L’OSCE apporte son soutien à la « liste Magnitski »

La délégation russe ne partage pas l’avis du sénateur : ses membres se sont prononcés contre l’adoption de ce document, affirmant que les accusations envers la justice russe étaient infondées. Crédit photo : Itar-Tass

La délégation russe ne partage pas l’avis du sénateur : ses membres se sont prononcés contre l’adoption de ce document, affirmant que les accusations envers la justice russe étaient infondées. Crédit photo : Itar-Tass

L’assemblée parlementaire de l’OSCE a adopté une résolution appelant ses pays membres à infliger des sanctions envers les personnes reprises dans la « liste Magnitski ». Cette résolution a été approuvée malgré la vive opposition de la délégation russe. Le document n’a toutefois qu’un pouvoir de recommandation.

 L’assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a approuvé ce dimanche le projet de « résolution Magnitski », qui critique vivement la Russie pour avoir saboté l’enquête sur la mort dans un centre de détention de Sergueï Magnitski, juriste pour la fondation Hermitage Capital Management, et ne pas avoir pris de mesures concernant les affaires de corruption qu’il avait révélées.

Contexte

Magnitski est décédé en novembre 2009 au centre de détention « Matrosskaïa Tichina » (« Le silence des marins » en français). Sa mort serait due à une « insuffisance cardiaque » selon la version officielle. Après 20 mois, les personnes chargées de l’enquête sur la mort du juriste n’ont désigné que deux responsables, l’ancien médecin de la prison de Boutyrki, Larissa Litvinova, et son collègue Dmitri Kratov. Le tribunal a finalement retiré les charges contre Litvinova, tandis que Kratov n’a toujours pas été inculpé pour négligence ayant entraîné la mort.

La résolution « Justice en Russie : affaire Sergueï Magnitski » a été votée dimanche 8 juillet à la majorité des voix. Le texte rédigé par le Portugais João Soares a été approuvé par les délégations géorgienne, canadienne, lettone, néerlandaise, norvégienne, française et américaine.

Les membres de l’assemblée invitent les parlements nationaux à « appliquer des mesures tels que des sanctions en matière de visas et le gel des actifs des responsables de l’arrestation abusive, des tortures, du refus d’une aide médicale et de la mort de Sergueï Magnitski, de vol du fisc russe via des arrangements frauduleux aux profit d’entreprises ; ainsi qu’à prendre des mesures contre les agents de la fonction publique qui ont favorisé la dissimulation des faits cités plus haut et d’autres violations graves aux droits de l’Homme en Fédération de Russie ».

L’assemblée parlementaire de l’OSCE apporte ainsi son soutien à la majorité des points actuellement débattus au Congrès américain dans le cadre de la « loi Magnitski », qui prévoit des sanctions envers de hauts fonctionnaires russes. La liste d’origine de seize noms rédigée par Benjamin Cardin, coprésident de la commission sur la sécurité et la coopération en Europe et sénateur au Congrès américain, ne figure pas dans le projet de loi. Les législateurs américains ont en effet décidé d’étendre le projet de loi prévu au départ et souhaitent sanctionner non seulement les personnes reprises dans la liste, préparée sur la base des informations fournies par les collègues de Magnitski à Hermitage Capital, mais toutes celles qui ont violé les droits de l’Homme en Russie. Si ce projet est adopté, le département d’État américain devra durant trois mois présenter au Congrès « des listes noires », et les membres du Capitole se sont mis d’accord pour ne pas les rendre publiques dans leur totalité.

L’assemblée parlementaire de l’OSCE soutient ouvertement ces mesures: « nous approuvons les décisions adoptées en 2011 par le département d’État américain, le ministère britannique des Affaires étrangères et le parlement néerlandais concernant le refus d’accorder des visas entrants à presque 60 fonctionnaires russes, accusés d’être impliqués dans la mort de Sergueï Magnitski suite à la passivité des autorités russes ».


De plus, l’assemblée parlementaire « propose aux autorités russes de collaborer avec les institutions internationales dans l’enquête sur la mort de Magnitski en prison et d’en publier les conclusions ».

