« BerlusPoutine », la pièce de théâtre qui s'inspire de la réalité russe

Dans la pièce, le dirigeant russe subit une transplantation de la moitié du cerveau de son ami italien Silvio Berlusconi. Crédit photo : Kommersant Photo

Dans la pièce, le dirigeant russe subit une transplantation de la moitié du cerveau de son ami italien Silvio Berlusconi. Crédit photo : Kommersant Photo

Le spectacle monté par le Teatr.doc n’est pas seulement un évènement culturel qui a connu un certain succès. Il est aussi le symbole de la contestation et du mouvement « Occupy Abaï » (des protestataires au régime de Poutine ont occupé pendant une semaine, au mois de mai, un parc de la capitale, et ont établi leur camp au pied de la statue d’Abaï Kounanbaev, un poète kazakh, jusqu’alors méconnu, ndlr).

Le spectacle « BerlusPoutine » est déjà entré dans l’histoire, du moins dans celle du mouvement de contestation antipoutine : une représentation en plein air a été donnée aux pieds de la statue d’Abaï, pendant « l’occupation » du square sur le boulevard Tchistoproudny. Impossible toutefois d’organiser une représentation à Saint-Pétersbourg : personne n’a voulu prendre le risque d’accueillir cette comédie subversive. Et puis, une autre tournée a été annulée. Bref, le « BerlusPoutine » du Teatr.doc, un spectacle d’une qualité artistique somme toute moyenne, a eu le temps de faire sensation. 

En théorie, le pouvoir devrait se réjouir de l’apparition d’une telle pièce. D’un côté, aucun danger : il ne peut être vu que par une centaine de personnes à la fois, et le public est essentiellement composé d’opposants au régime dirigeant. D’un autre côté, à la moindre accusation de censure, les idéologues du Kremlin peuvent dire : regardez « BerlusPoutine », de quelle censure parlez-vous, quand on joue un tel spectacle en plein centre de Moscou ?

La pièce s’inspire de l’œuvre du célèbre acteur et metteur en scène, lauréat du Prix Nobel, Dario Fo, qui ne s’est jamais distingué par sa déférence envers les hommes politiques. Il y a 20 ans de cela, il est venu à Moscou avec son épouse l’actrice Franca Rame, pour présenter une satire de Jean-Paul II. Il est vrai que l’époque est riche de ces personnages caricaturaux que l’enfant terrible du théâtre italien peut se mettre sous la dent. Dans la pièce « l’anomalie bicéphale », dont s’est servi le metteur en scène Varvara Faer pour monter « BerlusPoutine », Berlusconi vient rendre visite à Poutine, mais le dirigeant russe est victime d’un attentat à la suite duquel Silvio part rejoindre ses aïeux, tandis que Vladimir doit, lui, subir une transplantation de la moitié du cerveau de son ami italien… Le « BerlusPoutine » qui en résulte a complètement perdu la mémoire. On fait sortir d’urgence son épouse de l’hôpital psychiatrique – ou du monastère, ce n’est pas clair – pour qu’elle aide son mari à revenir à la réalité.

Voilà pour l’intrigue. Sauf que le spectacle en lui-même ne traite pas de l’attentat mais d’un film qui doit être tourné pour raconter ces évènements fantastiques. Sur scène, on voit une actrice et un réalisateur qui essayent de la convaincre de jouer dans son film, promis à devenir un vrai scandale. Difficile de dire où s’arrête Dario Fo et où commence l’imagination du metteur en scène et des acteurs. Mais l’on passe très clairement de l’un à l’autre avec véhémence et prodigalité car le spectacle est truffé de références à la vie politique russe actuelle, et l’on en oublie ainsi rapidement le sujet de la pièce.

D’un point de vue théâtral, la pièce n’est intéressante seulement dans la mesure où  elle révèle d’excellents acteurs, Evdokia Guermanova et Sergueï Epichev. Ces deux clowns talentueux mènent leur jeu grotesque tout en gardant, miraculeusement, l’équilibre sur la frontière  mince entre réel et fantasmé. La matière est moins profonde, plus ennuyeuse que ne l’est le jeu des acteurs, et la représentation commence à décliner longtemps avant le salut final. Mais quelle importance cela peut-il avoir face à la nécessité d’un travail révolutionnaire au sein d’une population en colère ?

Lisez article original (en russe) sur le site kommersant.ru

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