Image de Natalia Mikhaylenko
Qu’il s’agisse d’un séisme, d’un ouragan, d’un tsunami, d’un incendie de forêt ou d’une inondation, les catastrophes naturelles partagent toutes une série de similarités frappantes. Premièrement, leur intensité est telle que même si elles sont anticipées, elles frappent inévitablement les populations et causent des dommages importants. Deuxièmement, les autorités perdent toujours le contrôle sur la situation à un moment donné, qui va de la simple incapacité à organiser rapidement des opérations de secours au chaos total accompagné de pillages et de crimes violents. Finalement, quelle que soit la vitesse à laquelle les conséquences d’une catastrophe sont prises en charge, la majorité de la population se sent toujours abandonnée par son gouvernement. Et un jeu d’accusations s’en suit inévitablement.
18 tonnes d'aide humanitaire attendent de partir de Moscou
Témoignages des sinistrés des inodations dans la région de Krasnodar
Prenez par exemple l’ouragan Katrina de 2005, la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire des États-Unis : elle a entrainé la mort de plus de 1 800 personnes et des dommages de l’ordre de 81 milliards de dollars. Même si le moment et le lieu du passage de Katrina étaient connus à l’avance, personne n’avait prévu que le système de digues de la Nouvelle Orléans, en Louisiane, s’écroulerait sous le poids des vagues et submergerait 80% de la ville et de ses environs pendant des semaines. Beaucoup ont jugé que la réponse du gouvernement à l’ouragan était totalement inadéquate, sentiment exacerbé par les querelles constantes entre les autorités locales et fédérales qui se jetaient la pierre. Le président de l’époque, George W. Bush, est notamment devenu une cible privilégiée des critiques pour sa lente réaction à la crise. Katrina a causé tellement de dommages au second mandat de Bush que sa réputation politique ne s’en est jamais remise.
Il faudra du temps pour évaluer l’ampleur des destructions causées par les inondations torrentielles qui ont frappé les villes et villages de la région de Krasnodar dans la matinée du 7 juillet. Au moins 172 personnes sont mortes, et ce nombre augmentera inévitablement tout au long des opérations de sauvetage. Le coût des réparations des routes, des systèmes d’alimentation électrique et des maisons atteindra certainement les milliards de roubles.
Il faudra également du temps pour répondre à la question que se posent tous les Russes : « À qui la faute ? ». Les experts s’accordent à dire que ce qui est arrivé à Krymsk (57 000 habitants), ville la plus touchée et submergée en quelques minutes par une vague d’eau et de boue de 5 mètres de haut en provenance des montagnes, était un phénomène naturel rare et inévitable. Mais même si les pertes matérielles ne pouvaient être évitées, les morts auraient pu et auraient dû l’être. Selon des sources concordantes, les autorités locales savaient au moins trois heures à l’avance que l’inondation toucherait Krymsk. Ils n’ont cependant presque rien fait pour alerter les habitants en train de dormir. De plus, rien n’a été fait pour organiser l’évacuation des plus vulnérables, à savoir les enfants, les personnes âgées et les handicapés.
La tragédie de Krymsk laisse un goût encore plus amer lorsque l’on sait que la ville a déjà été frappée par une inondation subite en 2002, causant la mort de près de 100 personnes. Cela signifie donc que les autorités régionales n’ont rien fait depuis pour éviter les désastres à venir, que ce soit en améliorant les systèmes d’irrigation vétustes ou en installant des réseaux de communication efficaces. Pas étonnant dès lors que l’opposition à la Douma demande le renvoi du gouverneur de Krasnodar Alexander Tkatchev. Même s’il arrive trop tard, cet appel est tout à fait compréhensible.
La tragédie met parallèlement en exergue le manque de confiance de la population envers les autorités. Peu de temps après les inondations, la majorité des habitants de Krymsk ont affirmé que le désastre était en réalité dû à une « erreur humaine ». Selon certaines rumeurs qui ont commencé à circuler, les autorités ont « sacrifié » Krymsk en relâchant l’excédent d’eau d’un réservoir proche, et ce afin de sauver le très important port de Novorossiïsk. Beaucoup à Krymsk croient encore à ce scénario malgré plusieurs preuves du contraire.
Les inondations de Krasnodar arrivent à un moment délicat pour le président russe Vladimir Poutine. D’après de récents sondages, son taux de popularité est en baisse, ce qui laisse supposer qu’une part croissante de la population doute de sa capacité à diriger le pays et ne le considère plus comme le leader national incontesté. Jusqu’à présent, personne n’a directement accusé Poutine de ce qui est arrivé. Mais ses détracteurs ont immédiatement souligné que la journée de deuil du 9 juillet, décrétée par Poutine en l’honneur des victimes des inondations, était la 16ème de ce type depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2000.
Poutine estime avoir fait tout ce qui était attendu de lui : il s’est immédiatement rendu dans les zones sinistrées et a directement promis une aide de l’État pour les reconstruire. Mais il pourrait en faire davantage. Vu que les Russes de tous les horizons politiques ont uni leurs forces pour assister les victimes des inondations en envoyant de la nourriture, des biens, des médicaments et de l’aide sur place, Poutine pourrait profiter de la situation pour entamer un dialogue national avec la société, y compris ses critiques les plus féroces, sur les problèmes que rencontre le pays. Bien sûr, aucun dialogue n’empêchera des inondations à venir, mais il pourrait éviter un assèchement de la confiance.
Vous pouvez aidez les victime des inondations de Kouban.
Bénéficiaire: ALL RUSSIAN PUBLIC ORGANIZATION
“RUSSIAN RED CROSS”
Banque du bénéficiaire : SBERBANK/OPERATION DEPARTMENT/MOSCOW
Compte courant 40703840100020008563 USD
Compte courant 40703978700020008563 EUR
SWIFT CODE: SABRRUMM 011
Destination de paiement: Don aux victimes des inondations de 2012 de la région de Krasnodar.
Eugène Ivanov est analyste politique dans le Massachusetts et tient le blog The Ivanov Report.
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