscou. Nous avons emménagé dans la
capitale russe et y avons vécu pendant huit mois, avant de nous rendre à
Saint-Pétersbourg. Tous les stéréotypes et tout ce que je croyais savoir sur la
Russie se sont avérés faux. Mais même si ces clichés n’avaient plus de sens
pour moi, beaucoup de mes amis continuaient à me demander :
« Pourquoi la Russie ? » ou « N’est-ce pas un pays hostile
et froid ? ». Ce n’est pas l’impression que j’ai eue. Tout le monde
connaît bien les stéréotypes véhiculés sur la Russie, parce qu’ils sont
tenaces. Mais la plupart des gens n’y ont jamais mis les pieds. J’ai trouvé une
façon de leur montrer ce que j’ai vu en me promenant à travers les rues et les
cafés de Russie.
LRA : Comment vous est venue l’idée de ce projet ?
K.H-A. : Je voulais montrer certains visages de la Russie. Mon passé de
directeur artistique dans une agence de publicité a probablement aussi joué un
rôle. Cette idée m’est venue par la suite. Trouver 100 personnes « de 1 à
100 ans » était évidemment un défi pour moi, mais c’était un très bon
moyen de tout mettre dans une même boîte, car j’ai pris des photos et rassemblé
des histoires pendant toute la période que j’ai passée en Russie.
LRA : Est-ce votre première exposition ?
K.H-A. : C’est effectivement ma première exposition, et elle est devenue
plus importante que ce que j’avais imaginé en commençant. Au départ, je voulais
juste montrer la Russie à mes amis. Mais les médias russes se sont intéressés
au projet, qui a pris une envergure à laquelle je ne m’attendais pas du tout.
LRA : Combien de Russes ont participé à ce projet ? Et comment les
avez-vous choisis ?
K.H-A. : Ils n’étaient bien sûr pas 100 au début, mais environ 240. Cela
représente beaucoup de nuits blanches ! J’avais un grand tableau dans mon
bureau sur lequel je plaçais toutes les photos et je devais parfois en
supprimer car j’avais cinq personnes pour certaines catégories d’âge… J’avais
envie de montrer certaines professions aussi. Je voulais un policier par
exemple, mais je n’en ai pas eu. J’ai quand même trouvé un pompier, un médecin,
une danseuse de ballet, un ancien militaire et un prêtre. Je voulais des
personnes de toutes les couches de la société.
LRA : Comment avez-vous trouvé vos modèles ?
K.H-A. : J’avais deux assistants qui parlaient danois. Ils me servaient d’interprètes
et m’aidaient à trouver des gens grâce à des connaissances de connaissances.
Chaque fois que je rencontrais quelqu’un, je demandais son nom et son âge, ce
qui n’était pas très poli. Une fois par exemple, une personne m’a dit qu’elle
avait 37 ans et ma réaction a été : « Oh dommage ! Mais as-tu
des parents ou des grands-parents ? ». J’étais vraiment très direct,
et beaucoup de mes amis ont été impliqués dans ce projet. Après un certain
temps, j’ai commencé à recevoir des appels de personnes me demandant si je
cherchais toujours une personne de tel ou tel âge. Leur aide était précieuse.
LRA : Comment avez-vous trouvé vos modèles les plus âgés ?
K.H-A. : Ce n’est évidemment pas le genre de personnes qui se promènent
dans les rues. Je les ai principalement trouvés dans des maisons de repos, mais
la femme de 100 ans vit seule ! Je l’ai trouvée par l’intermédiaire de mon
modèle de 45 ans.
LRA : Pourquoi les personnes sourient-elles sur vos photos ? La
Russie a pourtant la réputation d’être une nation qui ne sourit pas.
K.H-A. : Je voulais que les gens sourient. Une des premières choses que
j’ai dites à ma femme quand nous sommes arrivés à Moscou (c’était mon troisième
séjour dans le pays) était : « Je veux faire sourire les
Russes ». Elle a rit et m’a souhaité bonne chance. Je me suis vite rendu
compte que les Russes étaient souriants. À condition de leur parler. Ma mission
était donc plus facile que prévu.
LRA : Où souhaiteriez-vous montrer votre exposition ?
K.H-A. : À Moscou et au Danemark bien sûr, car l’objectif de départ était
de montrer la Russie à mes amis. Helsinki serait sympa aussi.
LRA : Comment voyez-vous l’avenir de ce projet ?
K.H-A. : J’espère réaliser ce genre de projets dans d’autres pays, j’en ai
déjà une dizaine en tête. Le Danemark est le premier. C’est un petit pays, je
connais la langue et j’y dispose d’un bon réseau. Je rêve également de grands
pays comme les États-Unis, la Thaïlande, l’Australie, mais aussi l’Allemagne,
qui a une histoire lourde et qui fait aussi l’objet de stéréotypes très
tenaces.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.