« Nous, parlementaires représentant tous les pays de l’OSCE, envoyons aujourd’hui un signal clair de soutien aux valeurs démocratiques et aux droits de l’Homme », a déclaré depuis sa tribune Soares. « Les parlements nationaux doivent maintenant appliquer des sanctions en matière de visas et des interdictions d’entrée sur le territoire afin que les coupables de violations des droits de l’Homme ne puissent plus profiter du luxe des voyages à l’étranger ou transférer de l’argent dans nos pays ».

« Je pense qu’il s’agit d’une résolution pro-russe car elle représente l’avenir de la Russie et défend les intérêts de sa population », a ajouté le sénateur John McCain, chef de file de la délégation américaine et ancien candidat à la présidence des États-Unis.

La délégation russe ne partage pas l’avis du sénateur : ses membres se sont prononcés contre l’adoption de ce document, affirmant que les accusations envers la justice russe étaient infondées. « La Russie fait tout ce qui est en son pouvoir pour que ce genre d’affaire ne se répète plus », a déclaré une source de la délégation à l’agence d’information Ria Novosti. Moscou accuse également les Européens d’arrogance et de mépris de la présomption d’innocence. « Cette résolution est hâtive et regorge d’imprécisions ainsi que de données partiales dans ses points 6 et 9 relatifs à l’enquête sur l’affaire Magnitski. L’auteur de ce texte, Monsieur Soares, s’est emparé des compétences des juges », affirme la même source.

Texte abrégé, version intégrale disponible sur le site de gazeta.ru

Lisez sur la page 2 : Les experts appellent à ne pas donner trop d’importance à l’adoption par l’assemblée parlementaire de l’OSCE du projet de « résolution Magnitski ». Commentaires.

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Résolution Magnitski : une manœuvre politique

 

Les experts appellent à ne pas donner trop d’importance à l’adoption par l’assemblée parlementaire de l’OSCE du projet de « résolution Magnitski », qui prévoit des sanctions pour les personnes impliquées dans le meurtre de l’auditeur de la fondation Hermitage Capital Sergueï Magnitski.


« À la place du camp russe, je ne réagirais pas à ce projet. Une institution d’une importante organisation internationale a exprimé son avis. Rien d’extraordinaire… », a déclaré à La Russie d’Aujourd’hui Aleksandr Sokolov, responsable du groupe de travail sur la coopération internationale et la diplomatie commune au sein de la Chambre publique de la Fédération de Russie. M. Sokolov attire l’attention sur le fait que cette résolution de l’assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe n’a qu’un pouvoir de recommandation.


Le directeur de la Fondation d’étude des problèmes démocratiques Maxime Grigoriev partage l’opinion de Sokolov et estime que de telles décisions équivalent à des « mesures sans importance ». « Il est difficile d’influencer les gens de cette façon. C’est à peu près comme si les autorités russes ou le parlement russe décidaient de geler les avoirs financiers des soldats américains auteurs des tortures à Guantanamo », explique Grigoriev. Selon lui, « il s’agit d’une tentative de faire pression sur la Russie dans son ensemble, mais elle n’apportera aucun résultat positif ».


« J’estime qu’il s’agit de pressions. Les personnes soupçonnées d’avoir enfreint la loi sont normalement celles qui peuvent être déclarées coupables dans l’affaire Magnitski. Ces mesures risquent de détériorer les relations de bon voisinage qui se développaient entre les pays. De plus, la communauté internationale ne tient pas compte du fait que l’enquête sur la mort de Magnitski n’est pas encore terminée en Russie. Les responsables seront, je pense, certainement punis », affirme-t-il.


D’après Sokolov, la décision de l’assemblée parlementaire de l’OSCE « constitue clairement une manœuvre politique. Cette assemblée est composée de députés. Ils profitent de leur position pour se montrer auprès de leurs électeurs », indique-t-il. Sokolov est également d’avis qu’« en mettant de tels thèmes à son ordre du jour, l’assemblée parlementaire de l’OSCE discrédite l’organisation fondée pour garantir la sécurité en Europe ».

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