Belozersk, la ville du Lac blanc

Crédits photo : Ricardo Marquina Montañana

Crédits photo : Ricardo Marquina Montañana

Littéralement « la ville du Lac blanc », Belozersk est l’une des plus anciennes villes de Russie : elle célèbre cette année ses 1050 ans. C’est justement à Belozersk que le petit frère de Riurik Sineus choisit d’établir son règne en 862.

Située dans la région de Vologda, la ville de Belozersk est principalement connue pour son Lac blanc, qui offre le reflet de la ville endormie. À Vologda, les habitants dépeignent aux visiteurs les plages de sable longeant le lac, et les photographies figeant l’instantané, « comme à la mer ». Mais celui qui se rend à Belozersk gardera ancré dans sa mémoire le souvenir d’une famille extraordinaire qui, aux côtés des coupoles de la Cathédrale de la Transfiguration et du coucher de soleil sur le Lac blanc, fait la fierté de la ville.

 


Agrandir le plan

Voilà déjà près de 10 ans que, sur le territoire du Kremlin de Belozersk, l’un des musées les plus insolites du nord de la Russie a ouvert ses portes. Son fondateur et directeur, Igor Routchine, est archéologue de profession. Originaire de Tcherepovets, commune des environs, Igor s’est établi à Belozersk où il a d’abord fondé un club militaro-historique, les Réservistes de Sineus, invitant les habitants à monter des spectacles et des reconstructions historiques. Pendant un temps, vêtements faits main, instruments de la vie quotidienne et armes de l’ancienne Russie de la période du XI-XIVème siècles furent les principaux objets exposés au musée de la Garde princière.

 

Tout au long de la visite, le guide appelle le directeur du musée le Prince Igor Alexandrovitch. Vêtu d’un costume de la Garde princière, il accueille personnellement ses invités au seuil d’entrée du Kremlin. En le voyant, on s’imagine immédiatement à quoi ressemblait un vrai bogatyr (chevalier, héros des épopées russes, ndlr) : une taille de géant, de larges épaules, une voix portante et de grands yeux bleus perçants. Cet homme d’affaires moderne porte le costume du guerrier slave de façon totalement harmonieuse.

 

 

À ses côtés, sa femme Tatiana et leurs trois enfants l’assistent pour accueillir les visiteurs, également vêtus des costumes de l’ancienne Russie. Le petit dernier, Gleb, est un véritable petit prince qui entre volontiers dans la peau de son personnage d’époque. En vrai professionnel, il prend la pose en fixant fermement l’objectif. Tatiana aussi, lorsqu’elle montre les costumes devant la caméra, cache délicatement ses mains, de sorte que sa manucure soignée ne vienne pas dénoter une certaine modernité. Au total, la famille de Routchine compte six membres.

 

« L’aînée de la famille attend déjà son premier enfant, et nous nous apprêtons à faire nos adieux au plus grand qui part à l’armée », raconte Tatiana en présentant à ses invités des bijoux souvenirs.

 

Une grande famille, un musée, tout cela ne correspond pas vraiment à une vie traditionnelle et reculée, dépourvue de perspectives. Mais en discutant avec Igor et Tatiana, la question « Comment y vous en sortez vous ? » se révèle absurde et s’éteint d’elle-même.

 

« Dans notre musée, tous les objets non seulement peuvent, mais doivent être touchés, essayés, utilisés, énonce Igor avec fierté. Tout ce que vous voyez est fabriqué à base de matériaux utilisés par nos ancêtres. Pour obtenir la couleur rouge vif d’une chemise, nous utilisons l’écorce du chêne comme colorant naturel. Bien sûr, l’affaire n’est pas simple et nous coûte cher. Tout ce que nous gagnons est réinvesti dans le musée. Personne ne nous finance ».

 

Il y a quelques années, la Garde princière a été agrandie. Sur le territoire du Kremlin, Igor a créé un autre musée :

 

« Le travail sur la Garde nous a transporté. Les gens ont commencé à s’intéresser à la ville et à venir visiter les environs. Maintenant, Belozersk est à la recherche de sa propre marque. On nous a proposé de suivre l’exemple de Veliki Oustioug, qui a fait revivre les personnages de contes russes. Mais nous avons préféré à nouveau nous tourner vers l’histoire. Il s’est avéré qu’à une époque, les Vikings étaient des visiteurs fréquents de Belozersk : notre ville se trouvait sur la route commerciale des Varègues qui menait aux Arabes. C’est ainsi que nous avons eu l’idée de créer la maison des Vikings.

 

Accompagné par le son des coups sur son bouclier, Igor interprète les chants des Vikings et propose aux visiteurs d’enfiler des costumes en peau d’animaux, de moudre le grain dans un moulin de pierre, et de se rafraîchir avec une bière fait maison. Il est également possible de visiter le musée de la brasserie et l’atelier de ferronnerie, où l’on peut transformer n’importe quel métal brut en délicat pétale de rose. Belozersk est loin d’être un lieu touristique prisé, et pourtant, le musée d’Igor Routchine accueille chaque année près de 10 000 visiteurs.

 

« Le chiffre est certes modeste, mais pour Belozersk, qui compte à peine quelques 10 000 habitants, c’est déjà considérable, assure Igor. Encore tout récemment, nous avons eu la visite d’un archéologue, professeur de l’Université de Gotland (Suède), Den Carlson. Il cherche à reconstituer les déplacements des Vikings en Russie. Notre musée lui a tellement plus qu’il a officiellement inclus Belozersk dans le parcours international passant sur les traces des Vikings. Et puis il m’a dit : « Créez un lieu, et nous vous enverrons des touristes à la pelle ». Seul problème, Belozersk ne dispose à l’heure actuelle d’aucune infrastructure adéquate pour accueillir les étrangers. Que faire ? Notre société touristique, Garde princière, est la seule de la ville, et nous ne sommes que trois. A chaque fois que nous rencontrons des employés de la mairie, nous ne manquons pas de leur demander de restaurer le Kremlin, afin que les touristes n’aient pas à patauger dans les flaques d’eau. Mais certains suggèrent que c’est à nous de restaurer la ville. Ils nous disent : «Vous faites de l’argent sur notre histoire, alors restaurez vous-mêmes ! ».

 

Texte original sur le site de Rossiyskaya Gazeta.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies