Boris Titov : « Ma mission est de rendre le système économique de notre pays viable et transparent afin que les investisseurs puissent se sentir en terrain sûr ». Crédit photo : Alexandre Natrouchkine / RIA Novosti
En quoi consiste votre fonction d’ombudsman ?
Ma mission est de rendre le système économique de notre pays viable et transparent afin que les investisseurs puissent se sentir en terrain sûr. Bien sûr, personne ne peut jamais être satisfait à 100%, rien n’est jamais entièrement noir ou blanc, on a plutôt affaire à un camaïeu de gris. Mais la couleur dominante devrait tourner au gris clair.
Aujourd’hui, la plupart des investisseurs qui arrivent sur le marché russe craignent pour leurs biens. D’où la peur de développer de grands projets et le choix pour des investissements à court terme. Et par conséquent, nous avons à faire en majeure partie non pas à des investissements directs mais des investissements de portefeuille. La Russie attire surtout les investisseurs séduits par l’appât du gain pour compenser les risques encourus.
Boris Titov a travaillé de 1983 à 1989 en tant que responsable des marchés de l’Amérique du Sud et de l’Extrême Orient au sein de Soyouzneftexport, société soviétique spécialisée dans l’exportation de pétrole et de produits pétroliers.
De 1989 à 1991, il devient chef du département chimique dans une joint-venture soviético-néerlandaise, Iourals, appartenant au célèbre homme d’affaires russe Guénnadi Timtchenko. En 1991, il fonde sa propre société de vente de produits chimiques pétroliers et gaziers Solvalub Ltd London, qui se transforme en un groupe industriel et d’investissement : SVL – Group of companies. En 1996, il ouvre une filiale en Russie OAO Interkhimprom. En 2001-2002, Titov est président de la corporation agrochimique Azot, qui appartient à la société SVL et Gazprom, et qui devient l’un des principaux producteurs russes d’engrais minéraux. Les dernières acquisitions du groupe sont l’élevage de volaille Rjevka et la maison de champagne Abrau-Durso. En 2004, il est nommé président de l’association des entrepreneurs Delovaïa Rossia.
Et notre rôle, dès maintenant, est de changer tout le système. Le modèle économique actuel, qui est fortement dépendant des ressources naturelles, exige une politique budgétaire solide et donc un pouvoir fort. Et la Russie a un trop grand nombre de fonctionnaires, qui tentent de tirer profit de leur statut. L’endémie de la corruption est un pendant de ce modèle économique. Le problème essentiel, aujourd’hui, pour les entreprises en Russie, ne sont pas les OPA hostiles lancées entre sociétés pour le partage d’un marché mais plutôt ces fonctionnaires corrompus et « prédateurs » qui s’accaparent impunément des biens. Et qui ne s’en cachent même pas. La priorité est donc de poser des limites à l’usage excessif de leurs prérogatives contre les entrepreneurs.
Par ailleurs, nous avons actuellement 13 600 détenus pour délit économique en prison, et plus de 120 000 condamnations. Le premier chiffre n’est peut-être pas si énorme, mais 120 000 condamnés, c’est un problème colossal. Sans compter les nombreuses poursuites et affaires criminelles qui ne sont pas encore passées devant le tribunal. D’après nos calculs, un entrepreneur sur six est confronté à des poursuites judiciaires pour délit économique. Il faut que ça cesse.
Quand saura-t-on quel sera exactement votre champ de compétence ?
Certaines de mes fonctions ont été désignées par Vladimir Poutine lors de son discours au Forum économique de Saint-Pétersbourg.
D’une part, nous jouerons le rôle d’organe régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics comme dans le cas de contrôles fiscaux ou sanitaires. C’est une grande responsabilité. Si nous avons cet instrument entre les mains, encore faut-il en user de la bonne manière. Pour ne pas risquer que l’opinion publique ne nous associe à des querelles d’entreprises.
D’autre part, nous sommes chargés de représenter les intérêts des entreprises devant les tribunaux en ayant le statut de personne juridique. C’est tès important car, pour l’instant, les entrepreneurs ont peur de tenir tête aux fonctionnaires et aux hommes d’État devant les tribunaux. Tous le monde est conscient qu’il vaut mieux « s’entendre » avec eux que de s’embourber dans un conflit juridique interminable et risqué. La mission de l’ombudsman est justement de faire tampon entre les entrepreneurs et les fonctionnaires lors des procès pour éviter les règlements de compte directs. C’est crucial.
Par ailleurs, il était question dans le discours du président du droit de représenter aux procès les intérêts d’un nombre indéfini de personnes. Par exemple, si les services sanitaires font pression sans fondement légal sur un groupe de producteurs d’un même secteur, nous pouvons représenter chacun d’entre eux au procès. C’est une grande responsabilité, car jusqu’à maintenant, seule la procurature avait cette possibilité.
Dans les médias, certains vous ont déjà baptisé de «lobbyiste en chef ». Des commentaires ?
Si j’arrive en tant que lobbyiste, par une activité honnête et transparente, à promouvoir les intérêts des entreprises et que le climat des affaires dans notre pays s’améliore, alors j’aurais rempli ma mission. Cela n’a rien à voir avec le lobbying de telle ou telle entreprises en particulier. Je peux vous garantir une chose : nous allons défendre les droits de chaque entreprise mais aussi tenter de changer le système dans son ensemble. Ce qui est sûr, c’est que nous ne le ferons pas contre des pots de vin. C’est justement pour celà que le président à désigné un ombudsman à ce poste et non un fonctionnaire.
Version courte de l’article. Vous trouverez la version intégrale en russe dans le journal Expert
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