L’Union européenne, un modèle ambigu pour l’Eurasie

Rouble ou nouvelle unité monétaire ? Encore une question à régler pour le Conseile inergouvernemental d'Eurasec. Crédit photo : Kommersant Photo

Rouble ou nouvelle unité monétaire ? Encore une question à régler pour le Conseile inergouvernemental d'Eurasec. Crédit photo : Kommersant Photo

La crise qui sévit actuellement sur la zone euro a révélé des problèmes qui étaient restés invisibles durant la période de stabilité. Aujourd’hui, la notion de monnaie unique a cessé d’être un modèle incontestable à cause des différends budgétaires entre les pays membres de l’Union européenne (UE) qui, par ailleurs, deviennent de plus en plus réticents aux processus d’intégration.

De nombreux spécialistes prédisent jusqu’à la désintégration de l’Union, avec le lot de conséquences dramatiques sur l’économie mondiale. D’autres considèrent que pour surmonter cette crise européenne, il faut passer au niveau supérieur d’intégration en créant une Fédération des États-Unis d’Europe.

La Russie prend également une part active à cette dynamique d’intégration avec la mise en place d’une Union douanière et d’un Espace économique unique comprenant trois pays : la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie. L’étape suivante est la mise en place de la Communauté économique eurasiatique (Eurasec) prévue d’ici deux ans et demi. Tout cela alors que l’on assiste à la chute de l’UE. Pourquoi la Russie ne laisse-t-elle pas tomber ces velléités d’intégration ? Pense-t-elle pouvoir éviter les erreurs des Européens ou n’y a-t-il plus de possibilité de faire marche arrière ? Essayons de comprendre.

Erreur sur la marchandise


« Contrairement à l’UE, avec la Communauté économique eurasiatique, personne n’est trompé sur la marchandise », avait déclaré l’actuel Premier ministre Dmitri Medvedev, alors président. « Nous connaissons bien les membres de l’union. Ce n’est pas un conglomérat de pays disparates, mais seulement trois pays qui ont une histoire, un passé commun et qui se développent d’après un scénario semblable. De plus, ils démarrent tous à peu près au même niveau », avait-il expliqué.

L’UE, elle, englobait des pays avec des potentiels économiques et des situations de départ totalement différentes. « Le problème de l’UE est en grande partie dû au fait que les pays membres avaient des situations économiques très différentes : niveau d’endettement, d’inflation, taux de croissance, équilibre budgétaire. Et ce, dès les débuts de la formation de l’Union », constate l’analyste en chef du groupe d’investissement Nord-Capital Maxime Zaïtsev. Les forts tiraient les faibles, à renfort de moyens financiers importants, pour que les pays à la traîne puissent rattraper les plus développés. Jusqu’à ce que la crise de la dette s’abatte sur la Grèce.

Chassez le naturel...


« Aujourd’hui, la crise dont on parle est celle d’une mondialisation artificielle, et les risques, ceux d’une intégration factice. Lorsque l’intégration se fait de manière naturelle, il n’y a aucun risque », affirme Tatiana Valovaïa, ministre de l’Intégration et de la Macroéconomie de la Commission économique eurasiatique. Selon elle, la crise prendra fin avec la création d’un nouveau système économique, où l’Eurasec jouera l’un des rôles essentiels.

Pour M. Zaïtsev du Nord-capital, la nécessité d’une telle intégration reste encore à prouver, car le volume du commerce extérieur de la Russie avec les pays de l’Eurasec ne représente que 8% contre près de 50% avec les pays de l’UE. Il serait donc, d’un point de vue économique, plus juste de rejoindre l’UE. « La Communauté économique eurasiatique est une idée avant tout politique qui peut, d’un point de vue économique, s’avérer peu rentable», prévient l’économiste.

Et si, ce qui est fort probable, les membres de l’Eurasec, dans une volonté toute naturelle d’approfondir le processus d’intégration, souhaitaient créer une monnaie commune ?  C’est là que vont commencer les problèmes...

Être ou ne pas être


Une communauté à part entière, non factice, basée su une véritable intégration telle que l’a défini Valentina Matvienko, Présidente du Conseil fédéral, se doit de se munir d’une monnaie unique. Le problème est que ses membres ne font pas tous l’objet de notation financière ce qui, selon l’ex ministre des Finances Alexeï Koudrine, est signe de mauvais système financier. « S’ils intègrent un espace monétaire commun en l’état, cela risque d’affaiblir le rouble », assure-t-il.

L’exemple européen démontre que l’établissement d’une monnaie unique doit s’accompagner d’une politique financière draconienne, avec des règles strictes en matière de dépenses et de fiscalité. « Et c’est la Russie qui aura pour mission d’imposer ces règles aux autres pays, affirme Koudrine. Ce qui entraînera les inévitables et éternels conflits d’intérêts ». Les autres membres se trouvent, en effet, en pleine phase de transition, que la Russie a déjà dépassée.

De son côté, Andreï Slepnev, ministre du Commerce, souligne un autre problème. Le rouble russe et le tengue kazakh se renforcent avec la hausse du prix du baril car ce sont des pays producteurs de pétrole. « Dans le même temps, la monnaie de la Biélorussie, en tant que pays importateur, devrait perdre de sa valeur. Avec la monnaie unique, le système est faussé. Si le prix du pétrole augmente, la Biélorussie est doublement touchée. D’une part, elle achète le pétrole plus cher, d’autre part, sa monnaie devient plus forte », remarque Slepnev.

Quelle solution ?


L’expérience montre que la récession économique au niveau mondial tend à stimuler la dynamique d’intégration régionale et contribue à son renforcement. Or, il est essentiel de ne pas « s’embourber » et de rester ouvert à la coopération avec les autres communautés. Sinon, d’après Slepnev, cela peut entraîner un protectionnisme excessif et les barrières commerciales seront de plus en plus hautes et deviendront encore plus difficiles à franchir entre ces régions qu’entre les différents pays. »

L’introduction de la monnaie unique doit être bénéfique pour tous les membres de l’Eurasec et contribuer à améliorer le niveau de vie de la population. Une telle décision ne doit en aucun cas être imposée par Moscou.

Rouble ou nouvelle unité monétaire ? Encore une question à régler. Pour le président de la Biélorussie Alexandre Loukachenko, la monnaie unique de l’Eurasec ne doit pas être celle de la Russie, de la Biélorussie ou du Kazakhstan,  « ce doit être une monnaie nouvelle ».

Ainsi, si cette intégration régionale est inévitable, il reste à souhaiter qu’elle aboutisse avec succès et qu’elle soit bénéfique pour tous. L’Union européenne, malgré les nombreux désaccords entre ses membres, a beaucoup gagné de cette intégration, et la formation de la zone euro a donné naissance à la première puissance économique mondiale, suivie par les États-Unis.

Version abrégée de l’article du quotidien RBC Daily, à lire en intégralité, en russe, sur le site rbc.ru

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